La transformation numérique a profondément révolutionné la manière dont les entreprises gèrent leurs activités. De la gestion de la paie aux entretiens d’évaluation, en passant par le recrutement ou le développement des talents, il est indéniable que la technologie a facilité de nombreuses tâches du quotidien. Toutefois, l’essor du digital s’accompagne d’une hausse exponentielle des risques d’attaques informatiques et de vols de données. Et dans ce contexte, les professionnels des ressources humaines (RH) ont un rôle crucial à jouer. Selon le rapport, la cybercriminalité coûte chaque année près de 100 milliards de dollars à l’économie mondiale.
À l’échelle des entreprises, les incidences d’une attaque informatique peuvent aller de la simple interruption d’activité à la destruction complète de la réputation de l’organisation. Malgré l’image souvent véhiculée d’un cybercriminel œuvrant à des milliers de kilomètres, il existe des menaces internes bien réelles : près de 60 % des employés licenciés ou partis d’eux-mêmes déroberaient des données sensibles avant de quitter l’entreprise, selon le même rapport. Quant à la négligence, elle reste un facteur aggravant : plus de 20 % des failles de sécurité découleraient d’erreurs involontaires, comme l’indique l’une des études citées dans ce rapport.
En tant que gardiens de la relation entre l’organisation et les collaborateurs, les départements RH sont souvent au carrefour de problématiques liées à la sécurité des données. Il ne s’agit donc plus uniquement pour eux de recruter ou de piloter la formation : ils se retrouvent aussi en première ligne pour prévenir et gérer les risques de cyberattaque provenant de l’intérieur comme de l’extérieur de l’entreprise. Dans le secteur des ressources humaines où l’on manipule des informations extrêmement confidentielles (numéros de compte bancaire, adresses personnelles, salaires, dossiers médicaux, etc.), l’importance de la vigilance est d’autant plus cruciale. Cet article propose un tour d’horizon des menaces clés et des bonnes pratiques à mettre en œuvre pour prémunir l’organisation contre les cyberattaques, tout en protégeant les collaborateurs et leur entreprise.
Un paysage de menaces en pleine mutation
Les cybermenaces auxquelles sont confrontées les entreprises sont plurielles : virus, phishing, ransomwares, attaques par déni de service, etc. Les criminels rivalisent de créativité et s’adaptent aux nouvelles technologies pour contourner les défenses informatiques. Au-delà des attaques externes, les organisations doivent composer avec le risque interne, qui n’est pas nécessairement malveillant. Le simple fait pour un collaborateur d’utiliser une clé USB non sécurisée ou de cliquer sur un lien frauduleux depuis sa messagerie professionnelle peut ouvrir la voie à des failles majeures.
Les menaces externes : phishing et ransomware
Selon le rapport, l’une des techniques d’attaque les plus fréquentes reste le phishing, qui consiste à inciter un utilisateur à fournir des informations sensibles (mot de passe, identifiants bancaires, etc.) en se faisant passer pour un tiers de confiance. En milieu professionnel, les cybercriminels imitent fréquemment l’identité d’un fournisseur, d’un supérieur hiérarchique ou d’un prestataire de service pour duper l’employé, lequel télécharge alors sans méfiance un logiciel malveillant. Une fois introduit dans le système, ce logiciel peut dérober des données sensibles ou chiffrer l’ensemble du réseau de l’entreprise, bloquant ainsi l’activité jusqu’au versement d’une rançon (ransomware).
Les menaces internes : de la négligence à la malveillance
Il serait tentant de considérer que la majeure partie du risque provient de l’extérieur. Pourtant, l’expérience montre que les failles de sécurité peuvent résulter d’actes involontaires commis en interne (pièces jointes envoyées par erreur, postes de travail non vérouillés, mots de passe trop faibles, etc.). L’un des rapports mentionne également un fait marquant : plus de la moitié des collaborateurs quittant une entreprise emporteraient avec eux des informations stratégiques. Qu’il s’agisse d’intentions malveillantes (vol, concurrence déloyale) ou d’une simple méconnaissance des enjeux liés à la confidentialité, l’impact peut être considérable.
Pourquoi la fonction RH est-elle en première ligne ?
Dans de nombreux secteurs, le service informatique demeure la référence en matière de cybersécurité. Cependant, l’implication des ressources humaines est désormais tout aussi indispensable. D’abord, parce que les RH gèrent au quotidien l’un des périmètres d’information les plus sensibles de l’entreprise : bulletins de salaire, numéros de Sécurité sociale, copies de pièces d’identité, relevés bancaires, informations médicales, etc. Autant de données qui, si elles étaient compromises, pourraient avoir des conséquences graves pour l’employeur et pour chaque salarié concerné.
Ensuite, parce que la fonction RH pilote la stratégie de gestion des talents et des compétences. Recrutement, intégration, formation, sanctions disciplinaires et départ : à chacune de ces étapes, la question de la sécurité informatique doit être posée, et il est souvent plus efficace de passer par le département RH pour sensibiliser en profondeur l’ensemble du personnel.
Enfin, en tant qu’interlocuteur privilégié des collaborateurs, le service RH doit veiller à créer un climat de confiance et de responsabilité. Il ne s’agit pas seulement de sanctionner les erreurs ou les manquements, mais aussi de reconnaître et encourager les comportements exemplaires en matière de vigilance numérique.
Anticiper et former : le rôle pivot de la sensibilisation
D’après le rapport, la majorité des attaques ciblant les entreprises échouent ou réussissent selon la capacité des employés à détecter les signaux d’alerte. C’est pourquoi la sensibilisation demeure la première ligne de défense contre les cyberattaques. Pour les RH, cet enjeu se traduit concrètement par l’élaboration de plans de formation et de communication ciblés, qui tiennent compte des spécificités de chaque catégorie de personnel.
Intégrer la cybersécurité au processus d’onboarding
Le processus d’intégration est souvent le premier point de contact entre le collaborateur et la culture de l’entreprise. Il est donc essentiel d’inclure, dès ce stade, des modules de formation sur la sécurité informatique :
- Règles élémentaires de sécurité : création et gestion de mots de passe, utilisation du réseau Wi-Fi, bonnes pratiques sur la messagerie professionnelle, etc.
- Obligations de confidentialité : rappel des protocoles de protection des données et des sanctions encourues en cas de manquement.
- Outils de l’entreprise : familiarisation avec les logiciels internes, le VPN sécurisé et tout autre outil mis à disposition par le service informatique.
Cette formation initiale permet de mettre tous les nouveaux entrants sur un pied d’égalité et de diffuser immédiatement une culture de la sécurité.
Des formations continues et adaptées
La cybersécurité est un domaine en évolution constante. Les techniques de piratage se perfectionnent de jour en jour, et les parades informatiques doivent suivre le rythme. C’est pourquoi une sensibilisation ponctuelle, même très poussée, n’est pas suffisante. Les RH ont un rôle clé à jouer en proposant régulièrement :
- Des rappels et mises à jour : newsletters internes, mémos, ateliers pratiques pour renforcer les bons comportements.
- Des formations à la demande : pour répondre aux enjeux spécifiques de certains postes (par exemple, des sessions plus avancées sur la protection des données financières pour le département comptable).
- Des tests d’intrusion simulés : imiter un faux phishing et analyser la réaction des collaborateurs. Les résultats de ces tests peuvent ensuite être partagés (de manière anonyme) pour renforcer la vigilance collective.
Faire de la sécurité un objectif collectif
Au-delà de l’aspect réglementaire, il est fondamental de mobiliser l’ensemble du personnel autour de la sécurité informatique. Les RH peuvent collaborer avec la direction pour fixer des objectifs clairs et mesurables :
- Indicateurs de réussite : réduction du nombre de clics sur des liens malveillants, taux de participation aux formations, fréquence de mise à jour des mots de passe, etc.
- Politique de récompense : valoriser les initiatives individuelles, par exemple un collaborateur qui signale à son équipe un cas de phishing.
Cette approche positive encourage les comportements vertueux et réduit le sentiment de méfiance ou de culpabilisation.
Protéger les données sensibles : un impératif pour la fonction RH
Les services RH manipulent quotidiennement des données hautement sensibles : coordonnées bancaires, informations personnelles, historique de carrière, voire des informations de santé. Tout manquement à la confidentialité peut entraîner des litiges juridiques, une perte de confiance des salariés et une atteinte à la réputation de l’entreprise.
Mettre en place des procédures strictes de gestion des accès
Contrôler les accès est un levier majeur pour éviter la fuite de données :
- Authentification renforcée : recourir à la double authentification (mot de passe + code envoyé sur le téléphone, par exemple) pour l’accès aux dossiers RH sensibles.
- Segmentation des droits : un employé ne devrait avoir accès qu’aux informations strictement nécessaires à l’exercice de sa fonction.
Gérer les départs et mutations en entreprise
Selon le rapport, plus de la moitié des salariés quittant leur poste emportent avec eux des données confidentielles. Pour limiter ce risque :
- Procédure de sortie : inclure, dans le processus de départ, une checklist détaillée : révocation immédiate des accès informatiques, restitution des appareils et des documents internes, rappel des obligations de confidentialité.
- Sensibilisation continue : rappeler régulièrement aux collaborateurs que le vol ou la diffusion de données peut faire l’objet de poursuites judiciaires, et nuire à leur employabilité future.
Sécuriser les échanges avec des prestataires externes
Les entreprises s’appuient de plus en plus sur des partenaires ou des prestataires, notamment pour la gestion de la paie, le recrutement ou la formation. Dans ces situations :
- Contrats clairs et précis : inclure des clauses de confidentialité et de sécurité des données dans tous les contrats.
- Vérifications préalables : évaluer les procédures de sécurité mises en place par le prestataire pour s’assurer qu’elles sont conformes aux standards internes.
L’importance d’une culture de responsabilité partagée
Au-delà des outils et des formations, le succès d’une stratégie de cybersécurité repose essentiellement sur la culture d’entreprise. Il appartient aux dirigeants, aux managers et, bien sûr, aux services RH, d’insuffler une vision où chaque collaborateur devient un maillon essentiel de la protection de l’organisation.
Impliquer la direction et les managers
Le soutien explicite de la direction générale est un puissant catalyseur. Lorsque le top management fait de la cybersécurité une priorité, les équipes sur le terrain sont plus enclines à respecter les protocoles. Les managers, quant à eux, jouent un rôle d’exemple : en adoptant des pratiques irréprochables (verrouillage de session, non-partage des mots de passe, vigilance quant aux e-mails entrants), ils encouragent leurs équipes à faire de même.
Responsabiliser les collaborateurs
La responsabilisation passe par l’appropriation des enjeux et des risques. Les RH peuvent travailler avec la DSI (Direction des Systèmes d’Information) pour adapter la communication aux différents profils de l’entreprise. Un collaborateur en comptabilité n’aura pas les mêmes préoccupations qu’un technicien IT ou qu’un commercial en déplacement fréquent. En personnalisant les messages et en les rendant concrets (études de cas, partages d’expériences, simulations), on augmente l’adhésion et la rétention des bonnes pratiques.
Mettre en place des dispositifs d’alerte
Pour que la lutte contre la cybercriminalité soit efficace, les salariés doivent disposer de canaux sûrs pour signaler tout comportement suspect ou toute anomalie. Les RH peuvent encourager la mise en place :
- D’une ligne d’assistance dédiée : un numéro ou une adresse e-mail vers lesquels se tourner en cas de doute.
- D’un système d’alerte interne anonyme : à utiliser lorsque l’employé craint des représailles ou souhaite se protéger, notamment s’il soupçonne un acte malveillant commis par un collègue.
Gérer la crise et tirer les leçons
Malgré toutes les précautions, aucune entreprise n’est totalement à l’abri d’une attaque informatique. Lorsque survient un incident, la gestion de crise revêt une importance capitale pour limiter les dégâts et préserver la confiance des parties prenantes.
Réagir rapidement et efficacement Dès la détection d’une brèche, il est essentiel d’activer un plan de réponse formel :
- Identifier la nature de la faille et son périmètre.
- Isoler les systèmes touchés pour éviter la propagation.
- Informer les parties prenantes (direction, collaborateurs, clients, partenaires) selon un protocole clair.
- Coordonner la communication interne et externe pour éviter la désinformation et limiter l’impact sur la réputation. Les RH doivent être associés à ce processus, notamment pour communiquer avec les salariés concernés, gérer l’anxiété et renforcer la cohésion interne.
- Analyser et améliorer : une fois la crise passée, l’entreprise doit réaliser un retour d’expérience approfondi. Les RH auront un rôle clef pour recueillir les ressentis des équipes, comprendre les défaillances éventuelles dans les procédures ou la formation, puis proposer des ajustements concrets : mise à jour des protocoles, renforcement du contrôle des accès, etc.
Le leadership RH au service d’une entreprise résiliente
La cybersécurité n’est plus une simple affaire technologique : c’est un enjeu stratégique, culturel et humain. Les responsables RH sont idéalement placés pour agir en amont, en sensibilisant l’ensemble des collaborateurs, en renforçant la culture d’entreprise autour de la responsabilité partagée, et en mettant en place des processus clairs lors des recrutements, intégrations et départs. Ils peuvent également jouer un rôle pivot dans la gestion de crise, en accompagnant les équipes et en favorisant un retour d’expérience constructif.
À l’heure où la digitalisation s’intensifie et où les organisations collectent toujours plus de données sensibles, il est indispensable que la fonction RH prenne pleinement conscience de sa responsabilité. Certes, aucune entreprise n’est à l’abri d’une attaque, mais la plupart des incidents peuvent être évités ou atténués grâce à une politique de prévention rigoureuse et des collaborateurs bien informés. Comme le souligne le rapport, l’élément humain reste à la fois la principale vulnérabilité et la meilleure défense. En mettant l’accent sur l’éducation, la gouvernance des accès et la création d’une culture de la sécurité, les RH contribueront à bâtir des entreprises plus solides et plus sereines face aux menaces numériques.
En définitive, le challenge est autant une question de compétences que de conscience : chaque collaborateur, du stagiaire au dirigeant, doit saisir les enjeux et les risques liés aux données numériques. Les professionnels RH, de par leur rôle transversal et leur expertise dans la gestion des ressources humaines, peuvent faire de la sensibilisation à la cybersécurité un élément central de leur mission. Dès lors, la résilience collective face aux cybermenaces se renforce, et l’entreprise gagne non seulement en sûreté, mais aussi en crédibilité et en performance sur le long terme.







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