Le groupe L’Oréal a évalué plus de 10 000 candidats à travers des jeux immersifs intégrés à son processus de recrutement. Ce n’est plus une expérimentation, mais une mutation des usages RH : les soft skills s’analysent désormais aussi manette en main.
Une réponse directe à la volatilité des compétences techniques
Dans un marché où l’obsolescence des compétences techniques est accélérée par l’automatisation, la priorité des recruteurs se déplace vers les capacités transversales. Selon le rapport “Future of Jobs 2023” du World Economic Forum, 6 entreprises sur 10 déclarent qu’elles accorderont plus de poids aux soft skills qu’aux diplômes d’ici 2027.
Le jeu vidéo, en tant que simulateur d’environnement complexe, offre une voie inédite pour mesurer des compétences comme la gestion du stress, l’adaptabilité ou la prise de décision sous contrainte. Dans certains scénarios de type escape game virtuel, un recruteur peut observer comment un candidat hiérarchise les priorités, interagit avec une équipe virtuelle ou réagit face à l’incertitude — des qualités difficiles à capturer en entretien classique.
Des bénéfices partagés pour entreprises et candidats
L’intérêt n’est pas seulement technologique. Il est aussi humain et stratégique.
Pour l’entreprise, le jeu vidéo permet :
- d’objectiver l’évaluation des soft skills par l’observation du comportement réel plutôt que par l’autodéclaration ;
- d’attirer une population de candidats plus jeunes, technophiles ou issus de milieux éloignés de la candidature classique ;
- de renforcer la marque employeur en proposant une expérience différenciante, moins anxiogène qu’un entretien traditionnel.
Pour le candidat, cette approche :
- donne accès à un environnement d’évaluation plus naturel et plus équitable ;
- lui permet de valoriser des compétences parfois difficiles à exprimer à l’écrit ;
- l’aide à mieux comprendre les attendus du poste à travers des mises en situation concrètes.
Dans une enquête menée par JobTeaser auprès de jeunes diplômés européens en 2022, 63 % des répondants se disent plus motivés à postuler lorsqu’un processus de recrutement inclut un jeu sérieux ou une simulation métier.
Focus : jeux solo vs jeux collaboratifs
Le choix du type de jeu influe sur les dimensions comportementales évaluées. Les jeux solo, comme les énigmes logiques ou les épreuves d’adresse, permettent de tester la persévérance, l’autonomie, la pensée analytique. Les jeux collaboratifs — notamment ceux où plusieurs joueurs doivent atteindre un objectif commun en temps limité — sont redoutables pour révéler la communication, la coordination et les dynamiques de leadership.
À noter : ce ne sont pas les résultats au jeu qui comptent, mais les stratégies mises en œuvre, le comportement observé face aux imprévus, et la capacité d’adaptation du joueur. C’est ce qu’on appelle l’évaluation implicite de compétence, plus difficile à simuler par les candidats.
Des plateformes spécialisées structurent le marché
Certaines startups en France et à l’international industrialisent déjà cette approche. C’est le cas de Skilleo, CleverConnect ou encore HireVue, qui proposent des jeux scénarisés ou des évaluations gamifiées intégrables dans les ATS (Applicant Tracking Systems) des entreprises.
En Afrique, le développement de plateformes locales reste embryonnaire, mais les signaux faibles se multiplient. Des incubateurs comme UM6P Ventures ou Orange Digital Center à Dakar accompagnent des éditeurs de jeux à visée éducative ou RH. Ce marché est en attente d’acteurs capables d’articuler la gamification avec les réalités du recrutement africain : multi-langue, faible bande passante, profils autodidactes ou atypiques.
Limites et complémentarités
Si le jeu vidéo ouvre des perspectives innovantes, il ne constitue pas une solution isolée. Il doit s’intégrer dans une démarche globale d’évaluation, combinée à des entretiens structurés, des tests métiers et des entretiens de personnalité. Il ne remplace pas la prise de référence, l’analyse du parcours ou la validation des motivations.
Par ailleurs, le recrutement gamifié pose des enjeux éthiques : consentement éclairé des candidats, traitement des données comportementales, accessibilité pour les publics en situation de handicap. Ces questions doivent être adressées dès la conception du dispositif.
Encore marginal au Maroc, le recrutement par le jeu vidéo pourrait devenir un avantage concurrentiel décisif pour les entreprises qui sauront l’intégrer intelligemment dans leurs processus. À condition de ne pas jouer avec les apparences, mais d’en faire un vrai outil d’analyse stratégique des talents.







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