Le secteur du recrutement en ligne traverse une phase de transformation intense. L’annonce par Recruit Holdings, le conglomérat japonais propriétaire d’Indeed et Glassdoor, d’un plan de licenciement de 1 300 personnes révèle l’ampleur de la transition en cours. Cette vague touche prioritairement les États-Unis, et cible des fonctions stratégiques telles que la R&D, les ressources humaines ou encore le développement durable. En toile de fond : la volonté de réorienter l’investissement vers l’intelligence artificielle, moteur de la nouvelle génération de plateformes RH.
Ce plan de restructuration, qui représente près de 6 % des effectifs de la branche technologique RH du groupe, s’inscrit dans une logique d’optimisation des ressources. Les suppressions de postes doivent permettre de réduire les redondances entre les deux entités, d’accélérer leur fusion opérationnelle, et surtout de recruter des profils plus spécialisés dans les technologies d’IA. Le message est clair : pour rester compétitifs face à LinkedIn, Monster ou ZipRecruiter, Indeed et Glassdoor n’ont d’autre choix que d’évoluer à marche forcée.
Jusqu’ici, Indeed et Glassdoor se positionnaient comme deux plateformes complémentaires. La première, moteur de recherche d’emploi largement dominant, s’appuyait sur une base mondiale d’offres et de candidatures. La seconde, spécialisée dans les avis d’entreprise et les salaires, jouait un rôle de référence en matière de transparence RH. Mais leur fonctionnement autonome limitait les synergies et complexifiait l’expérience utilisateur.
La décision de fusionner progressivement leurs opérations vise à mutualiser les données et les algorithmes, dans une logique d’unification technologique. À terme, cette intégration devrait permettre d’offrir des parcours candidats enrichis, des recommandations plus pertinentes, et une personnalisation accrue des services, à la lumière des capacités offertes par l’IA. En parallèle, cette centralisation doit réduire les coûts et renforcer l’efficacité de la R&D.
Ce changement s’accompagne d’un renouvellement de gouvernance. Christian Sutherland-Wong, actuel PDG de Glassdoor, quittera ses fonctions en octobre 2025. Il sera remplacé par Ayano Senaha, directrice des opérations de Recruit Holdings, qui prendra en main à la fois les orientations stratégiques d’Indeed et les volets RH et développement durable du groupe. Ce choix illustre la volonté de piloter l’ensemble du dispositif à partir d’une vision unifiée, recentrée sur l’innovation et la performance.
L’intelligence artificielle, nouvel impératif du recrutement digital
Derrière ce vaste plan de transformation, un enjeu central émerge : tirer parti du potentiel de l’intelligence artificielle pour réinventer l’expérience de recrutement. Les avancées dans ce domaine permettent déjà de transformer les usages : assistants virtuels pour guider les candidats, algorithmes de matching affinés, analyse prédictive des tendances du marché, recommandations personnalisées, et automatisation de la sélection des candidatures.
Les plateformes qui sauront intégrer ces technologies de manière cohérente gagneront en pertinence et en réactivité. Pour les entreprises, cela signifie des délais de recrutement réduits, des coûts optimisés et une qualité de matching améliorée. Pour les candidats, l’enjeu est de vivre une expérience plus fluide, personnalisée et valorisante.
Recruit Holdings mise donc sur l’IA non seulement pour transformer ses produits, mais aussi pour se repositionner comme un leader technologique. Le groupe ambitionne d’élargir ses offres avec de nouveaux services, comme l’aide à la mobilité professionnelle, les parcours de formation intégrés, ou encore les outils prédictifs destinés aux recruteurs. La data devient ainsi l’élément structurant de sa proposition de valeur.
Mais cette transformation rapide n’est pas sans coût humain. Les 1 300 suppressions de postes actées concernent des profils souvent qualifiés et expérimentés, qui avaient contribué au développement des plateformes. Pour ces salariés, la réorganisation est brutale. Elle soulève des interrogations sur la manière dont les entreprises technologiques accompagnent la transition vers l’IA, sans sacrifier les personnes sur l’autel de l’innovation.
Plus largement, cette décision s’inscrit dans une tendance globale observée dans le secteur technologique : pour investir massivement dans l’IA, de nombreuses entreprises procèdent à des vagues de licenciements dans les fonctions dites « redondantes ». L’argument de la productivité, de l’agilité et de la spécialisation prime, au risque d’accentuer la fracture sociale et professionnelle dans des secteurs autrefois porteurs.
La question éthique de l’intégration de l’IA au sein des entreprises revient donc avec acuité. Si l’intelligence artificielle permet des gains d’efficacité considérables, elle nécessite aussi une réflexion sur le rôle de l’humain, la reconversion des compétences, et les dispositifs de protection à mettre en place.
Une stratégie risquée mais assumée pour Recruit Holdings
Pour Recruit Holdings, ce pari sur l’intelligence artificielle est stratégique. Confronté à une concurrence accrue et à une évolution rapide des usages, le groupe cherche à se réinventer avant d’être dépassé. Cette posture offensive repose sur la conviction que l’IA est un levier de croissance durable, à condition d’être bien déployée.
Son CEO, Hisayuki “Deko” Idekoba, résume ainsi cette ambition : « L’intelligence artificielle n’est pas un effet de mode. Elle transforme en profondeur la manière dont nous relions des millions de chercheurs d’emploi à des opportunités professionnelles. Nous devons anticiper cette révolution, et non la subir. »
Reste à savoir si cette restructuration portera ses fruits, et si Indeed et Glassdoor parviendront à renforcer leur positionnement tout en renouant avec la croissance. Les mois à venir seront décisifs, notamment sur la capacité du groupe à attirer de nouveaux profils spécialisés, à innover rapidement, et à conserver la confiance de ses utilisateurs.
L’annonce de la suppression de 1 300 postes chez Indeed et Glassdoor marque une étape majeure dans l’évolution du secteur du recrutement digital. Elle illustre la montée en puissance de l’intelligence artificielle, mais aussi les tensions qu’elle engendre dans les organisations.
Pour les DRH et décideurs RH, cette actualité constitue un signal fort. Elle rappelle que l’adoption des technologies de rupture doit s’accompagner d’un pilotage stratégique des compétences, d’un dialogue social actif, et d’une anticipation des impacts humains.
À l’heure où les plateformes redéfinissent leurs modèles économiques autour de la donnée et de l’IA, la place de l’humain reste plus que jamais une question centrale. Et si l’efficacité technologique devient une exigence incontournable, elle ne peut se construire durablement sans équilibre social ni responsabilité collective.







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