La masse salariale publique poursuit sa progression à un rythme soutenu. Les dépenses de personnel de l’État passeront de 140 milliards de dirhams en 2021 à 193 milliards en 2026, soit une hausse de plus de 40 %. Elles représenteront près de 11 % du PIB, un des niveaux les plus élevés du continent.
Cette inflation des dépenses s’explique par les revalorisations salariales successives et les vagues de recrutement engagées depuis 2022 dans la fonction publique. En cinq ans, le salaire net moyen des agents est passé de 8 237 dirhams à 10 100 dirhams, tandis que le salaire minimum a été relevé de 3 000 à 4 500 dirhams nets. Ces hausses, portées par le dialogue social, ont redonné du souffle au pouvoir d’achat des fonctionnaires, mais pèsent désormais lourdement sur les équilibres budgétaires.
Le gouvernement défend ce choix comme un investissement dans la stabilité sociale et la qualité du service public. Les syndicats, eux, saluent une politique de reconnaissance, tout en demandant une meilleure corrélation entre salaire et performance. L’État devra désormais transformer cette dépense en levier d’efficacité.
Revalorisation et pouvoir d’achat : le levier fiscal
Pour 2026, le gouvernement mise aussi sur la fiscalité du revenu pour renforcer le pouvoir d’achat. Le projet de loi introduit plusieurs mesures d’allègement :
- Exonération totale jusqu’à 6 000 DH de salaire mensuel ;
- Baisse du taux marginal supérieur, ramené de 38 % à 37 % ;
- Réduction de moitié de l’impôt pour les revenus mensuels compris entre 6 000 et 10 000 DH.
L’effet attendu est un gain net moyen d’environ 400 dirhams par mois pour les ménages concernés. En parallèle, la défiscalisation complète des pensions de retraite de base dès 2026 bénéficiera à près de 750 000 retraités, pour un coût estimé à 1,2 milliard de dirhams.
Enfin, la hausse des allocations familiales à partir du quatrième enfant complète ce dispositif. L’ensemble des mesures fiscales représente une injection d’environ 7 milliards de dirhams dans le revenu disponible des ménages. Un geste social fort, dans un contexte de pouvoir d’achat fragilisé par l’inflation des années 2022-2024.
Dialogue social : continuité des engagements
Les accords sociaux signés depuis 2022 se poursuivent et pèsent sur les prévisions 2026. L’accord d’avril 2022, prolongé en 2024, avait octroyé 1 000 DH d’augmentation générale aux fonctionnaires, versés en deux tranches (500 DH en 2024, puis 500 DH en 2025). Les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’enseignement supérieur ont, en outre, bénéficié d’enveloppes sectorielles supplémentaires totalisant plus de 22 milliards de dirhams.
L’État a également engagé une simplification de la grille administrative : la suppression de l’échelle 7 et la promotion automatique vers l’échelle 8 ont fluidifié les carrières. Le quota annuel de promotions a été relevé de 33 % à 36 %. Ces mesures, combinées à l’instauration d’un congé de paternité de 15 jours payés, participent à moderniser la fonction publique marocaine, tout en alignant ses standards sur ceux observés dans les administrations avancées.
Dans le secteur privé, la revalorisation du SMIG (+20 % sur quatre ans) et la convergence progressive avec le SMAG agricole traduisent la volonté de rapprocher les conditions sociales entre monde urbain et rural. Ces dispositifs devraient porter le SMIG à 3 250 dirhams nets en 2026, consolidant la protection des travailleurs à bas revenus.
Un plan de recrutement sans précédent
Le projet de Loi de Finances 2026 prévoit la création de 36 895 postes budgétaires, un chiffre record. Les priorités sont claires : rajeunir les effectifs et combler les besoins criants dans les secteurs sociaux.
- Ministère de l’Intérieur : 13 000 postes. Un renforcement des administrations territoriales et des services de sécurité, dans une logique de proximité et d’efficacité.
- Santé et protection sociale : 8 000 postes. Des médecins, infirmiers et techniciens pour accompagner la généralisation de la couverture médicale et la construction de nouveaux hôpitaux.
- Défense nationale : 5 500 postes. Le volet cybersécurité devient prioritaire, avec l’intégration de profils civils spécialisés dans la sécurité des systèmes d’information.
- Économie et Finances : 2 600 postes. Des contrôleurs et agents de recouvrement pour renforcer la mobilisation des recettes.
- Administration pénitentiaire : 2 020 postes, et enseignement supérieur : 1 759 postes pour soutenir la recherche et la formation universitaire.
Ces recrutements massifs visent à répondre à la fois à la demande sociale et au besoin de compétences nouvelles dans une administration en mutation. L’enjeu sera désormais de garantir la qualité de ces recrutements et leur adéquation avec les priorités nationales.
Inclusion et diversité : une administration en transformation
La fonction publique marocaine s’oriente vers une plus grande diversité. Depuis 2018, les concours unifiés pour personnes en situation de handicap ont permis d’intégrer plus de 1 200 fonctionnaires concernés, avec un objectif légal de 7 % de postes réservés. Une nouvelle édition de ce concours est prévue fin 2025.
La féminisation des effectifs progresse également : les femmes représentent aujourd’hui plus de 40 % des agents publics, particulièrement dans les secteurs de l’éducation et de la santé. L’enjeu reste désormais l’accès aux postes de direction. Des programmes de mentorat et de leadership au féminin sont en développement pour briser le plafond de verre.
Enfin, le rajeunissement des effectifs s’affirme comme une priorité. Avec une moyenne d’âge supérieure à 45 ans, la fonction publique doit intégrer de nouveaux profils jeunes et formés aux compétences numériques. L’administration digitale, la gestion de la donnée et la cybersécurité deviennent des axes stratégiques du recrutement 2026.
La soutenabilité budgétaire au centre du débat
Derrière cette politique volontariste se cache une équation délicate : maintenir la trajectoire de réforme sociale sans compromettre la stabilité financière. Le gouvernement vise un déficit ramené à 3 % du PIB en 2026, contre 3,5 % en 2025.
Les recettes fiscales devraient progresser grâce à la croissance estimée à 3,5 % et à un meilleur recouvrement. Mais la masse salariale, qui absorbe plus de la moitié des dépenses ordinaires, réduit la marge d’investissement. La réussite du PLF 2026 dépendra donc de la capacité à convertir la dépense publique en gains d’efficacité, à travers la digitalisation, la simplification administrative et la culture de l’évaluation.
Le cap fixé pour 2026 illustre une mutation : l’État ne se contente plus d’augmenter les salaires, il cherche à moderniser son appareil administratif. La transformation digitale, la rationalisation des structures et la mise en place d’indicateurs de performance deviennent les priorités du nouveau management public.
Au-delà des chiffres, le véritable défi de la Loi de Finances 2026 réside dans la capacité du Maroc à faire évoluer sa culture de gestion publique. Si les investissements dans la fonction publique se traduisent par une amélioration tangible des services et une meilleure efficacité institutionnelle, alors cette politique salariale trouvera sa légitimité économique et sociale.







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