Fondé en 1986, Shandong Yongsheng Rubber s’est imposé comme un acteur de premier plan sur le marché mondial des pneumatiques. En Chine, l’entreprise produit chaque année plus de 26 millions de pneus commercialisés sous plusieurs marques, dont Tracmax et Road King. Son expansion à l’international s’accélère, avec un projet de construction d’une usine au Maroc. La nouvelle unité de production devrait démarrer avec une capacité de 6 millions de pneus par an, pour atteindre à terme 12 millions, faisant d’elle l’une des plus importantes du continent africain dans le secteur.
Destinée principalement à l’export, la production marocaine visera les marchés européens, africains et américains. Ce choix industriel stratégique permet au groupe d’allier proximité logistique avec ses clients internationaux et compétitivité grâce à des coûts maîtrisés.
Un positionnement géographique révélateur
Le groupe chinois a étudié deux implantations possibles : Kenitra Automotive City, zone industrielle spécialisée dans l’automobile à l’ouest du pays, et la région de l’Oriental, notamment Oujda, à proximité du port de Nador West Med. Ces deux zones présentent des avantages distincts mais complémentaires.
Kenitra bénéficie déjà d’un écosystème automobile développé, avec la présence d’acteurs internationaux et une logistique éprouvée vers les ports de Casablanca et Tanger Med. De son côté, l’Oriental se positionne comme un nouveau pôle de développement, soutenu par de lourds investissements publics et une volonté politique de rééquilibrage territorial. La proximité avec Nador West Med et l’accès à des corridors transsahariens offrent un potentiel d’exportation vers l’Afrique et l’Europe, que le groupe pourrait rapidement exploiter.
Le projet s’inscrit ainsi dans la politique de déconcentration industrielle du Maroc, qui vise à distribuer les activités économiques sur l’ensemble du territoire, au lieu de les concentrer uniquement dans l’axe Casablanca-Tanger.
Formation, emploi et transfert de compétences : le triptyque RH du projet
Au-delà des considérations logistiques et industrielles, c’est bien sur le terrain des ressources humaines que le projet prend tout son relief. Avec près de 1 800 emplois directs prévus, la nouvelle usine nécessitera une main-d’œuvre hautement qualifiée. Shandong Yongsheng Rubber a donc multiplié les échanges avec la Cité des métiers et des compétences (CMC) de l’Oriental, afin d’évaluer les dispositifs de formation existants et leur adéquation aux besoins techniques du secteur pneumatique.
Les profils recherchés couvrent un large éventail de métiers : opérateurs spécialisés en production de pneus, techniciens de maintenance sur lignes automatisées, ingénieurs en procédés industriels, spécialistes du contrôle qualité ou encore logisticiens. Tous ces métiers nécessitent une formation rigoureuse, conforme aux standards internationaux, notamment pour les certifications exigées sur les marchés d’exportation.
L’enjeu RH dépasse donc la simple mise à disposition de personnel : il s’agit de structurer un véritable transfert de compétences vers les jeunes générations marocaines. Ce transfert repose sur des parcours qualifiants, mais aussi sur une coopération renforcée entre le tissu éducatif local et les besoins spécifiques du secteur manufacturier.
Des perspectives sociales pour l’Oriental
L’impact attendu sur l’emploi dans l’Oriental est particulièrement significatif. Cette région, longtemps restée en marge des grandes dynamiques économiques nationales, pourrait voir dans ce projet une véritable opportunité de transformation. En intégrant les jeunes diplômés, en ciblant des profils féminins et en offrant des débouchés aux habitants de zones périurbaines ou rurales, l’usine pourrait contribuer à un développement plus inclusif.
Le modèle envisagé par le groupe chinois n’est pas celui d’un simple site de production délocalisé. Il s’agit d’un ancrage territorial fondé sur une logique de co-développement avec les acteurs locaux. Les dispositifs de formation devront ainsi être adaptés, flexibles et alignés avec les évolutions technologiques constantes du secteur.
Zones industrielles et vision stratégique marocaine
Le projet s’inscrit dans une architecture plus large portée par l’État marocain : structurer des zones économiques performantes capables d’accueillir des investisseurs internationaux sur des chaînes de valeur à haute technicité. Kenitra Automotive City est un exemple déjà opérationnel, avec des groupes comme PSA (Stellantis) ou Yazaki. La région de l’Oriental, quant à elle, capitalise sur le développement du port Nador West Med pour devenir un hub industriel méditerranéen.
Ces zones bénéficient de conditions attractives : infrastructures modernes, cadre fiscal incitatif, stabilité politique, accords de libre-échange avec l’Europe, les États-Unis et plusieurs pays africains. Elles permettent à des groupes comme Shandong Yongsheng Rubber de sécuriser leur chaîne logistique et d’optimiser leur time-to-market sur plusieurs continents.
La proximité de la CMC et des instituts spécialisés ajoute une dimension RH essentielle à cette équation. Ce lien entre politique industrielle et politique de formation est l’un des piliers du repositionnement économique marocain, qui entend gravir les échelons de la chaîne de valeur mondiale, notamment dans l’industrie automobile et ses dérivés.
Un projet inscrit dans une logique d’expansion globale
Le Maroc ne constitue pas une exception dans la stratégie du groupe chinois. Shandong Yongsheng Rubber multiplie les projets de localisation industrielle sur plusieurs continents. En Europe, en Amérique latine, et à travers des centres R&D en Asie, le groupe cherche à renforcer son empreinte mondiale. L’objectif est clair : combiner des sites de production régionaux avec des relais de recherche pour s’adapter au plus près des marchés tout en innovant.
Dans ce contexte, le Maroc offre une double opportunité : un ancrage régional vers l’Afrique et la Méditerranée, mais aussi une base industrielle fiable pour alimenter les marchés européens. Pour les autorités marocaines, cette implantation constitue une reconnaissance du travail mené ces dernières années pour structurer une offre industrielle attractive, connectée, et résolument tournée vers l’emploi local.
Le projet d’implantation de Shandong Yongsheng Rubber au Maroc dépasse le simple cadre d’un investissement industriel. Il cristallise des enjeux majeurs : territorialisation de la croissance, valorisation des compétences locales, et consolidation du Maroc comme plateforme industrielle régionale. À travers la formation, l’emploi qualifié et l’intégration logistique, il dessine les contours d’un partenariat industriel à haute valeur ajoutée, où la ressource humaine devient un vecteur de compétitivité autant qu’un levier de transformation territoriale.







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