Moins de 30 % des entreprises qui investissent dans l’analytique RH l’utilisent efficacement, selon une étude de Deloitte. Pourtant, au Maroc, où la pression sur la performance et la rétention des talents s’intensifie, les DRH n’ont plus le luxe de piloter à l’instinct.
Donner un mandat stratégique à l’analytique RH
Construire une équipe d’analytique RH ne commence pas par le recrutement de data scientists, mais par une clarification des priorités. L’enjeu n’est pas de produire des tableaux de bord sophistiqués, mais d’orienter les décisions RH critiques : taux de rétention, performance des talents, prédiction des départs, efficacité des formations, etc.
Selon le rapport 2024 de McKinsey, les entreprises qui alignent leur équipe d’analytique RH sur les priorités de l’exécutif constatent une amélioration de 15 à 20 % de leur efficacité organisationnelle. La question centrale pour les DRH devient alors : quels problèmes voulons-nous résoudre avec les données ?
Une structure hybride, ancrée dans les enjeux business
L’ancrage hiérarchique de l’équipe est décisif. Pour garantir son impact, elle doit être directement rattachée au CHRO ou à une cellule d’intelligence stratégique transverse. Dans plusieurs grands groupes au Maroc, comme dans les filiales africaines de multinationales, ces équipes sont souvent cloisonnées au sein des services IT ou RH opérationnels, perdant ainsi leur capacité d’influence.
La tendance internationale, confirmée par le dernier rapport de Josh Bersin (2024), va vers des “People Analytics Hubs” intégrés, dotés d’une gouvernance claire et d’un accès direct aux décisionnaires.
Des profils hybrides, au-delà des experts data
Contrairement aux idées reçues, une équipe “people analytics” ne repose pas exclusivement sur des ingénieurs ou data scientists. Les données RH étant souvent qualitatives, fragmentées et sensibles, la compétence clé devient la capacité à en extraire des insights actionnables et socialement intelligibles.
Un modèle d’équipe efficace inclut :
- Un·e analyste RH sénior, capable de dialoguer avec les managers opérationnels ;
- Un·e spécialiste en psychologie du travail ou en sociologie des organisations ;
- Un·e expert·e en visualisation de données (type Power BI/Tableau) ;
- Un·e coordinateur·trice de la gouvernance et de la conformité.
Au Maroc, peu de formations diplômantes préparent spécifiquement à ces fonctions. Les grandes écoles commencent tout juste à intégrer des modules d’analytique RH (notamment l’ENCG, l’ISCAE ou l’ESCA). Il est donc stratégique pour les entreprises de miser sur la formation continue.
Monter en puissance : former ou recruter ?
Former en interne : C’est la voie la plus rapide et la plus durable. De nombreux professionnels RH marocains, notamment dans les grandes entreprises, montrent un fort potentiel d’acculturation aux outils analytiques. Des programmes certifiants (comme ceux de Coursera ou LinkedIn Learning) peuvent être intégrés à des parcours de développement interne.
Recruter en externe : Pour des expertises spécifiques (modélisation prédictive, analyse de réseaux organisationnels), le recours au recrutement externe s’impose. Les secteurs du marketing digital ou de la supply chain peuvent être des viviers intéressants, leurs problématiques de données étant parfois similaires.
Gouvernance, éthique et souveraineté des données
L’analytique RH, particulièrement au Maroc et en Afrique francophone, ne peut faire l’économie d’un cadre éthique robuste. La protection des données personnelles, régie par la loi 09-08, impose une vigilance accrue.
Toute collecte ou traitement de données RH doit être :
- Documenté et limité à des finalités explicites ;
- Soumis à l’autorisation préalable de la CNDP (Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel), si nécessaire ;
- Communiqué en toute transparence aux collaborateurs.
Plusieurs DRH interrogés dans le cadre du Baromètre 2025 du cabinet LMS Advisory soulignent l’émergence de la “confiance numérique” comme facteur de marque employeur. À terme, l’enjeu dépasse la conformité : il s’agit de légitimer l’usage de la donnée au service du bien-être et de la performance collective.
Une équipe “people analytics” bien pensée peut transformer la fonction RH d’un centre de coût en centre de décisions stratégiques. Mais encore faut-il dépasser la fascination technologique pour articuler clairement gouvernance, compétences, objectifs métiers et contraintes locales. La prochaine frontière ? Intégrer les données RH dans les comités de direction, au même titre que les KPI financiers.







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