À la veille du 1er mai 2025, journée internationale des travailleurs, le Maroc se trouve à un carrefour délicat de son dialogue social. Le gouvernement, les syndicats et la CGEM ont dressé des bilans contrastés, tandis que les principaux acteurs politiques ont profité de cette occasion pour affirmer leurs positions sur les enjeux sociaux majeurs. Retour sur les déclarations marquantes de cette journée.
Le gouvernement : un bilan positif mais sans nouvel accord
Dans un communiqué officiel publié le 30 avril 2025, le gouvernement a dressé un bilan des engagements tenus depuis l’accord social d’avril 2022, insistant sur les avancées en matière de revalorisation salariale, de protection sociale et de dialogue avec les partenaires sociaux. Le texte souligne notamment :
La mise en œuvre progressive des hausses salariales dans la fonction publique, avec un gain net de 1000 dirhams depuis juillet 2024, et la perspective d’un salaire moyen public à 10 100 dirhams d’ici 2026.
L’augmentation du SMIG et du SMAG dans le secteur privé, respectivement de 15% et 20%, avec une nouvelle revalorisation prévue en 2026 et une unification progressive du salaire minimum d’ici 2028.
L’avancement des chantiers structurants, tels que la réforme du Code du travail, la réforme des retraites et le dialogue sectoriel.
Toutefois, le gouvernement a confirmé qu’aucun nouvel accord social ne serait signé à l’issue de la session d’avril 2025, soulignant que la dynamique de dialogue se poursuit mais que des points restent à trancher.
Le ministre de l’Emploi, Younes Sekkouri, a rappelé le 1er mai les mesures prises en faveur des travailleurs, notamment la deuxième tranche de l’augmentation salariale prévue en juillet 2025, la hausse programmée du SMIG et du SMAG de 10% d’ici avril 2026, et l’ouverture de discussions sur les statuts des fonctionnaires territoriaux et des cadres techniques. Concernant le projet de loi sur le droit de grève, il a assuré que le gouvernement engagerait une concertation avec les partenaires sociaux dans un esprit de justice sociale.
Les syndicats : une alerte sociale et un scepticisme marqué
Du côté des syndicats, le 1er mai 2025 a été l’occasion de sonner l’alarme face à une crise sociale persistante. Les principales centrales, dont l’Union marocaine du travail (UMT) et l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), ont dénoncé la détérioration du pouvoir d’achat, la flambée des prix, la précarisation des emplois et les atteintes aux libertés syndicales.
L’UMT a particulièrement dénoncé le projet de loi sur le droit de grève, qu’elle considère comme une tentative de musellement du droit fondamental de grève, appelant à sa suspension immédiate et à son renvoi à la table du dialogue social. L’UNTM a quant à elle critiqué la « surdité organisée » du gouvernement face aux revendications, soulignant que le dialogue sectoriel est devenu une simple mise en scène sans résultats tangibles.
Les syndicats ont également exprimé leur mécontentement face à l’absence d’un nouvel accord social, estimant que les mesures salariales restent insuffisantes pour compenser la hausse du coût de la vie. Ils ont appelé à une mobilisation forte pour défendre les droits des travailleurs et à l’institutionnalisation durable du dialogue social.
La CGEM : appel à un dialogue social équilibré et à la réforme du Code du travail
La Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), représentée par son président Chakib Alj, a réaffirmé son attachement à un dialogue social « équilibré, productif et tourné vers l’avenir ». À l’issue de la session d’avril 2025, la CGEM a plaidé pour une mise à jour du Code du travail, adaptée aux réalités économiques et aux mutations technologiques, afin de favoriser la création d’emplois durables tout en maintenant un climat social stable.
La CGEM a également insisté sur la nécessité de réformer en profondeur la formation professionnelle pour mieux répondre aux besoins des entreprises, notamment des très petites et moyennes entreprises (TPME), dans un contexte de forte transformation des métiers.
Les voix politiques : critiques et propositions
Abdelilah BENKIRANE (PJD) : vigilance et appel à la concertation
L’ancien chef du gouvernement et leader du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a appelé à une réponse concrète aux revendications syndicales et à la poursuite sincère du dialogue social. Il a mis en garde contre les promesses gouvernementales trop vagues et a exprimé l’espoir d’une déclaration commune entre gouvernement et syndicats pour apaiser les tensions.
Nizar BARAKA (Parti de l’Istiqlal) : une réforme des retraites juste et consensuelle
Nizar BARAKA, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, a souligné à l’occasion du 1er mai l’importance d’une réforme des retraites qui préserve les acquis des salariés et des classes laborieuses. Il a insisté sur la nécessité d’un accord global avec les centrales syndicales, fruit d’une concertation participative, notamment sur des points sensibles comme le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et le niveau des pensions.
Baraka a également rappelé les mesures gouvernementales visant à améliorer le pouvoir d’achat, telles que la hausse des salaires et la réforme de l’impôt sur le revenu, tout en insistant sur le soutien aux prix des matières premières essentielles.
Nabil Benabdellah (Parti du Progrès et du Socialisme) : critique sociale et appel à la mobilisation
Le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), par la voix de son bureau politique, a exprimé un constat sévère de la situation sociale au Maroc, dénonçant la baisse du pouvoir d’achat, la flambée des prix, la précarité, le chômage et la détérioration des libertés syndicales. Le PPS critique la politique économique du gouvernement, qu’il juge insuffisante et autoritaire, et appelle à des mesures fortes pour soutenir les travailleurs, améliorer les conditions de travail et réformer le Code du travail dans le respect des droits sociaux.
Le 1er mai 2025 au Maroc reflète un dialogue social en pleine tension, entre un gouvernement qui met en avant ses avancées et une opposition syndicale et politique qui dénonce des insuffisances et réclame des garanties plus fortes. La CGEM, acteur clé du patronat, appelle à une modernisation du cadre social pour accompagner la transformation économique.
Les déclarations croisées montrent que si les fondations du dialogue social ont été renforcées ces dernières années, notamment avec la mise en place d’un cadre institutionnel et des accords sociaux significatifs, les défis restent nombreux : réforme des retraites, libertés syndicales, amélioration des conditions de travail, et surtout, restauration de la confiance entre partenaires.
Pour 2025 et au-delà, la pérennisation d’un dialogue social équilibré et inclusif apparaît comme une condition sine qua non pour la stabilité sociale et la compétitivité économique du Maroc.