Selon une étude mondiale de Deloitte (2023), 87 % des entreprises les plus matures digitalement ont adopté un modèle de leadership distribué, contre seulement 21 % parmi les entreprises peu avancées. Cette corrélation forte entre maturité technologique et modèle de gouvernance interpelle : choisir un leader digital ne se décrète pas, cela s’évalue.
La maturité digitale, révélateur de la posture RH à adopter
Avant d’assigner un pilote à la transformation digitale, encore faut-il savoir où l’on se situe. La maturité digitale d’une entreprise se mesure par sa capacité à intégrer les technologies dans ses opérations, sa culture managériale et son offre de valeur. Cela inclut l’état de l’infrastructure IT, le niveau de compétence numérique des collaborateurs, l’agilité des processus, et l’engagement stratégique du top management.
Dans le contexte marocain, peu d’entreprises disposent encore d’une cartographie claire de leur maturité digitale. Une enquête du cabinet BearingPoint (2023) révèle que seules 28 % des grandes entreprises marocaines ont une vision consolidée de leur niveau d’intégration numérique. Pourtant, ce diagnostic est indispensable pour orienter la gouvernance RH et allouer les responsabilités de conduite du changement.
Trois niveaux de maturité, trois modèles de leadership
1. Faible maturité digitale : leadership exécutif centralisé
Quand l’entreprise est au stade initial – systèmes obsolètes, absence de culture numérique, processus encore fortement manuels – le changement doit venir d’en haut. Le CEO, le DSI ou un Chief Digital Officer avec pouvoir exécutif sont les figures les plus efficaces. Leur rôle : impulser une vision claire, sécuriser les investissements et initier la transformation culturelle.
Cas marocain : dans plusieurs entreprises industrielles locales, ce sont les PDG eux-mêmes qui ont porté les premiers projets ERP ou CRM, en les positionnant comme des priorités stratégiques.
2. Maturité digitale intermédiaire : leadership opérationnel par les managers
Lorsque les bases technologiques sont posées mais que l’appropriation reste inégale, le leadership doit s’incarner au plus près du terrain. Les managers de proximité (chefs de département, responsables projets) sont alors les mieux placés pour déployer des outils, accompagner les équipes et renforcer la transversalité. Le succès repose ici sur des relais bien formés, soutenus par des RH impliqués dans la montée en compétence digitale.
Cas d’école : chez Starbucks, les responsables de point de vente ont piloté la digitalisation de l’expérience client, du programme de fidélité aux commandes via mobile, avec des résultats tangibles sur la satisfaction et la rétention.
3. Haute maturité digitale : leadership distribué et agile
Les entreprises les plus avancées technologiquement – comme certaines fintech marocaines ou acteurs du digital natif – adoptent un modèle de gouvernance où l’innovation est portée par l’ensemble des collaborateurs. Des équipes autonomes, des “champions digitaux” dans chaque département, et une culture de l’expérimentation continue sont les marqueurs de ce stade.
Benchmark international : Google illustre ce modèle avec son fameux “20% time”, qui encourage chaque salarié à consacrer une partie de son temps à des projets innovants, en dehors de sa feuille de route classique.
Un enjeu RH fondamental : aligner leadership, culture et vision
Le rôle des RH est ici central : il ne s’agit pas seulement d’identifier un leader, mais de créer les conditions de son efficacité. Cela implique :
- un état des lieux objectif des compétences numériques en interne,
- un accompagnement du top management dans l’évolution des modèles de gouvernance,
- et surtout, une capacité à faire coexister différents styles de leadership en fonction des entités et des projets.
Au Maroc, où coexistent des entreprises à la maturité digitale très contrastée, la fonction RH peut devenir l’architecte d’un leadership adapté à chaque stade de développement. Ce n’est plus seulement une affaire de nomination, mais une stratégie de transformation globale.
Plus que jamais, le choix du leader de la transformation digitale ne doit pas être une réponse réflexe, mais une décision alignée sur la maturité réelle de l’entreprise. Car entre vision stratégique, déploiement opérationnel et innovation distribuée, le rôle du RH est d’orchestrer le bon niveau de commande, au bon moment.







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