C’est un signal fort envoyé par le gouvernement du Québec : le Collège LaSalle Montréal, propriété du groupe LCI Éducation, a été condamné à payer 29,9 millions de dollars canadiens pour avoir enfreint la Loi 14, qui encadre l’usage du français dans les établissements d’enseignement. Cette législation impose une conformité linguistique rigoureuse, et malgré la participation du groupe au processus réglementaire, les autorités québécoises ont jugé que les manquements étaient suffisamment graves pour prononcer cette sanction d’une ampleur inédite dans le secteur privé.
Cette décision, bien que limitée au territoire québécois, vient fragiliser l’image d’un groupe qui s’est imposé à l’international comme un acteur global de l’éducation. Présent dans plus de vingt pays, LCI Éducation gère une douzaine d’établissements dans les domaines du design, de la gestion, du commerce ou encore des arts appliqués. Sa croissance s’est notamment appuyée sur une stratégie d’expansion internationale portée par une promesse de qualité académique et de mobilité étudiante.
Or, la condamnation financière pèse sur cette dynamique. Elle pourrait affecter les capacités d’investissement du groupe, freiner certains projets, ou encore ralentir le développement de programmes conjoints entre pays. Pour les établissements hors Canada, comme ceux opérant au Maroc, cette nouvelle suscite une forme d’inquiétude : peut-elle compromettre la stabilité financière ou organisationnelle du réseau ?
Si le jugement ne s’applique pas juridiquement aux entités marocaines, il n’en reste pas moins un facteur de pression pour un groupe désormais contraint de prioriser la gestion de crise et la préservation de ses équilibres financiers. Le Maroc, qui représente l’une des plateformes les plus visibles du réseau à l’échelle africaine, n’échappe pas à cette réalité.
Une implantation stratégique au Maroc, fragilisée par l’effet de réputation
Au Maroc, LCI Éducation opère à travers deux établissements : Collège LaSalle Casablanca/ Rabat et HEM (Hautes Études de Management), intégré au réseau en 2018. Ce dernier représente une pièce maîtresse du dispositif local, avec des décennies d’activité et une reconnaissance académique acquise sur la durée. Il s’est notamment distingué par des partenariats institutionnels et sectoriels, à l’image de l’accord conclu avec la Fédération Royale Marocaine de Football.
Cette présence s’inscrit dans une logique d’implantation durable, avec une offre pédagogique professionnalisante, tournée vers l’accompagnement à l’emploi et l’ouverture à l’international. La reconnaissance du réseau repose en grande partie sur cette capacité à conjuguer ancrage local et exposition mondiale. Or, la décision judiciaire rendue au Canada pourrait fragiliser cette équation.
Le risque immédiat est celui d’une perception affaiblie. Une condamnation d’une telle ampleur, même étrangère, peut peser sur l’image de l’ensemble des entités du groupe. Des interrogations légitimes peuvent émerger du côté des étudiants, des familles ou des partenaires quant à la solidité financière du groupe, à la continuité des projets académiques ou encore à la reconnaissance des diplômes en mobilité internationale.
L’épisode de HEM Marrakech en février 2025 avait déjà généré une onde de méfiance. La fermeture de ce campus, annoncée tardivement alors que la campagne de recrutement était en cours, avait contraint plusieurs étudiants à envisager un déménagement vers Rabat ou Casablanca. Malgré la mise en place d’un accompagnement logistique, cette décision avait été perçue comme précipitée, provoquant un malaise durable.
Ce précédent, combiné aujourd’hui à la sanction québécoise, alimente un climat de prudence. Il rappelle que, dans un secteur où la relation de confiance entre établissement et public est centrale, chaque décision structurelle doit être anticipée et expliquée avec clarté. Une communication insuffisante, même en situation de contrainte, peut altérer durablement la réputation d’un réseau.
Maintenir la stabilité au Maroc : entre vigilance et nécessité d’alignement
Si les établissements marocains du groupe LCI continuent à fonctionner normalement, la séquence actuelle les oblige à se positionner. La stabilité organisationnelle et académique doit désormais s’accompagner d’un travail de pédagogie envers les parties prenantes locales, afin d’éviter toute extrapolation ou perte de confiance liée à des événements survenus hors du territoire.
Les effets de la condamnation peuvent se manifester de manière indirecte : gel de certains projets d’ouverture de filières, prudence accrue dans les engagements de mobilité étudiante, ou encore redéfinition des priorités budgétaires. Ces ajustements, s’ils venaient à se confirmer, pourraient nuire à la dynamique de développement des campus marocains, qui ont jusqu’ici capitalisé sur leur affiliation à un groupe international pour attirer une population étudiante en quête de reconnaissance académique et d’ouverture professionnelle.
Dans ce contexte, la gestion de la relation avec les parties prenantes locales devient essentielle. Les familles, les étudiants et les partenaires institutionnels attendent des signaux clairs sur la capacité des établissements à maintenir la qualité des formations, à assurer la continuité pédagogique et à honorer leurs engagements.
La situation actuelle souligne également l’importance pour les structures marocaines du groupe de renforcer leur autonomie dans la gouvernance opérationnelle. Plus le lien avec la maison-mère est perçu comme lointain ou instable, plus il devient nécessaire de démontrer une capacité locale à garantir le bon fonctionnement de l’offre éducative.
Pour LCI Éducation, cette phase sera déterminante. La gestion post-crise ne se jouera pas seulement à Montréal, mais aussi dans sa capacité à accompagner ses établissements partenaires à l’étranger. Au Maroc, cela implique d’assumer une présence plus visible, de restaurer la confiance, et de démontrer que malgré les turbulences judiciaires au Canada, le réseau reste engagé et solide.







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