Transformer des tâches ordinaires en défis engageants. C’est la promesse de la gamification, une approche qui consiste à intégrer des mécanismes issus du jeu – points, classements, niveaux, récompenses – dans des environnements non ludiques, comme le travail.
Loin des gadgets, cette stratégie s’est professionnalisée. Selon Gartner, plus de 70 % des entreprises du Fortune 500 intègrent aujourd’hui des éléments de gamification dans leurs dispositifs RH, commerciaux ou de formation. Et dans un contexte où l’engagement des collaborateurs stagne, où les talents sont volatils, et où l’expérience employé devient un levier de compétitivité, le jeu devient une affaire sérieuse.
Attirer, intégrer, fidéliser : quand le jeu devient un outil RH
Les cas emblématiques de Google, Thales ou BNP Paribas montrent la diversité des applications possibles.
- BNP Paribas a lancé dès 2007 le concours en ligne Ace Manager, un business game adressé aux étudiants. Objectif : renforcer sa notoriété employeur et identifier les hauts potentiels. En 2014, ce jeu a rassemblé 22 000 participants issus de 145 pays.
- Google, en 2004, a fait sensation avec une campagne de recrutement codée sur des panneaux autoroutiers. Une énigme mathématique complexe menait à une URL secrète, puis à une série de tests. Résultat : seuls les plus persévérants atteignaient le formulaire de candidature. Une sélection naturelle… par le jeu.
- Thales a déployé Moonshield, un jeu de simulation autour de ses activités spatiales. Résultat : plus de 500 000 parties en 3 ans, avec un pic d’intérêt chez les profils ingénieurs à haut potentiel.
Dans chacun de ces cas, la gamification ne se limite pas à divertir. Elle sert des enjeux concrets : marque employeur, ciblage de talents, engagement cognitif et émotionnel.
Former et motiver autrement
La gamification trouve aussi sa place dans les parcours d’intégration et de formation. BNP Paribas, à nouveau, utilise Starbank the Game pour initier ses nouveaux collaborateurs à ses produits, services et valeurs. Objectif : accélérer l’onboarding tout en rendant l’expérience plus fluide et immersive.
Dans les centres d’appels ou les équipes commerciales, les entreprises mettent en place :
- Des classements en temps réel,
- Des défis hebdomadaires,
- Des récompenses collectives ou individuelles, liées à des objectifs de performance.
Ces dispositifs permettent d’animer des environnements parfois routiniers, tout en créant un climat de compétition positive et de reconnaissance.
Un exemple cité par Harvard Business Review en 2022 : un opérateur télécom a réduit de 15 % le taux d’absentéisme en introduisant un système de badges virtuels et de niveaux liés aux KPI hebdomadaires.
Les pièges à éviter : gamifier sans infantiliser
Le succès de la gamification dépend de la rigueur avec laquelle elle est conçue. Un jeu mal aligné avec les objectifs stratégiques devient rapidement contre-productif.
Trois risques majeurs doivent être anticipés :
- Superficialité : Un jeu “fun” mais déconnecté des enjeux business n’apporte rien. La gamification doit viser un changement de comportement ou une amélioration mesurable.
- Inéquité : Si les règles ne tiennent pas compte des profils, des rôles ou des conditions de travail, le dispositif peut générer frustration, voire tensions internes.
- Fatigue de l’engagement : À trop gamifier, on risque l’effet inverse : désengagement. Les collaborateurs peuvent se lasser si les systèmes sont répétitifs ou infantilisants.
Pour y remédier, la co-construction avec les collaborateurs, l’adaptabilité des formats et la mesure rigoureuse des impacts sont essentielles.
Mesurer, ajuster, valoriser
Intégrer des jeux en entreprise suppose une évaluation continue. Il ne suffit pas de “mettre en place” ; il faut piloter la performance du dispositif :
- Taux de participation.
- Satisfaction utilisateur.
- Impact sur les indicateurs RH ciblés (absentéisme, turnover, productivité, etc.).
Selon une étude d’IBM Institute for Business Value, les entreprises ayant intégré la gamification dans leurs stratégies de formation ont observé une hausse moyenne de 14 % de la productivité.
Mais encore faut-il savoir interpréter ces résultats et ajuster en conséquence : tout jeu a un cycle de vie. Pour durer, il doit évoluer.
Une opportunité pour les RH au Maroc et en Afrique francophone
Sur le marché marocain, la gamification reste encore peu répandue à grande échelle. Pourtant, les premiers cas émergent : quelques banques et assureurs testent des outils ludiques pour former leurs équipes commerciales ou accélérer l’intégration de jeunes recrues.
Dans une région où la démographie est jeune, digitalisée et en quête d’expériences engageantes, la gamification peut constituer un levier puissant pour la modernisation de la fonction RH.
Elle peut notamment :
- Répondre aux attentes des générations Y et Z.
- Redonner du souffle aux formations internes.
- Créer une dynamique managériale renouvelée autour de la reconnaissance.
Le jeu n’est plus un luxe, c’est une stratégie. Lorsqu’elle est bien pensée, la gamification redonne du sens, de la motivation et de la clarté aux collaborateurs. Pour les DRH, elle devient un outil de transformation culturelle et opérationnelle, capable de renforcer à la fois l’engagement et la performance.







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