Avec plus de 70 millions de jeunes africains en situation de NEET, l’Afrique fait face à une urgence démographique et sociale de grande ampleur. Ce chiffre, qui recouvre des réalités diverses — abandon scolaire, chômage structurel, manque d’accès à la formation — traduit une exclusion massive aux conséquences économiques et politiques préoccupantes. Dans une région où la jeunesse constitue la majorité de la population, ce déficit d’inclusion est un frein direct au développement durable.
Face à ce constat, la Fondation marocaine JADARA, forte de plus de 20 ans d’engagement en faveur de la jeunesse, et l’Union Panafricaine de la Jeunesse (UPJ), organe de l’Union Africaine, ont uni leurs forces pour organiser à Marrakech le Youth Empowerment Summit Africa (Y.E.S. Africa). Objectif : créer une dynamique continentale coordonnée pour reconnaître, valoriser et intégrer les jeunes NEET dans le tissu économique et social africain.
Repositionner les jeunes NEET comme levier de transformation
L’ambition du sommet dépasse la simple dénonciation d’un état de fait. En mettant les jeunes eux-mêmes au centre du dispositif, Y.E.S. Africa propose un renversement de perspective : considérer les NEET non plus comme un problème, mais comme une réserve de talents inexploités à fort potentiel. La stratégie adoptée repose sur quatre leviers d’impact :
- Visibilité : faire émerger les initiatives portées par les jeunes et les ONG locales.
- Dialogue : créer un espace de rencontre entre bailleurs de fonds, décideurs publics, incubateurs, entreprises et porteurs de projets.
- Partage : capitaliser sur les bonnes pratiques en matière d’insertion, de formation, de mentorat.
- Action : lancer des projets concrets, adaptés aux réalités locales, avec des moyens de suivi et d’évaluation.
Dans cette optique, le sommet s’est inscrit dans une logique de coopération sud-sud, avec le Maroc comme modèle régional, mettant en avant ses politiques de formation professionnelle, de soutien à l’entrepreneuriat et de diplomatie jeunesse.
Une plateforme d’échanges multidimensionnelle
La programmation du sommet a été pensée comme un catalyseur de synergies. Plus de 120 ONG issues des cinq régions du continent ont présenté leurs actions dans des formats variés : conférences plénières, laboratoires d’idées, ateliers thématiques, rencontres B2B et sessions de formation. L’objectif était double : valoriser les acteurs de terrain et connecter les initiatives aux ressources techniques et financières.
Un moment fort a été la présentation d’une plateforme numérique éducative développée par la Fondation JADARA, conçue pour renforcer les compétences des ONG africaines et faciliter le transfert de savoir-faire entre les pays. Cette plateforme, accessible en plusieurs langues, offre des modules de formation en gestion de projet, levée de fonds, gouvernance associative, et insertion professionnelle.
Des sessions spécialisées ont également permis aux participants d’échanger sur des sujets aussi variés que l’économie verte, l’entrepreneuriat digital, les politiques publiques jeunesse, ou encore la place des jeunes dans les processus de paix et de gouvernance locale.
Soutiens internationaux et alliances stratégiques
Le sommet a bénéficié d’un appui de haut niveau, aussi bien institutionnel que financier. La Banque Africaine de Développement, à travers le fonds Africa50, a apporté un soutien stratégique, tout comme plusieurs agences onusiennes engagées sur les questions de jeunesse, d’emploi et de développement.
Parmi les interventions marquantes, celle de Filipe Boulier, Secrétaire général adjoint aux affaires de la jeunesse à l’ONU, a souligné l’urgence d’investir dans la jeunesse africaine comme moteur de stabilité et d’innovation. De son côté, Natalie Foustet, Coordinatrice résidente du système des Nations Unies au Maroc, a salué la vision marocaine en matière de coopération sud-sud et l’intégration de la jeunesse dans les politiques nationales comme un exemple à suivre.
Ces interventions ont confirmé que la problématique NEET est désormais inscrite dans l’agenda international, mais que son traitement nécessite une approche intégrée, localisée, et surtout portée par les premiers concernés : les jeunes eux-mêmes.
Une charte d’engagement et une feuille de route pour l’avenir
Le sommet s’est conclu par l’adoption d’une charte panafricaine pour l’autonomisation des jeunes NEET, document stratégique co-rédigé par les représentants des ONG, les institutions présentes et les jeunes participants. Cette charte engage les parties à :
- Développer une économie sociale et solidaire adaptée aux jeunes.
- Créer des mécanismes de financement pérennes pour les projets jeunesse.
- Mettre en place des politiques publiques intégrées, basées sur des données et dotées de ressources suffisantes.
- Renforcer la participation des jeunes dans les instances de décision à tous les niveaux.
Mamouni Diallo, président de l’Union Panafricaine de la Jeunesse, a insisté sur l’importance de bâtir une gouvernance inclusive, où les jeunes ne sont pas de simples bénéficiaires, mais des co-constructeurs de politiques. Il a également annoncé le lancement d’une campagne continentale de plaidoyer pour que les recommandations du sommet soient adoptées par les 54 États membres de l’Union Africaine.
Le Maroc, catalyseur de solutions panafricaines
Le rôle du Maroc dans l’organisation et le contenu de ce sommet est significatif. Depuis plusieurs années, le Royaume développe une stratégie cohérente en matière de diplomatie jeunesse, combinant accueil des étudiants africains, partenariats inter-universitaires, développement de centres de formation professionnelle à rayonnement régional, et promotion de l’entrepreneuriat des jeunes.
Kenza Abou Roumane, directrice de la jeunesse au ministère marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a rappelé que le Maroc place la coopération sud-sud au cœur de sa politique extérieure, avec un accent particulier sur la jeunesse comme vecteur d’un développement endogène et durable.
En structurant ce premier sommet autour de solutions concrètes, d’outils numériques et de stratégies transversales, le Maroc démontre sa capacité à fédérer, à inspirer et à partager son expérience avec ses partenaires africains.
Une dynamique appelée à se pérenniser
La réussite du Sommet Y.E.S. Africa ouvre la voie à une institutionnalisation de cette démarche. Il a été décidé que ce rendez-vous serait itérant et biennal, organisé à tour de rôle par différents pays africains, afin d’adapter les réponses aux réalités locales tout en consolidant un socle commun d’action.
La Fondation JADARA, en coordination avec l’Union Panafricaine de la Jeunesse, assurera un rôle de secrétariat technique pour suivre la mise en œuvre des engagements, évaluer les projets financés, et maintenir la mobilisation entre deux éditions du sommet.
Une jeunesse moteur de changement, pas simple variable d’ajustement
À travers ce sommet, les jeunes africains ont démontré leur capacité à formuler des solutions, à construire des alliances, et à exiger des politiques à la hauteur de leurs ambitions. Loin des clichés sur une jeunesse désengagée ou dépendante, le message porté à Marrakech est clair : la jeunesse est prête à prendre sa place, à condition qu’on lui en donne les moyens.
Cette première édition du sommet africain des jeunes NEET marque donc un tournant décisif : elle rompt avec les approches descendantes et annonce l’émergence d’un nouvel écosystème où les jeunes deviennent des catalyseurs de progrès.
Avec le Maroc en tête de file, c’est une Afrique audacieuse, coopérative et tournée vers l’avenir qui se dessine — une Afrique qui investit dans sa ressource la plus précieuse : sa jeunesse.