Le classement QS, le Times Higher Education ou le très académique Shanghai dominent les conversations dès qu’il s’agit d’évaluer une université. Pourtant, derrière les projecteurs braqués sur les élites mondiales, une autre réalité s’impose aux recruteurs marocains : ces palmarès, fondés sur des critères déconnectés du tissu économique local, ne disent rien – ou presque – sur la capacité d’un diplômé à s’intégrer rapidement dans une entreprise à Casablanca, Tanger ou Agadir. Les entreprises marocaines, confrontées à des enjeux de compétitivité immédiats, ont besoin d’indicateurs d’un autre ordre : ceux qui mesurent l’adéquation des formations avec les besoins concrets du marché. C’est ici que les classements locaux prennent tout leur sens, non comme de simples outils de communication, mais comme des instruments de pilotage pour les stratégies de recrutement.
Le biais des classements mondiaux nuit à l’évaluation des talents africains
Les grands classements internationaux attribuent la majorité de leurs scores à la recherche académique. Le QS World University Rankings, par exemple, pondère à 70 % ses résultats selon la réputation académique et les publications scientifiques. L’ARWU (classement de Shanghai) y consacre la totalité de sa grille d’évaluation. Ces approches favorisent mécaniquement les institutions anglo-saxonnes, riches en publications, au détriment des établissements dont la vocation première est l’enseignement professionnalisant. En Afrique, cela se traduit par une marginalisation structurelle : la majorité des universités marocaines, même performantes en matière d’enseignement ou d’insertion professionnelle, peinent à émerger dans ces palmarès. De surcroît, la méthodologie de ces classements, souvent peu transparente, repose sur des enquêtes de réputation internationales aux taux de réponse faibles, entachées de biais régionaux. Les grandes universités anglophones en sortent renforcées, tandis que les institutions francophones ou arabophones restent peu visibles. Même les exceptions – comme l’Université Mohammed VI Polytechnique (classée 401–500e par Times Higher Education) ou la Rabat Business School (Top 50 mondial du FT pour les Masters in Management) – ne suffisent pas à combler ce décalage. La réalité est simple : pour un recruteur marocain, ces classements ne reflètent ni l’employabilité des diplômés, ni leur adéquation au tissu économique local.
Les classements locaux, leviers opérationnels pour les DRH
Contrairement à leurs pendants globaux, les classements marocains s’ancrent dans les attentes réelles des employeurs. Le classement « Top School in Morocco » du magazine Campus Mag est fondé sur les retours de plus de 60 DRH marocains. Il met en lumière non pas la visibilité académique, mais la performance réelle des diplômés en entreprise : insertion rapide, progression de carrière, leadership, salaires à la sortie. Pour les recruteurs, c’est un outil concret pour identifier les écoles qui forment les profils les plus opérationnels. Autre exemple : le classement MBA.ma, consacré aux formations continues et executive education, cible les cadres en reconversion ou en montée en compétences. Élaboré par Ingénierie Maroc et piloté de manière indépendante, il repose sur des critères directement utiles aux employeurs : qualité pédagogique, accompagnement, infrastructures, ancrage local, mais aussi accessibilité logistique. Ces classements permettent aux entreprises de cibler les programmes qui contribuent réellement à la performance interne. Ces outils ne sont pas de simples guides pour candidats ; ils deviennent des aides à la décision stratégique pour les DRH. Ils permettent d’affiner les partenariats avec les écoles, de repérer les talents issus de filières méconnues mais efficaces, et de bâtir une politique RH connectée aux dynamiques nationales.
Vers une stratégie RH alignée sur les réalités marocaines
L’enjeu pour les décideurs RH n’est pas de nier l’intérêt des classements internationaux, mais de les remettre à leur juste place : celle d’un repère global, et non d’un critère prioritaire de sélection. Plusieurs leviers peuvent être activés pour mieux exploiter les classements locaux dans les politiques RH :
- Redéfinir les critères d’excellence : Au lieu de privilégier un diplôme prestigieux mais peu contextualisé, les entreprises gagnent à valoriser l’agilité, la culture du résultat et l’ancrage sectoriel des profils formés localement.
- Identifier les écoles partenaires stratégiques : Les classements comme celui de Campus Mag permettent de repérer les établissements dont les diplômés s’intègrent rapidement et progressent efficacement. Ce sont des partenaires naturels pour les politiques de recrutement en volume ou pour les programmes jeunes talents.
- Miser sur la formation continue contextualisée : Les classements spécialisés comme celui de MBA.ma offrent aux directions RH un panorama précis des formations qui contribuent au développement des compétences en entreprise, en tenant compte des spécificités du tissu marocain.
- Participer à la co-construction des référentiels : Les DRH peuvent renforcer leur rôle en collaborant avec les institutions marocaines pour faire évoluer les programmes, améliorer la professionnalisation des cursus et établir des passerelles vers l’emploi.
En intégrant ces dimensions, la fonction RH ne se contente plus de s’adapter au marché : elle contribue à le structurer. Cela suppose une posture plus proactive, plus critique, mais aussi plus ancrée localement. Recruter un bon profil, ce n’est pas uniquement choisir un nom d’école, c’est comprendre la logique de formation derrière le diplôme et sa pertinence pour l’entreprise.







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