Pour quiconque ne suivant pas de près les chiffres au fil des années, apprendre que les femmes accèdent de moins en moins au marché de travail comparé à deux décennies plus tôt serait peut-être une surprise.
Au Maroc, les femmes font aujourd’hui face à un écart structurel et persistant en matière d’emploi. Les statistiques révèlent une image contrastée : malgré l’augmentation des niveaux d’éducation et les initiatives gouvernementales, le taux d’activité des femmes reste l’un des plus faibles au monde, s’établissant à 19,8 % en 2022, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Ce taux représente une baisse alarmante de près de 30 % depuis 2004, indiquant un problème profondément enraciné au sein de la société marocaine.
L’éducation et l’emploi : un paradoxe marocain
L’éducation des femmes a connu des avancées significatives. Le taux de scolarisation des jeunes filles est passé de 46,3 % en 2010 à 70,9 % en 2020, et les données montrent une nette amélioration de la scolarité chez les femmes. Cependant, cette amélioration n’a pas été convertie en opportunités d’emploi équivalentes.
De manière contre-intuitive, le taux d’activité des femmes diplômées de l’enseignement supérieur a chuté, indiquant que des diplômes plus élevés ne garantissent pas l’accès à l’emploi. Le chômage élevé parmi les diplômées est particulièrement préoccupant, dépassant 30 % en milieu urbain et atteignant 45 % en milieu rural.
La distinction entre milieu rural et urbain est importante. Alors que le milieu rural offre un taux d’activité féminin légèrement supérieur, il s’agit souvent d’emplois précaires. Les opportunités de travail en milieu rural sont volatiles et à faible revenu, ce qui nécessite une approche ciblée pour améliorer la qualité et la stabilité de l’emploi pour les femmes dans ces régions.
Influence du statut marital
Au Maroc, le statut matrimonial influence de manière significative la participation des femmes au marché du travail, mettant en lumière des dynamiques sociales complexes et profondément ancrées. Alors que pour les hommes, le mariage peut souvent conduire à une augmentation de la participation économique, possiblement en raison des responsabilités financières accrues, pour les femmes, c’est généralement l’inverse qui se produit.
La tendance montre que les femmes marocaines réduisent leur présence sur le marché du travail ou se retirent complètement après le mariage. Ce phénomène est non seulement prévalent mais aussi frappant dans sa régularité, révélant un fossé persistant entre les sexes. En effet, les statistiques indiquent que les femmes mariées connaissent une baisse considérable dans leur taux d’activité économique.
Cette disparité est souvent attribuée aux normes sociales et aux attentes culturelles traditionnelles qui assignent aux femmes le rôle de soignantes et gestionnaires du foyer, limitant ainsi leurs opportunités d’emploi et de carrière. Le mariage est souvent perçu comme un tournant où les priorités doivent se conformer aux rôles de genre établis, où l’homme est le principal pourvoyeur et la femme la principale responsable de la gestion du foyer et de l’éducation des enfants.
Les réponses politiques
Le gouvernement marocain a mis en avant des plans ambitieux, tels que le Programme National Intégré d’Autonomisation Économique des Femmes, visant à synergiser les efforts pour stimuler l’emploi féminin. Cependant, la crise financière, exacerbée par la pandémie de la COVID-19, a mis en lumière la fragilité de ces initiatives face à des chocs économiques.
Les mouvements féministes au Maroc ont poussé pour une reconnaissance plus grande des droits économiques des femmes, nécessitant une mobilisation plus forte des différentes parties prenantes. Le Discours royal du 30 juillet 2022 a également mis l’accent sur la nécessité d’intégrer pleinement les femmes dans tous les secteurs de développement du pays.
Il est clair que pour améliorer la situation, le Maroc doit aborder les problématiques d’éducation, d’inégalités territoriales, de stéréotypes de genre et de dynamiques familiales de manière intégrée. Une économie diversifiée offrant de larges opportunités aux femmes dans tous les secteurs est essentielle. Les politiques doivent être spécifiques, réalistes et ancrées dans les réalités territoriales et les besoins des différentes catégories socio-économiques de femmes.
Pour faire face à ce défi de taille, il est crucial d’adopter une politique économique inclusive qui promeut l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes à travers le Maroc, tout en tenant compte des réalités locales et des obstacles systémiques qui entravent l’accès des femmes au marché du travail.