Le 30 octobre 2025 à Rabat, le Conseil de gouvernement a validé un texte structurant pour la Caisse nationale de sécurité sociale. Le décret n° 2.25.641, qui réorganise la composition et le fonctionnement de son Conseil d’administration, intervient dans un contexte marqué par l’élargissement de la couverture sociale et la montée des attentes en matière de transparence publique. Depuis sa création, la CNSS administre les cotisations sociales, les allocations familiales et les pensions des collaborateurs du secteur privé. Mais la généralisation de la protection sociale, les mutations économiques et la digitalisation ont révélé la nécessité d’un modèle de gouvernance plus clair et mieux adapté à la complexité croissante de ses missions.
Un cadre juridique consolidé
Cette réforme s’appuie sur l’article 7 du Dahir n° 1.72.184 du 27 juillet 1972, récemment amendé par la loi n° 02.24 promulguée le 20 février 2025. Ces ajustements visent à actualiser la base légale de la CNSS, en cohérence avec les orientations nationales en matière de protection sociale universelle. Le nouveau décret précise la composition du Conseil d’administration, les modalités de nomination des membres représentant l’État, les employeurs et les travailleurs, ainsi que les règles de remplacement en cas de vacance de siège. Chaque nomination sera désormais validée par décision du Chef du gouvernement, renforçant ainsi la traçabilité et la responsabilité des désignations.
Le texte introduit également un mécanisme de transparence inédit : les organisations professionnelles et syndicales les plus représentatives à l’échelle nationale devront soumettre leurs propositions de représentants selon des critères objectifs et vérifiables. Cette mesure vise à garantir un équilibre réel entre les différentes composantes du triptyque État–Employeurs–Travailleurs.
Vers une gouvernance plus inclusive
La nouvelle architecture du Conseil d’administration s’inscrit dans la logique du dialogue social institutionnalisé. Elle permet une représentation équilibrée des parties prenantes, avec pour objectif de rétablir une gouvernance collégiale, fondée sur la concertation plutôt que sur la prédominance d’un acteur unique. Ce modèle s’aligne sur les standards internationaux de gestion des organismes de sécurité sociale, où la transparence, la collégialité et la reddition des comptes sont considérées comme des leviers de performance et de confiance.
L’enjeu est considérable : rétablir la légitimité d’une institution qui gère plus de 200 milliards de dirhams de cotisations et de prestations chaque année et dont les décisions impactent directement plusieurs millions de collaborateurs et d’entreprises affiliées.
Un impact structurel sur la gestion
L’adoption du décret 2.25.641 devrait marquer un changement durable dans la gouvernance de la CNSS. D’abord, la clarification du rôle des représentants gouvernementaux permettra une meilleure cohérence entre les politiques publiques de protection sociale et les décisions opérationnelles de la Caisse. Ensuite, la professionnalisation des membres du Conseil, issue d’un processus de désignation plus rigoureux, favorisera une approche plus stratégique de la gestion. Cette réforme répond aussi à un impératif d’agilité, afin que la CNSS puisse s’adapter plus rapidement aux évolutions économiques et technologiques qui affectent le monde du travail.
Les nouvelles dispositions relatives à la perte de la qualité de membre ou au remplacement en cours de mandat visent à prévenir les blocages institutionnels observés par le passé. En assurant la continuité de la gouvernance, elles garantissent la stabilité de la Caisse, condition essentielle à la confiance des assurés et des partenaires économiques.
Les bénéfices pour les parties prenantes
Pour l’État, cette réforme est un outil de pilotage renforcé du système de protection sociale. La désignation claire des représentants gouvernementaux permettra un suivi plus précis de l’exécution des politiques publiques et une meilleure coordination interinstitutionnelle, notamment avec le ministère de l’Économie et des Finances et celui de l’Inclusion économique.
Les employeurs, souvent critiques envers le manque de réactivité de la CNSS, y trouvent une opportunité d’influence équilibrée. La réforme leur offre une voix plus structurée au sein du Conseil, tout en les engageant à contribuer à la soutenabilité financière du régime. Pour les collaborateurs, l’enjeu est majeur : leur représentativité au sein du Conseil d’administration devient tangible, avec des mécanismes de désignation encadrés et transparents. Cette évolution devrait se traduire par un dialogue social plus équilibré et une meilleure prise en compte des réalités du terrain dans les décisions stratégiques.
Défis de mise en œuvre
Toutefois, la portée réelle de cette réforme dépendra de sa mise en œuvre. Les avancées juridiques ne suffiront pas sans une volonté politique forte et une discipline institutionnelle. La CNSS a souvent souffert d’une gouvernance perçue comme bureaucratique ; la réussite du nouveau modèle reposera donc sur la capacité du Conseil à appliquer effectivement les règles de transparence et à dépasser les logiques de représentation formelle.
Un autre défi réside dans la continuité du dialogue entre les trois parties : État, employeurs et représentants des collaborateurs. Le consensus sur les grandes orientations stratégiques — taux de cotisation, digitalisation des services, contrôle des fraudes ou extension de la couverture — exigera une culture de coopération que la réforme devra institutionnaliser.
Enfin, la CNSS devra accompagner cette évolution par une communication claire et régulière. Les assurés, souvent confrontés à des difficultés d’accès à l’information, attendent des explications concrètes sur l’impact de ces changements sur leurs droits, leurs délais de traitement et la qualité des services.
Une réforme au service de la confiance
Au-delà du volet administratif, la réorganisation du Conseil d’administration marque une étape essentielle vers la restauration de la confiance entre la CNSS et les millions d’acteurs qu’elle couvre. La transparence dans la nomination des membres et la répartition équitable des voix renforcent la crédibilité de l’institution. Cette dynamique s’inscrit dans un mouvement plus large de modernisation de la gouvernance publique, amorcé dans d’autres organismes stratégiques de l’État, qui vise à rendre la gestion publique plus responsable, plus ouverte et plus centrée sur la performance.
La CNSS, bras social de la nation, ne peut se contenter d’un simple rôle administratif : elle devient un acteur central de la politique d’inclusion économique et sociale. En se dotant d’un modèle de gouvernance rénové, elle prépare son adaptation aux défis du xxie siècle : vieillissement démographique, transformations du travail et montée en puissance du secteur informel.
Si la réforme est appliquée avec rigueur, elle constituera un levier de stabilité et de performance durable pour le système de sécurité sociale marocain. La CNSS n’a pas seulement réorganisé son Conseil : elle a ouvert la voie à une nouvelle ère de responsabilité collective et de confiance partagée entre les acteurs économiques et sociaux.







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