Le 16 juillet 2025, une vidéo captée par la fameuse « kiss cam » lors d’un concert de Coldplay au Gillette Stadium a suffi à faire basculer la start-up américaine Astronomer dans une tourmente à forte résonance RH. Le PDG Andy Byron et la Chief People Officer Kristin Cabot, filmés dans une posture intime, ont vu leur image associée à un scandale public mondialement diffusé, entraînant en quelques jours la démission du dirigeant et la mise en congé de la DRH. Au-delà de l’anecdote virale, cette affaire interroge sur la responsabilité éthique des hauts dirigeants, le rôle critique de la fonction RH dans les crises de gouvernance et les mécanismes de prévention à mettre en place dans les entreprises en croissance.
Une vidéo virale, une gouvernance ébranlée
Nommé PDG en juillet 2024, Andy Byron incarnait la stabilité retrouvée d’Astronomer après une phase de réorganisation. Son binôme RH, Kristin Cabot, avait rejoint la société en novembre dernier pour structurer la culture interne et accompagner l’hypercroissance. Mais ce duo stratégique s’est brutalement retrouvé exposé, non pas pour leurs résultats, mais pour une proximité personnelle révélée au grand jour.
Le conseil d’administration, après avoir tergiversé face à une avalanche de réactions en ligne mêlant ironie, colère et interrogations éthiques, a lancé une enquête interne. Byron a fini par quitter son poste, tandis que Cabot a été mise en retrait. Cette réaction tardive a été d’autant plus critiquée que l’absence de prise de parole rapide a laissé s’installer le doute et nourri les spéculations. L’image de l’entreprise, valorisée à près de 775 millions de dollars, a été fortement altérée.
La fonction RH au centre du cyclone
Ce qui rend cette crise particulièrement sensible pour les DRH, c’est l’implication directe de la responsable RH elle-même. La fonction, garante de la justice organisationnelle et de la confiance collective, se retrouve ici en position délicate. Une relation personnelle avec le PDG soulève inévitablement des soupçons de partialité, affaiblissant la crédibilité des décisions RH, notamment en matière de promotions, de gestion de conflits ou de sanctions.
Cet épisode révèle une tension majeure : comment garantir l’indépendance de la fonction RH lorsqu’elle est structurellement rattachée à la direction générale ? Et surtout, comment préserver sa capacité à représenter les intérêts collectifs quand la confiance est mise à mal par une implication personnelle ?
L’urgence d’une communication de crise adaptée
L’un des angles morts majeurs d’Astronomer a été sa lenteur à communiquer. Laisser une affaire aussi exposée évoluer sans cadre narratif clair a renforcé la viralité négative. Les salariés ont été priés de ne pas commenter l’affaire, mais sans réponse formelle à leurs interrogations, les rumeurs ont prospéré. La DRH, en l’occurrence partie prenante du scandale, ne pouvait pas jouer son rôle habituel de médiation interne, accentuant le sentiment de flottement managérial.
Ce cas rappelle que la communication de crise ne peut être improvisée. La transparence, la cohérence et la rapidité d’action sont désormais des exigences de base dans un écosystème professionnel hyperconnecté. Le récit ne peut plus être maîtrisé uniquement en haut de la pyramide : il doit intégrer la base, sans quoi le risque de fragmentation culturelle est réel.
Gouvernance éthique : des garde-fous à renforcer
La relation personnelle entre deux dirigeants de premier plan pose un problème de gouvernance évident. De nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs sensibles comme la finance ou la santé, ont déjà intégré des politiques strictes encadrant les relations affectives au sein de l’encadrement. Ces chartes visent moins à sanctionner qu’à anticiper les conflits d’intérêt, protéger l’équité interne et préserver la confiance.
Pour les start-up, souvent centrées sur l’innovation technologique et la croissance rapide, ces sujets peuvent sembler secondaires. Pourtant, l’affaire Astronomer montre que les risques humains et réputationnels peuvent surpasser en gravité les incidents techniques ou commerciaux. Il est donc indispensable d’intégrer des normes de gouvernance claires, des formations à l’éthique managériale, et un dispositif d’alerte capable de fonctionner indépendamment de la hiérarchie directe.
La DRH, garante d’une culture résiliente
La crise révèle aussi un enjeu fondamental : repositionner la fonction RH comme acteur stratégique de la gouvernance, et non comme simple administrateur du climat social. La neutralité de la DRH ne peut reposer sur la seule éthique individuelle de ses titulaires. Elle doit être structurée par des dispositifs organisationnels permettant de prévenir les situations à risque, y compris lorsqu’elles impliquent les plus hauts niveaux hiérarchiques.
Cela suppose également que les DRH puissent alerter en toute sécurité, être appuyés par des comités indépendants, et bénéficier de relais dans le comité d’audit ou auprès du conseil. En parallèle, le rôle de la DRH comme garante des valeurs de l’entreprise doit être renforcé par une posture exemplaire, une transparence permanente et une formation continue à la gestion des risques comportementaux.
Un électrochoc pour les start-up en phase de croissance
La nomination de Pete DeJoy en tant que CEO par intérim ouvre une période de transition pour Astronomer. Le nouveau dirigeant a promis un retour à des pratiques managériales irréprochables. Mais cette promesse devra s’incarner rapidement dans des actes visibles : audit éthique indépendant, refonte des règles internes, prise de parole auprès des équipes et relance du dialogue social.
Pour les autres start-up observant cette affaire, l’enjeu est double. D’une part, renforcer la professionnalisation de leur fonction RH pour qu’elle ne soit pas seulement un relais des fondateurs. D’autre part, intégrer dès les premières phases de croissance les outils de gouvernance qui permettent d’éviter les conflits personnels au sommet. Car la réputation, même dans un secteur technologique en pleine expansion, reste l’un des actifs les plus fragiles de l’entreprise.







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