Depuis les premiers balbutiements de l’informatique moderne, l’IA et l’intelligence humaine ont évolué en parallèle. Deux approches distinctes ont émergé parmi les fondateurs de l’IA : ceux qui s’inspiraient des processus mentaux humains pour les reproduire sur ordinateur, et ceux qui cherchaient à résoudre des problèmes sans se soucier de la cognition humaine. Cette dualité historique est cruciale pour comprendre les débats actuels sur l’IA.
Aujourd’hui, l’ensemble de la numérisphère est souvent assimilé à l’IA, une confusion que Maxime Amblard, expert en IA, cherche à dissiper : « Une IA est un outil concret, défini par le calcul en train de se faire et la nature de la tâche qu’il résout. » En d’autres termes, si la tâche semble impliquer des capacités humaines, on s’interroge sur la nature de l’intelligence.
Deux branches de l’IA : symbolique et connexionniste
L’évolution de l’IA s’est divisée en deux grandes catégories : l’IA symbolique, basée sur des règles d’inférences logiques, et l’IA connexionniste, inspirée de la cognition humaine et des réseaux de neurones. Au milieu du 20ème siècle, avec des capacités de calcul limitées, les modèles symboliques prédominaient. Cependant, l’augmentation des données, des capacités de mémoire et de calcul a favorisé l’essor des modèles connexionnistes.
Maxime Amblard utilise une métaphore pour décrire cette évolution : « Avant que la puissance de calcul ne soit au rendez-vous, les modèles probabilistes étaient invisibilisés au profit des modèles symboliques. Actuellement, on vit un moment fort de l’IA connexionniste grâce à ses résultats révolutionnaires. » Néanmoins, l’explicabilité des résultats de l’IA reste un défi, ouvrant la voie aux systèmes hybrides combinant approches connexionnistes et symboliques.
Les limites de l’intelligence artificielle
Malgré les avancées spectaculaires de l’IA, la question demeure : l’IA peut-elle réellement imiter l’IH ? Selon Daniel Andler, professeur émérite en philosophie, le fonctionnalisme est le cadre idéal pour cette comparaison, à condition que l’on considère l’intelligence comme le résultat combiné des fonctions cognitives. Cependant, des éléments cruciaux semblent manquer à l’IA, notamment la conscience et les états mentaux associés.
Annabelle Blangero, neuroscientifique, estime que la conscience émerge de l’évaluation permanente de l’environnement et des réactions sensori-motrices : « La reproduction de la multimodalité humaine sur un robot devrait faire émerger les mêmes caractéristiques. » Toutefois, la communauté scientifique reste divisée sur cette question, et aucune théorie unique ne rend compte de la conscience chez l’être humain.
Maxime Amblard souligne une différence fondamentale : « Les humains construisent des modèles explicatifs de ce qu’ils perçoivent. Nous sommes de véritables machines à faire du sens. » Cette capacité à donner un sens aux expériences semble encore hors de portée de l’IA.
Une question conceptuelle et éthique
La comparaison entre IA et IH pose avant tout un problème conceptuel : comment définissons-nous l’intelligence ? Une définition classique la décrit comme l’ensemble des capacités permettant la résolution de problèmes. Daniel Andler propose une définition alternative, centrée sur l’adaptation à des situations spécifiques et contextuelles. Cette approche souligne la complexité et la subjectivité inhérentes à la notion d’intelligence.
La question éthique est également cruciale : que voulons-nous donner à l’IA et dans quels buts ? Les implications de l’IA sur nos sociétés sont vastes, touchant aux domaines économiques, législatifs et sociaux. Il est essentiel que les acteurs de l’IA, ainsi que les gouvernements et les citoyens, réfléchissent aux objectifs et aux limites de cette technologie.
La comparaison entre l’IA et l’IH est moins une question de rivalité qu’une réflexion sur leurs complémentarités et sur l’utilisation que nous voulons faire de l’IA. L’IA ne doit pas être vue uniquement comme un outil pour reproduire l’intelligence humaine, mais comme un moyen de répondre aux défis de notre époque et d’améliorer la vie humaine. La véritable question n’est pas de savoir si l’IA nous ressemble ou nous ressemblera, mais de déterminer comment nous souhaitons l’intégrer dans nos sociétés et pour quels objectifs.
Les professionnels des RH jouent un rôle clé dans cette intégration, en veillant à ce que l’IA soit utilisée de manière éthique et bénéfique pour tous. Il est crucial de maintenir un dialogue ouvert et de continuer à explorer les possibilités offertes par l’IA, tout en respectant les valeurs humaines fondamentales.