La signature du protocole d’accord entre Alphavest Capital et Boeing dépasse le simple cadre d’une coopération bilatérale. Elle incarne une stratégie industrielle à grande échelle, pensée pour inscrire durablement le Maroc dans le cœur du dispositif mondial de l’aéronautique. Avec cinq centres aux spécialisations complémentaires, l’enjeu est double : accompagner la montée en gamme de l’industrie locale et renforcer l’attractivité du pays auprès des donneurs d’ordres internationaux.
Un partenariat construit sur la durée
L’initiative n’est pas née d’un coup de dés. Elle s’inscrit dans le prolongement d’une collaboration stratégique déjà éprouvée, notamment à travers TDM Aerospace, co-entreprise maroco-américaine dans laquelle Boeing et Alphavest ont uni leurs forces depuis plusieurs années. Cette alliance leur a permis de tester la faisabilité industrielle d’une montée en puissance locale. Le projet actuel marque donc une étape structurante dans la consolidation d’un écosystème aéronautique souverain et compétitif.
Pour Majid Benmlih, président d’Alphavest Capital, l’accord marque un tournant : « Cet accord historique avec Boeing marque l’avènement du Maroc sur la scène aéronautique mondiale… en termes de risque, de qualité, de coût et de délais. » Du côté de Boeing, Ihssane Mounir, Senior Vice President chez Boeing Commercial Airplanes, insiste sur la vision long terme : « Nous sommes fiers de nous associer à Alphavest Capital pour poursuivre le développement des capacités de la chaîne d’approvisionnement aéronautique marocaine. »
Cinq centres, cinq expertises ciblées
Les cinq Centres d’Excellence Aéronautique annoncés ont été conçus pour répondre aux besoins spécifiques de la chaîne d’approvisionnement globale. Chaque centre sera dédié à un segment stratégique :
- Ingénierie : unité consacrée à la conception, l’innovation et au développement technique, avec une volonté affichée de capter les projets R&D à haute valeur ajoutée.
- Composants fluidiques (tubes, conduits, raccords) : fabrication de pièces techniques essentielles, avec un fort accent sur la qualité et la certification.
- Pièces mécaniques complexes et tôlerie : usinage et assemblage de structures de précision, utilisant les dernières avancées en métallurgie.
- Structures secondaires composites : travail sur matériaux innovants, notamment composites, pour accompagner la transition vers des avions plus légers.
- Transformation et distribution des métaux : ce centre visera à sécuriser les flux de matières premières, avec une capacité à gérer l’approvisionnement local et régional.
Cette spécialisation par filière répond à un impératif industriel : améliorer la compétitivité du Maroc à tous les maillons de la chaîne, tout en renforçant la résilience de l’ensemble du secteur.
Au cœur du projet : la montée en compétences. En ciblant des expertises techniques de pointe, Alphavest et Boeing entendent favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’ingénieurs, techniciens et opérateurs hautement qualifiés. Des partenariats avec les instituts spécialisés sont d’ores et déjà en discussion, avec un double objectif : aligner la formation sur les standards internationaux et assurer une employabilité directe à la sortie des cursus.
La stratégie va au-delà de la seule formation. Elle implique également une logique de sécurisation industrielle. Grâce à la transformation et la distribution locale des matières premières, le Maroc pourra mieux contrôler les flux d’approvisionnement critiques, un enjeu devenu central depuis la crise logistique post-Covid et la guerre en Ukraine. La capacité à produire localement devient un levier de souveraineté et de compétitivité.
Soutien à un tissu industriel déjà mature
Le projet ne part pas de zéro. Le Maroc compte déjà environ 140 entreprises actives dans l’aéronautique, principalement concentrées autour de Casablanca (Midparc, Aéropôle Nouaceur) et de Tanger. Ce tissu industriel bénéficie de l’effet d’agglomération : proximité avec les donneurs d’ordre, infrastructures logistiques performantes, accès facilité aux ports et à l’Europe.
L’accord avec Boeing capitalise sur cet existant. Les nouveaux centres viendront densifier l’écosystème, tout en favorisant l’intégration verticale. Ils permettront notamment à de nombreuses PME locales de monter en gamme, grâce à des effets de diffusion technologique, de transfert de savoir-faire et d’exigences normatives croissantes.
Pour porter ce chantier industriel d’envergure, Alphavest s’appuie sur des véhicules d’investissement ciblés, à l’instar du Moroccan Aerospace Investment Company (MAIC OPCC). Ce fonds thématique est conçu pour capter les capitaux privés et institutionnels intéressés par les secteurs à fort potentiel. Il constitue une réponse concrète à l’appel des autorités marocaines à structurer un capital patient et stratégique, capable d’accompagner des filières clés dans la durée.
Cette approche permet également d’inscrire le projet dans la stratégie industrielle du Royaume, portée par le ministère de l’Industrie et du Commerce. Elle vient compléter les efforts engagés dans l’automobile, l’électronique, ou encore les énergies renouvelables, avec un mot d’ordre : montée en valeur et insertion intelligente dans les chaînes mondiales.
Un signal fort envoyé aux acteurs mondiaux
Au-delà de la dimension industrielle, l’accord envoie un message clair aux grands donneurs d’ordres de l’aéronautique : le Maroc est prêt à jouer dans la cour des hubs mondiaux. En investissant simultanément dans la formation, l’innovation, la logistique et la transformation des matières, le pays s’attaque aux quatre piliers qui conditionnent aujourd’hui les choix de localisation des grands groupes.
Dans un secteur où la maîtrise des risques et la fiabilité des chaînes sont devenues aussi importantes que les coûts, le Maroc joue la carte de la performance globale. Il ne s’agit plus simplement d’être une plateforme à bas coût, mais une base industrielle crédible, intégrée, et alignée sur les nouvelles exigences du secteur.
Avec ce partenariat, le Royaume franchit une étape décisive dans son ambition industrielle. Les cinq Centres d’Excellence Aéronautique dessinent les contours d’une nouvelle génération d’infrastructures technologiques, capables de soutenir la transition du Maroc vers une économie fondée sur l’expertise et la maîtrise de la chaîne de valeur.
L’enjeu dépasse les seuls intérêts de Boeing ou d’Alphavest. Il s’agit d’un projet de filière, structurant pour l’ensemble de l’écosystème, porteur de centaines d’emplois qualifiés, d’investissements en R&D, et d’opportunités nouvelles pour les jeunes talents. Il s’inscrit dans une dynamique d’insertion stratégique du Maroc entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique, à la croisée des flux commerciaux et technologiques.
L’industrie aéronautique, souvent considérée comme un baromètre de la maturité industrielle d’un pays, trouve au Maroc un terreau fertile. L’accord Alphavest-Boeing vient le confirmer. Reste désormais à traduire cette vision en réalisations concrètes, à l’horizon des prochaines années. La trajectoire est lancée.







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