Malgré des signes d’amélioration globale, le Maroc peine à endiguer le fléau croissant des NEET – ces jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation – avec des conséquences lourdes sur l’équilibre économique et social du pays. Pour les responsables RH, la question devient stratégique.
Paradoxalement, alors que le taux de chômage des jeunes atteint son niveau le plus bas à l’échelle mondiale depuis 15 ans (13 %), l’alerte de l’Organisation internationale du travail (OIT) sonne comme un rappel brutal à la réalité marocaine. En Afrique du Nord, et plus particulièrement au Maroc, les chiffres masquent une fragilité structurelle : plus d’un jeune actif sur trois demeure sans emploi, et les femmes restent les grandes oubliées de la dynamique économique.
Selon les derniers rapports de l’OIT, le Maroc, malgré une baisse notable du chômage des jeunes (de 14,6 % en 2000 à 9,3 % en 2021), fait face à une autre statistique plus inquiétante encore : celle des NEET. Ces jeunes en rupture avec l’école, la formation et le marché du travail sont désormais au cœur des préoccupations internationales… et nationales.
Un défi structurel pour l’économie marocaine
Le phénomène des NEET n’est pas nouveau, mais il prend aujourd’hui une ampleur critique, en particulier dans les régions rurales et périurbaines. Le sous-emploi chronique, les inégalités d’accès à la formation professionnelle et un marché du travail peu inclusif alimentent cette spirale d’exclusion.
Pour les experts, il s’agit d’un manque criant d’articulation entre le système éducatif, les politiques de l’emploi et les réalités du monde professionnel. En clair, les jeunes sont nombreux à sortir du système scolaire sans les compétences requises, et ceux qui parviennent à décrocher un diplôme peinent à intégrer un marché du travail saturé, instable ou peu adapté.
Femmes et jeunes : double peine sur le marché de l’emploi
Le constat est d’autant plus préoccupant pour les jeunes femmes. Deux tiers des NEET dans le monde sont des femmes, un déséquilibre que l’on retrouve amplifié au Maroc. Le taux de participation féminine au marché du travail marocain reste l’un des plus bas au monde : à peine 21 % des femmes en âge de travailler sont intégrées à l’économie formelle. Cette marginalisation, souvent nourrie par des normes sociales rigides et un manque de politiques d’inclusion efficaces, pèse lourdement sur le potentiel de croissance du pays.
Les DRH, de plus en plus sensibilisés à la diversité et à l’inclusion, ne peuvent ignorer ce vivier inexploré de talents féminins. Repenser les modalités de recrutement, flexibiliser les horaires, favoriser l’entrepreneuriat féminin et encourager les formations continues sont autant de leviers à mobiliser.
Une crise conjoncturelle aux effets durables
La pandémie de Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur. Le choc économique de 2020 a entraîné des fermetures massives d’entreprises et des pertes d’emplois à grande échelle. Si la reprise est amorcée, ses effets restent inégalement répartis. De nombreux jeunes, découragés par des perspectives limitées, se sont progressivement désengagés du marché de l’emploi et du système éducatif.
À cela s’ajoute une série de réformes économiques, parfois nécessaires, mais aux conséquences ambivalentes. Certaines ont renforcé la flexibilité du marché du travail, mais au prix d’une plus grande précarité des jeunes actifs. Pour les DRH, l’enjeu devient alors de concilier performance économique et engagement social.
Former pour insérer : un virage stratégique pour les entreprises
La lutte contre le phénomène des NEET ne saurait être uniquement l’affaire de l’État. Les entreprises marocaines ont un rôle déterminant à jouer. À travers des programmes de formation en alternance, des partenariats renforcés avec les établissements de formation ou encore des dispositifs de mentorat, les acteurs privés peuvent contribuer à retisser le lien entre la jeunesse et l’économie productive.
Certaines initiatives locales, portées par de grandes entreprises ou par des ONG, montrent déjà la voie. Mais elles restent souvent isolées. Ce qu’il faut désormais, c’est une coordination plus étroite entre pouvoirs publics, entreprises et monde de l’éducation pour bâtir un écosystème plus favorable à l’insertion des jeunes.
Pour les DRH marocains, la question des NEET dépasse largement la sphère sociale. Elle interroge la capacité même des entreprises à anticiper les mutations du marché de l’emploi, à attirer les talents et à construire un modèle de croissance durable et inclusif. Loin d’être une fatalité, l’exclusion des jeunes peut devenir un levier stratégique… à condition d’en faire une priorité.