La rémunération des stages tend à se normaliser autour de 6 000 DH, transformant l’indemnité en simple critère d’accès, non plus en facteur d’attraction. Les entreprises qui veulent séduire la génération Z devront aller au-delà du montant versé. Cette génération, animée par la quête de sens et d’équilibre, juge une expérience de stage à l’aune de son environnement humain, de sa flexibilité et des opportunités d’apprentissage qu’elle offre. Le véritable avantage compétitif se joue désormais sur la qualité du « package global ».
Le paradoxe de la génération Z
Les études menées au Maroc et à l’international en 2024 et 2025 révèlent une constante : les jeunes considèrent la rémunération comme un droit légitime, mais pas comme le principal moteur de leur engagement. Ils la placent en tête des critères de choix d’un premier emploi, tout en donnant davantage de valeur au cadre de travail, aux relations humaines et à l’épanouissement personnel.
Cette génération, née entre 1995 et 2010, a grandi dans un monde où la stabilité économique et le sens du collectif se redéfinissent. Près de 94 % des jeunes interrogés associent aujourd’hui le travail à une source d’accomplissement personnel plutôt qu’à une simple sécurité financière. Le prestige de l’entreprise importe moins que son mode de management, sa culture d’inclusion ou sa capacité à offrir une expérience de vie équilibrée.
Dans ce contexte, l’indemnité de stage est devenue un « facteur hygiénique » : indispensable, mais insuffisant. Pour se démarquer, les directions RH doivent concevoir des expériences stagiaires qui conjuguent reconnaissance matérielle et bien-être global.
L’indemnité : un prérequis, pas une promesse
Le niveau de rémunération attendu par les étudiants de dernière année se situe désormais autour de 6 000 DH mensuels, un seuil considéré comme la norme pour les stages de fin d’études dans les grandes entreprises marocaines. En dessous de ce montant, les candidatures se raréfient ; au-dessus, la différence ne crée plus d’attractivité durable.
Cette homogénéisation du marché pousse les recruteurs à se différencier autrement : par les avantages concrets, les conditions de travail et les opportunités d’apprentissage. L’indemnité reste la base de la relation, mais c’est l’expérience globale qui détermine l’engagement.
Le DRH ne peut plus défendre son budget de stage comme un coût de main-d’œuvre, mais comme un investissement dans l’acquisition de talents. Derrière chaque stagiaire, se joue une bataille d’image et de fidélisation : celui ou celle qui vit une expérience cohérente avec ses valeurs deviendra un ambassadeur durable de la marque employeur.
Concevoir un « Total Rewards Package » pour stagiaires
Pour séduire la génération Z, les entreprises marocaines doivent repenser la notion même d’avantage. Le « package stagiaire » ne se limite plus à une enveloppe financière ; il doit combiner reconnaissance économique, flexibilité, apprentissage et bien-être.
- Avantages financiers directs
Les jeunes attendent de la transparence et une logique d’équité. En plus de l’indemnité mensuelle, certaines entreprises intègrent des dispositifs complémentaires : prise en charge partielle du transport, bons de repas exonérés jusqu’à 40 DH par jour, ou participation au logement pour les étudiants venant d’autres villes. Ces aides concrètes, déjà appliquées par des groupes comme Maroc Telecom pour leurs collaborateurs, constituent des leviers de différenciation crédibles à adapter aux stagiaires.
- Flexibilité, la demande n°1
La génération Z rejette le modèle rigide des horaires 9-17. Elle valorise la confiance, la souplesse et la possibilité d’organiser son temps de travail. La mise en place d’une charte de télétravail claire, même partielle, devient un avantage stratégique. Près de la moitié des jeunes interrogés dans les enquêtes 2024 citent la flexibilité comme le critère principal d’attractivité. Permettre quelques jours de télétravail, ou offrir des horaires glissants, envoie un message de modernité et de respect de la vie personnelle.
- Formation et développement : l’avantage immatériel le plus puissant
Pour la génération Z, apprendre vaut autant que gagner. Le stage idéal intègre une dimension de développement personnel et professionnel : parcours de formation interne, accès à des ressources e-learning, participation à des séminaires ou certifications. Les programmes d’entreprise qui permettent de valider des compétences transversales (communication, data, durabilité) répondent directement à leurs attentes.
Certaines entreprises marocaines intègrent désormais un « learning journey » au parcours de stage : des micro-modules certifiants, encadrés par les experts internes, qui valorisent la montée en compétence du stagiaire et renforcent la fierté d’appartenance.
- Bien-être et culture d’entreprise
La génération Z recherche avant tout une atmosphère de travail saine et humaine. L’accès aux services de l’entreprise — cantine, salle de sport, espaces de détente, programmes QVT, initiatives de santé mentale — fait la différence. L’intégration d’un système de parrainage ou de « buddy » favorise l’inclusion et accélère la courbe d’apprentissage.
Les entreprises qui proposent des événements de cohorte, des afterworks ou des rencontres inter-stagiaires renforcent le sentiment d’appartenance, souvent décisif dans la perception globale de l’expérience.
Le stage comme première expérience de marque employeur
L’expérience PFE est le premier contact concret entre la génération Z et l’entreprise. C’est là que se joue la promesse de marque employeur : les valeurs affichées se confrontent à la réalité vécue.
Les grandes entreprises marocaines l’ont compris. Attijariwafa bank, par exemple, a structuré son programme de stages autour de parcours métiers, de mentorat et d’accès à la formation digitale. Maroc Telecom, de son côté, accorde une attention particulière à l’intégration et au suivi post-stage des meilleurs profils. Ces dispositifs ne relèvent pas du marketing RH, mais d’une véritable stratégie de fidélisation.
La génération Z n’est pas achetable. Elle choisit les organisations qui incarnent une culture d’équilibre, de reconnaissance et d’utilité sociale. Les DRH qui adaptent leurs politiques à ces attentes ne « recrutent » pas des stagiaires ; ils investissent dans leurs futurs collaborateurs à haut potentiel.
Repenser le stage comme investissement stratégique
Le stage n’est plus une période d’essai, mais une première relation de confiance. En dépassant la logique de l’indemnité, l’entreprise construit un lien émotionnel et professionnel avec ses futurs talents. Offrir un package global cohérent — financier, humain et formateur —, c’est poser les bases d’une relation durable avec la nouvelle génération.
Les organisations qui réussiront cette transformation ne seront pas simplement perçues comme de bons employeurs, mais comme des lieux d’apprentissage et d’épanouissement. Pour la génération Z, c’est là que se trouve la véritable valeur du travail.







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