Le sujet revient systématiquement dans les comités de direction : comment expliquer l’augmentation du turnover, parfois dans les fonctions clés ou les équipes les plus stables ? Depuis trois ans, les départs volontaires progressent dans plusieurs secteurs au Maroc, en particulier dans les services, la tech et le commercial. Selon Rekrute, 47 % des salariés marocains envisagent de changer d’employeur dans les 12 mois. Pourtant, rares sont les entreprises qui disposent d’un véritable tableau de bord de la fidélisation.
C’est là que la donnée fait la différence. Elle permet de passer du “ressenti RH” à une compréhension objective des causes de départ, en identifiant les signaux faibles. Mieux : elle aide à prioriser les actions et à mesurer leur efficacité. Dans un contexte de tension sur les compétences, les DRH qui maîtrisent cet outil prennent une longueur d’avance.
Collecter, comprendre, agir : les trois étapes d’une stratégie data RH
Collecter des données exploitables — et régulières
Les entretiens de départ ou les enquêtes de satisfaction annuelles sont trop peu fréquents pour capter les signaux faibles. Ce qu’il faut : un flux continu de feedbacks.
- À mettre en place : enquêtes courtes tous les trimestres, questions ouvertes lors des revues d’équipe, feedback 360° dans les évaluations.
- À éviter : les questionnaires trop longs ou non anonymes, qui biaisent les réponses.
Analyser pour identifier les vraies causes de départ
Un turnover élevé dans un service ne signifie pas forcément un mauvais management. Cela peut cacher une surcharge ponctuelle, une stagnation des salaires, ou un manque de perspectives.
- Indicateurs clés à suivre : taux de turnover par ancienneté, motif de départ déclaré, délai moyen de départ après promotion, taux de mobilité interne.
- Outils disponibles : Power BI, Google Data Studio, voire Excel avec un modèle structuré.
Corréler données et actions RH pour mesurer ce qui fonctionne
Une politique de télétravail mise en place ? Une révision salariale ciblée ? Ces décisions doivent être reliées aux données de fidélisation. Sinon, impossible de savoir ce qui fonctionne vraiment.
- À suivre dans le temps : taux de rétention par cohorte (ex : salariés recrutés en 2023), taux de départ après formation, impact d’un changement managérial.
Des pratiques RH à réévaluer avec un regard analytique
L’environnement de travail : un critère sous-estimé mais mesurable
Un cadre relationnel de qualité (communication, confiance, reconnaissance) impacte fortement la fidélité des salariés. Encore faut-il l’évaluer.
- Indicateur à intégrer : taux de participation aux événements internes, taux de satisfaction managériale, sentiment de reconnaissance perçu.
Le développement professionnel : pas seulement une “offre de formation”
Selon le Baromètre Capital Humain Maroc 2024, moins de 25 % des entreprises proposent des parcours d’évolution clairs. Pourtant, la corrélation entre formation et rétention est bien établie.
- À suivre de près : nombre de salariés ayant bénéficié d’un plan de développement individualisé, part de la masse salariale dédiée à la montée en compétences, évolution du taux de départ parmi les formés.
Le temps de présence en entreprise : un indicateur critique
Beaucoup de départs ont lieu entre 12 et 18 mois, soit juste après la fin de la phase d’intégration.
- Bonne pratique : planifier un entretien “fidélisation” à M+6 et M+12, avec la RH ou un manager formé à la rétention.
Ce que les DRH peuvent faire dès aujourd’hui
- Créer un mini-tableau de bord RH croisant turnover, ancienneté, satisfaction, mobilité, résultats d’évaluation.
- Cibler les départs “inexpliqués” des 6 à 24 mois et lancer des entretiens de rattrapage ou de compréhension.
- Mesurer l’impact réel des actions RH (augmentation, promotion, télétravail, formation) sur les départs dans les 6 mois suivants.
- Structurer un suivi trimestriel de la rétention, à partager avec les managers.
Pour la fonction RH, la fidélisation n’est plus une affaire de bien-être général mais un pilotage précis à partir de données concrètes.
Les outils existent, les pratiques aussi. Ce qui manque souvent, c’est la culture du suivi et de l’analyse. Dans un marché de l’emploi instable, investir dans la donnée, c’est investir dans la stabilité de l’entreprise. Et les DRH qui s’en emparent peuvent enfin passer du rôle d’alerteur à celui d’architecte de la rétention.







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