Le dernier classement QS 2026 World University Rankings, publié pour l’édition 2026, confirme la position dominante de l’Université Mohammed V de Rabat (UM5R) sur la scène académique nationale. Pour la sixième année consécutive, l’établissement conserve son rang de première université marocaine, figurant dans la fourchette 1201–1400 au niveau mondial. Ce classement, l’un des plus suivis dans le monde de l’enseignement supérieur, évalue 8 467 établissements selon une méthodologie combinant la réputation académique, l’impact scientifique, l’employabilité des diplômés, l’ouverture internationale, le ratio encadrants/étudiants, ainsi que l’engagement en matière de développement durable.
Dans un environnement où la compétition entre établissements devient plus féroce, cette stabilité témoigne d’une dynamique maîtrisée. Avec plus de 12 500 publications scientifiques indexées entre 2019 et 2023, l’UM5R affiche une productivité soutenue qui pèse dans les indicateurs QS. Ses performances sont particulièrement notables dans les sciences de la vie, l’ingénierie et l’informatique, mais aussi dans des disciplines transversales liées aux enjeux du développement durable.
Au-delà de l’UM5R, d’autres établissements marocains commencent à se faire remarquer sur des volets plus ciblés. L’Université Internationale de Rabat (UIR), bien qu’absente du classement QS général, se distingue dans les classements spécialisés comme le Times Higher Education Impact Rankings, en lien avec les Objectifs de Développement Durable (ODD). Cette diversification des modèles de performance illustre la montée en compétence progressive du système universitaire marocain, malgré un positionnement encore modeste à l’échelle globale.
Les ressorts d’une performance académique marocaine encore fragile
Si l’UM5R se maintient dans le classement, cette régularité ne masque pas la stagnation globale des universités marocaines dans les classements internationaux. Le pays n’a, à ce jour, aucun établissement dans le top 1 000 mondial. Cette situation met en lumière les efforts à poursuivre pour faire émerger des pôles d’excellence plus compétitifs.
Plusieurs facteurs expliquent à la fois les avancées et les limites actuelles. La qualité et la régularité des publications scientifiques, issues en grande partie de l’UM5R, renforcent sa réputation auprès de la communauté internationale. De même, les efforts d’adaptation des programmes de formation aux exigences du marché du travail national et international participent à la progression de l’indicateur d’employabilité. Enfin, le développement de partenariats académiques avec des universités étrangères contribue à accroître le rayonnement de l’établissement.
Cependant, des défis structurels demeurent. Le ratio professeurs/étudiants reste trop faible pour offrir un encadrement académique optimal. Le financement de la recherche scientifique reste en deçà des standards internationaux, avec des budgets limités et une dépendance excessive aux financements extérieurs. Quant à la mobilité étudiante et enseignante, elle reste freinée par des contraintes logistiques et administratives qui limitent l’attractivité du système marocain.
Dans ce contexte, la présence de l’UM5R dans le classement QS ne peut être interprétée comme un aboutissement, mais plutôt comme un point d’étape sur une trajectoire encore inachevée. La concurrence internationale, notamment asiatique et européenne, se renforce chaque année. Sans politique volontariste sur les leviers structurels, le Maroc risque de voir ses avancées fragilisées.
Vers un repositionnement stratégique de l’enseignement supérieur marocain
Les résultats du QS 2026 soulignent l’urgence d’un repositionnement stratégique de l’enseignement supérieur marocain. Si la visibilité internationale progresse lentement, elle reste largement tributaire d’efforts isolés, à l’image de l’Université Mohammed V ou de quelques initiatives portées par des établissements privés. Une stratégie nationale cohérente est désormais indispensable pour structurer un écosystème universitaire capable de rivaliser à l’échelle globale.
L’une des priorités demeure le renforcement des capacités de recherche. Cela implique non seulement d’augmenter les investissements publics et privés dans les laboratoires, mais aussi de consolider les filières doctorales, d’améliorer les conditions de travail des enseignants-chercheurs et de développer une culture de l’innovation en lien avec les secteurs socioéconomiques stratégiques.
Par ailleurs, l’internationalisation des universités marocaines doit être mieux organisée : mise en place de doubles diplômes, création d’antennes internationales, développement de l’enseignement en langues étrangères, et simplification des procédures d’accueil pour les étudiants et chercheurs étrangers. Autant de leviers pour accroître la compétitivité du système.
Enfin, l’alignement avec les Objectifs de Développement Durable, déjà amorcé par des institutions comme l’UIR, pourrait devenir un marqueur distinctif à valoriser dans les classements spécialisés. Intégrer les enjeux environnementaux, sociaux et éthiques dans les politiques de recherche, d’enseignement et de gouvernance peut aussi renforcer la pertinence sociétale des universités marocaines.
Le classement QS 2026 agit ainsi comme un miroir, reflétant à la fois les progrès réalisés et les écarts à combler. L’enseignement supérieur marocain dispose d’atouts, mais son rayonnement dépendra de sa capacité à se transformer structurellement. L’enjeu n’est plus simplement de figurer dans les palmarès, mais de construire un modèle universitaire durable, inclusif et connecté aux grands défis du siècle.