Selon une étude publiée dans The Economic Journal (2022), des joueurs d’échecs professionnels performent mieux en ligne qu’en présentiel, grâce à un environnement plus calme, une meilleure gestion du temps et une routine auto-imposée. Derrière ces résultats, une leçon RH majeure : la performance à distance n’est pas un mythe, mais elle ne s’improvise pas.
Un terrain inattendu pour étudier le télétravail : les échecs professionnels
Les économistes Steffen Künn, Christian Seel et Dainis Zegners ont analysé plusieurs centaines de milliers de parties d’échecs jouées en ligne et en présentiel pour comparer les performances cognitives des joueurs selon leur environnement. Leur constat : à distance, les joueurs sont en moyenne plus concentrés, prennent de meilleures décisions, et commettent moins d’erreurs critiques.
Pourquoi ? Parce que le télétravail permet un contrôle accru de l’environnement : bruit réduit, rythme personnalisé, meilleur confort. Mais surtout, les meilleurs résultats sont obtenus par ceux qui instaurent une discipline personnelle forte – une routine structurée, des horaires fixes, et une limitation volontaire des distractions.
Des résultats transposables… avec prudence
Si les conclusions sont stimulantes, les auteurs soulignent la spécificité de leur terrain d’étude : les échecs sont une activité à très haute intensité cognitive, mais à faible interaction sociale. Cela limite la généralisation à d’autres métiers.
Toutefois, dans le contexte marocain, où le télétravail s’est imposé de manière accélérée depuis la crise sanitaire, ces enseignements peuvent éclairer les DRH sur la nécessité de redéfinir les critères de performance à distance. Il ne s’agit plus seulement de présence, mais de résultats, d’organisation personnelle et de capacité à maintenir une discipline sans supervision constante.
Quels leviers RH pour capitaliser sur la performance à distance ?
Pour les DRH, cette étude souligne un enjeu central : le télétravail n’est pas intrinsèquement un frein à la performance, mais son efficacité dépend de conditions bien précises que les entreprises peuvent influencer. Voici quatre pistes concrètes :
- Former au travail autonome : offrir des formations sur la gestion du temps, l’organisation personnelle et l’ergonomie numérique. Ce type de formation reste rare au Maroc mais devient essentiel dans les dispositifs d’onboarding.
- Clarifier les attentes et les livrables : plutôt que de surveiller les horaires, définir des objectifs clairs et mesurables. Une culture du résultat permet d’éviter les biais de suspicion souvent associés au travail à distance.
- Encourager les routines structurées : inciter les collaborateurs à établir des rituels de travail à distance (heures fixes, pauses programmées, espace dédié) via des campagnes internes ou des témoignages de bonnes pratiques.
- Maintenir des interactions régulières mais ciblées : trop de visioconférences tuent la concentration. Favoriser des points de contact courts, réguliers et utiles plutôt que des réunions à faible valeur ajoutée.
Télétravail au Maroc : entre adhésion et appréhension
Un sondage réalisé par ReKrute en 2023 indique que 67 % des cadres marocains souhaitent maintenir une forme hybride de télétravail. Pourtant, dans les faits, beaucoup d’entreprises reviennent à une présence quasi-totale, faute d’outils d’évaluation adaptés ou de confiance managériale suffisante.
L’étude de Künn et al. pourrait aider à reposer le débat sur des bases scientifiques, loin des opinions personnelles ou des impressions biaisées. Elle rappelle que la performance ne réside pas dans le lieu, mais dans les conditions organisationnelles mises en place.
À l’heure où la performance cognitive devient un avantage concurrentiel, les DRH ne peuvent plus ignorer l’impact des environnements de travail. Le télétravail n’est ni un échec ni une panacée, mais un terrain à structurer intelligemment pour en libérer tout le potentiel.







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