Dans les grandes entreprises marocaines, la question du pilotage des PFE revient chaque année : qui doit coordonner le dispositif ? La direction RH centrale ou les départements opérationnels ? Ce débat, loin d’être administratif, conditionne la qualité des stages, la cohérence de l’expérience et la capacité de l’entreprise à fidéliser ses jeunes talents. Les modèles centralisés assurent la conformité et la standardisation ; les modèles décentralisés garantissent la réactivité et l’adaptation aux besoins métiers. Le défi consiste à combiner les deux : bâtir une gouvernance « hybride » où la fonction RH devient un centre d’excellence au service des unités opérationnelles.
Le modèle centralisé : rigueur, cohérence et maîtrise des risques
Dans un modèle centralisé, la direction des ressources humaines — ou le département « Corporate » — assume la totalité du pilotage du programme PFE : sourcing, budget, affectation, conventions, suivi, reporting et communication.
Les avantages sont évidents.
Le premier est le contrôle. Le DRH garantit le respect des obligations légales, la cohérence des conventions, la traçabilité des stagiaires et la conformité du dispositif avec les réglementations en vigueur. Ce modèle réduit les risques de requalification ou de pratiques inéquitables.
Le second avantage est la standardisation. Tous les stagiaires bénéficient de la même charte, des mêmes grilles d’évaluation et du même parcours d’apprentissage. Cela assure une qualité homogène d’expérience, indépendamment de la business unit d’accueil.
Enfin, le troisième avantage est la marque employeur. Un programme PFE piloté par le siège donne une image structurée, rassurante et équitable. Il favorise les relations avec les écoles partenaires et les organismes publics (ANAPEC, OFPPT, universités).
Mais cette centralisation a un coût : la lenteur. Les processus deviennent parfois bureaucratiques, les validations multiples, les délais d’affectation longs. Le risque est que les managers de terrain se détournent du dispositif pour recruter directement, générant des pratiques parallèles et des écarts de qualité.
Le modèle décentralisé : réactivité et ancrage terrain
À l’opposé, certaines entreprises optent pour une approche décentralisée : chaque business unit gère ses propres stagiaires, définit les missions, recrute, encadre et évalue. Le rôle de la DRH centrale se limite alors à une validation administrative.
Ce modèle séduit par son agilité. Les équipes opérationnelles connaissent mieux leurs besoins, les compétences recherchées et les périodes de forte activité. Elles peuvent ainsi réagir plus vite et adapter le contenu des stages aux priorités métier.
L’autre avantage est la pertinence. Les stagiaires travaillent sur des projets réels, au plus près des équipes, avec un tutorat contextualisé. Les managers s’impliquent davantage, car ils recrutent pour leurs besoins immédiats.
Mais cette autonomie présente de sérieux risques. Elle crée une inégalité d’expérience entre les stagiaires : certains bénéficient d’un encadrement exemplaire, d’autres d’une supervision minimale. Ce phénomène, souvent appelé « stage loterie », nuit à la réputation de l’entreprise. Le risque juridique est aussi accru : absence de suivi des conventions, non-respect des règles de sécurité, missions sans contenu pédagogique. Enfin, ce modèle empêche toute vision GPEC : sans coordination centrale, impossible de relier les stages aux compétences critiques ou aux plans de succession.
Vers un modèle hybride : le « Centre of Excellence » RH
Face à ces limites, un modèle s’impose : le modèle hybride, fondé sur la complémentarité entre un centre d’excellence RH (CoE) et les business units.
Dans ce schéma, la DRH ne gère pas directement tous les stages ; elle orchestrationne le dispositif. Elle conçoit le cadre, outille les managers et garantit la qualité globale. Les business units, quant à elles, conservent la liberté d’exécution et d’adaptation locale.
Le DRH central (CoE) gère le “Framework” :
- La charte des stages (règles, droits, devoirs, cadre légal) ;
- La marque employeur et la communication institutionnelle ;
- Les outils numériques de gestion et de sourcing (ATS, IA, plateforme PFE) ;
- Le Learning Journey (parcours de formation et développement) ;
- La veille légale et réglementaire ;
- Les partenariats écoles et universités.
Les business units gèrent l’exécution :
- La définition des missions et des profils recherchés ;
- Le tutorat (formation, accompagnement, feedback) ;
- L’évaluation des soft skills et de la performance (grille d’évaluation) ;
- La décision d’embauche post-stage.
Cette répartition crée un équilibre entre standardisation et agilité. Le cadre est commun, les pratiques sont flexibles.
Le DRH comme architecte de framework
Ce modèle transforme profondément le rôle du DRH. Il n’est plus ni un gendarme, ni un spectateur ; il devient un architecte. Son rôle consiste à concevoir un système de gouvernance clair, à fournir des outils performants et à soutenir les managers dans leur mission d’encadrement.
Le DRH devient un fournisseur de services internes : sourcing de talents, assistance juridique, modèles de documents, kits de communication, reporting unifié. Cette logique de service renforce la crédibilité de la fonction RH et favorise la collaboration avec les équipes opérationnelles.
Dans les grandes entreprises marocaines, où les structures sont souvent matricielles, ce modèle permet une scalabilité réelle. Le programme PFE peut croître sans perdre en cohérence. Chaque année, les managers accueillent des stagiaires mieux préparés, mieux encadrés, et le DRH dispose de données consolidées pour piloter la stratégie de talents.
Les leviers de réussite du modèle hybride
- Des rôles clairement définis. Une charte interne doit préciser qui fait quoi : le CoE conçoit, les BU exécutent, les RH locales coordonnent. Cette clarté évite les zones grises et les doublons.
- Un outil digital commun. Une plateforme unique de gestion des stages (type ATS) permet de centraliser les candidatures, les conventions, les évaluations et les feedbacks. Chaque BU y accède pour ses besoins, mais la DRH conserve une vue globale.
- Un reporting partagé. Les indicateurs doivent être communs : nombre de stagiaires accueillis, taux de conversion en CDI, satisfaction des tuteurs, conformité des missions. Le reporting devient un outil de pilotage et non de contrôle.
- Une culture de formation continue. Le DRH doit accompagner les tuteurs et managers à travers des modules de formation réguliers (feedback, pédagogie, coaching). C’est le meilleur moyen d’harmoniser la qualité de l’encadrement.
Un modèle pensé pour la maturité RH
Le modèle hybride n’est pas un compromis, c’est une évolution. Il combine le meilleur des deux mondes : la structure du centralisé et la vitalité du terrain. En faisant de la DRH un centre d’excellence et des managers des partenaires autonomes, il crée un écosystème où chaque stagiaire bénéficie d’une expérience cohérente, riche et mesurable.
Dans cette architecture, le PFE devient un instrument stratégique de développement des talents. Le DRH, lui, ne pilote plus des stagiaires ; il orchestre un dispositif d’apprentissage collectif, scalable et aligné sur les priorités de l’entreprise.







![[Interview] Anticiper la relève grâce au PFE, interview avec Siham ARROUT DRH de GIVAUDAN l DRH.ma](https://drh-ma.s3.amazonaws.com/wp-content/uploads/2025/11/20090407/Interview-Anticiper-la-releve-grace-au-PFE-interview-avec-Siham-ARROUT-DRH-de-GIVAUDAN.jpg)
![[LIVRE] “Intern Management” : réinventer les programmes de stage pour un impact durable l DRH.ma](https://drh-ma.s3.amazonaws.com/wp-content/uploads/2025/11/16222800/LIVRE-Intern-Management.jpg)
![[INTERVIEW] Intégrer, former, fidéliser : la recette Swissport Maroc pour transformer le PFE – Majdouline Brahimi, DRH Swissport Maroc
l DRH.ma](https://drh-ma.s3.amazonaws.com/wp-content/uploads/2025/11/20084104/INTERVIEW-Integrer-former-fideliser-la-recette-Swissport-Maroc-pour-transformer-le-PFE-%E2%80%93-Majdouline-Brahimi-DRH-Swissport-Maroc%E2%80%A8.jpg)
