Aux États-Unis, 40 % des lycéens déclaraient en 2023 souffrir de sentiments persistants de tristesse ou de désespoir. Un sur cinq avait sérieusement envisagé de se suicider. Et près de la moitié des jeunes identifiés comme souffrant de troubles mentaux ne recevaient aucun accompagnement professionnel. Ce constat dramatique, issu des données officielles du CDC et synthétisé par McKinsey, ne relève plus de l’alerte mais d’un effondrement systémique silencieux.
Les causes sont connues : difficultés d’accès aux soins, coûts prohibitifs, manque de professionnels disponibles, pression académique, usage nocif des réseaux sociaux. À cela s’ajoute une fragmentation des politiques publiques qui empêche toute action coordonnée à l’échelle des territoires. Pourtant, une infrastructure déjà en place — l’école — pourrait devenir un levier structurant pour inverser cette dynamique.
L’école, lieu stratégique mais sous-exploité
Aujourd’hui, près de la moitié des adolescents qui reçoivent des soins en santé mentale le font via le système scolaire. Ce chiffre, à la fois rassurant et inquiétant, montre que les établissements éducatifs sont d’ores et déjà des points d’accès cruciaux. Mais leur capacité d’action reste limitée : sous-effectifs chroniques, absence de formation des enseignants, gouvernance éclatée et dépendance à des financements précaires.
Les districts scolaires interrogés dans l’étude McKinsey placent la santé mentale des élèves parmi leurs trois priorités majeures pour les années à venir. Mais cette ambition se heurte à des contraintes budgétaires sévères. La fin des aides fédérales d’urgence allouées post-Covid (près de 190 milliards de dollars via le programme ESSER) laisse place à une période d’incertitude, où le maintien même des programmes existants est remis en cause.
Vers un modèle de services intégrés en milieu scolaire
Le rapport formule six recommandations centrales à destination des décideurs publics. Toutes convergent vers une approche systémique : sortir d’une logique de traitement ponctuel pour instaurer un écosystème pérenne et multidimensionnel de soins, de prévention et d’éducation à la santé mentale dans les écoles.
Il s’agit d’abord d’assurer des services complets, à travers toutes les phases du parcours : éducation à l’hygiène mentale, dépistage précoce, interventions ciblées (par exemple contre le harcèlement ou l’anxiété), prise en charge thérapeutique en lien avec des partenaires cliniques extérieurs, et accompagnement des familles. Ce continuum ne peut reposer uniquement sur les épaules du personnel enseignant : il nécessite une montée en compétences massive, le recrutement de profils hybrides (coachs bien-être, pairs aidants, coordinateurs psychopédagogiques) et l’instauration de partenariats formalisés avec les réseaux de soins locaux.
L’intégration de ces services suppose également une gouvernance claire. Trop souvent, les responsabilités sont éclatées entre ministères de l’Éducation, de la Santé, agences sociales ou collectivités locales, chacun intervenant sur une portion limitée du problème. McKinsey plaide pour la mise en place de structures inter-agences pérennes (à l’image des Children’s Cabinets déployés dans 27 États américains), appuyées par des dispositifs de participation directe des familles et des jeunes.
La donnée comme levier de pilotage
L’autre levier stratégique mis en avant par le rapport est la donnée. Non pas dans une logique de traçage individuel, mais comme outil de planification, de pilotage et d’évaluation. Intégrer des indicateurs de bien-être mental dans les systèmes d’information scolaires permettrait d’identifier plus finement les besoins par segment de population (ex : taux de dépression chez les jeunes filles, idéation suicidaire chez les élèves LGBTQ+, troubles anxieux chez les garçons noirs), de repérer les zones sous-dotées en professionnels, et de mesurer l’impact des interventions sur les performances scolaires, l’absentéisme ou les troubles du comportement.
Les États-Unis expérimentent déjà des outils prédictifs, comme les hotlines de prévention du suicide qui utilisent l’IA pour détecter les appels à haut risque et prioriser leur traitement. Mais ces pratiques, aussi prometteuses soient-elles, soulèvent des enjeux éthiques cruciaux, notamment en matière de consentement, de confidentialité et d’usage secondaire des données. Une gouvernance rigoureuse, adossée aux normes HIPAA et FERPA (équivalents américains du RGPD), est indispensable pour encadrer ces usages.
Réformer la chaîne de valeur des compétences
La pénurie de psychologues scolaires, travailleurs sociaux et psychiatres pour adolescents est un obstacle majeur. Le rapport propose des solutions concrètes : accélérer les certifications, reconnaître les nouveaux métiers de la santé mentale (pair aidant, coach bien-être, intervenant communautaire), renforcer les formations initiales et continues, et améliorer les conditions salariales. Le cas de la Californie, qui a lancé un programme à 4 milliards de dollars pour refondre intégralement son écosystème de santé mentale des jeunes, montre qu’un changement d’échelle est possible si la volonté politique est au rendez-vous.
La télémédecine constitue aussi une piste crédible. Les preuves d’efficacité s’accumulent, et son déploiement massif pourrait pallier les déserts médicaux scolaires, notamment dans les zones rurales. Encore faut-il lever les freins juridiques et financiers, notamment en matière de remboursement par les assurances publiques (Medicaid).
Financement : sortir de la dépendance aux subventions ponctuelles
Sans financement structurel, aucune stratégie ne peut tenir. Le rapport insiste sur la nécessité d’un mix de financements publics et privés, d’un élargissement des remboursements par les systèmes d’assurance santé (y compris pour les interventions préventives), et d’une capacité des établissements à capter les fonds fédéraux ou philanthropiques disponibles.
La Californie, encore elle, a mis en place un barème unifié pour permettre aux établissements d’être remboursés quels que soient les financeurs. Résultat : plus de 500 districts scolaires participent désormais à ce programme, couvrant 3,6 millions d’élèves.
Enjeux pour le Maroc et les DRH du secteur éducatif
La transposition directe de ces modèles au Maroc ou en Afrique francophone ne va pas de soi. Les systèmes éducatifs y sont confrontés à des défis budgétaires et logistiques plus aigus encore. Néanmoins, les enseignements sont nombreux :
- L’école peut et doit devenir un acteur de premier plan en matière de santé mentale.
- Une approche par écosystèmes, fondée sur les partenariats locaux et la coordination inter-agences, est possible même à moyens constants.
- Les DRH du secteur éducatif ont un rôle clé à jouer pour intégrer ces enjeux dans les stratégies RH : recrutement de nouveaux profils, formation continue, prévention du burn-out chez les enseignants, politiques de bien-être global.
- Des dispositifs d’expérimentation, à l’échelle de certaines académies ou provinces, pourraient permettre de tester des modèles hybrides combinant approche éducative, médicale et communautaire.
Plus qu’un enjeu sanitaire, la santé mentale des jeunes est un déterminant central de la réussite scolaire, de la cohésion sociale et, in fine, de la compétitivité économique. Investir dans des dispositifs de prévention dès l’école, c’est réduire le décrochage, améliorer les trajectoires professionnelles et désaturer les systèmes de santé à long terme. Pour les DRH et décideurs éducatifs, le sujet n’est plus périphérique : il est au cœur des politiques d’avenir.
Consultez l’étude complète ci-après :
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