L’année 2022 a été marquée par un phénomène de démission importante, avec 520 000 départs volontaires au premier trimestre selon le ministère du Travail. Cependant, une nouvelle tendance se dessine actuellement dans le monde du travail : la démission silencieuse, également connue sous le nom de “quiet quitting”, qui préoccupe les entreprises.
Ces deux phénomènes sont liés, le premier ayant conduit à une réflexion profonde sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, remettant en question l’organisation du travail et les priorités des salariés. Le second phénomène découle de cette prise de conscience et est récemment confirmé par un sondage réalisé par l’institut Kantar pour la société de conseil Imagreen en octobre 2022 : 4 salariés du secteur privé sur 10 déclarent ressentir un décalage entre leurs convictions sur les enjeux socio-écologiques, le métier qu’ils exercent et les activités de leur entreprise. On estime ainsi que 2,3 millions de salariés se sentent désengagés des projets de leur employeur, principalement pour des raisons sociales et environnementales.
Émilie Narcy, directrice des opérations et des ressources humaines au cabinet de recrutement Approach People Recruitment, constate une augmentation croissante du malaise au sein des entreprises. Certains salariés, désengagés au sein de leur société, passent des entretiens sans véritable conviction, tandis que d’autres refusent les heures supplémentaires ou demandent à travailler à temps partiel.
Selon Émilie Narcy, il est crucial pour les entreprises de surmonter ces craintes et d’analyser objectivement chaque profil de candidat. Elles doivent faire leur maximum pour motiver les employés possédant les compétences nécessaires à la croissance de l’entreprise. Elle met également en garde en soulignant que le télétravail, bien que crucial, n’est pas la seule solution, tout comme les salaires ne suffisent pas toujours à fidéliser les collaborateurs. Il est essentiel d’ouvrir le dialogue sur les moments de productivité afin de comprendre quand il est opportun pour chaque employé de se concentrer sur sa vie professionnelle et personnelle. L’objectif est d’apporter à chaque salarié ce dont il a besoin pour s’engager pleinement.
La flexibilité et la création d’un environnement inclusif sont des éléments clés dans la réengagement des salariés. Emmanuel Bardet, leader de l’expérience collaborateur au sein du cabinet de conseil et d’audit Pwc, a lancé en octobre 2021 le programme “Flexwork” pour offrir de nouveaux modes de fonctionnement à ses 6 000 collaborateurs répartis entre la France et le Maghreb. L’objectif est d’adopter un modèle de travail hybride qui combine les besoins de proximité avec les clients et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, tout en maintenant une certaine agilité. En France, le dispositif accorde une grande confiance aux équipes, leur permettant de travailler depuis n’importe quel endroit tout en maintenant un lien social et une présence au bureau, sans imposer de manière rigide une charte. Les situations varient en fonction des métiers, des impératifs clients et des saisons de projet, ce qui nécessite une approche au cas par cas.
Pour retenir ses talents, Pwc met en avant un environnement de travail durable et inclusif. Des mesures ont été mises en place concernant la santé et la famille. Au-delà d’une approche bienveillante du leadership, l’entreprise accompagne ses salariés dans leurs préoccupations personnelles et professionnelles. En juin 2022, Pwc est devenu signataire du “Parental Challenge”, une charte composée de 12 engagements visant à favoriser une meilleure intégration de la parentalité en entreprise, notamment en soutenant les parcours de procréation médicalement assistée et l’adoption. L’entreprise propose désormais un arrêt rémunéré à 100% pour la mère et le second parent en cas de fausse couche. Au-delà de ces solutions pratiques, le guide incite également à un changement de mentalité en matière de parentalité, qui reflète les déséquilibres majeurs entre les carrières des femmes et des hommes. Pour Emmanuel Bardet, il est essentiel de mettre en pratique les discours en proposant des exemples concrets pour améliorer l’expérience des collaborateurs. Cela permet de rassurer, de convaincre et de créer une proximité avec les salariés.
Face à la démission silencieuse et au désengagement des salariés, les entreprises prennent conscience de la nécessité de réaligner les convictions des employés avec leur travail. En proposant des solutions telles que la flexibilité et un environnement inclusif, les employeurs cherchent à créer une culture d’entreprise qui répond aux aspirations sociales et environnementales des salariés. L’enjeu est de taille, car en accordant ce que les employés pensent à ce qu’ils font, les entreprises peuvent espérer réengager leurs équipes et favoriser leur épanouissement professionnel.