Dans cet entretien exclusif, il revient sur les grandes orientations du groupe, les volumes de recrutement, les partenariats académiques, mais aussi sur la manière dont Décathlon Maroc s’adapte aux exigences de la génération Z. Plus qu’une simple gestion RH, c’est une véritable philosophie de transmission, de rigueur et d’autonomisation qui se déploie dans les 19 magasins du pays. Un modèle qui combine efficacité opérationnelle, responsabilisation managériale et impact social concret.
Un an s’est écoulé depuis notre dernière discussion. Pour nos lecteurs, pourriez-vous dresser un état des lieux de Décathlon Maroc, notamment en termes d’effectifs, d’organisation, et surtout, quelle place occupe la population jeune au sein de votre structure ?
Imad BOUZZROUD : Aujourd’hui, Décathlon Maroc rassemble entre 850 et 1 000 collaborateurs, un effectif variable en fonction des pics saisonniers et du rythme naturel de l’activité retail. Le réseau compte désormais 19 magasins à travers le pays, dont le dernier ouvert récemment à Salé, et de nouvelles implantations sont en préparation. À côté de cette présence commerciale, nous gérons un entrepôt logistique à Mohammedia, une activité de production dédiée à l’export, ainsi que le centre régional Afrique et Moyen-Orient installé au CFC, chargé de piloter plusieurs missions stratégiques pour la zone.
Dans cette organisation, la jeunesse occupe une place centrale. L’âge moyen de nos collaborateurs est de 25 ans, et près de 80 % de nos effectifs sont âgés de moins de 30 ans. Nous recrutons massivement en sortie d’établissements d’enseignement supérieur, notamment sur les métiers de magasin, parce que nous croyons à la capacité d’apprentissage rapide de ces jeunes profils. Ils constituent la base de notre stratégie d’intégration, de montée en compétences et d’évolution interne. Et ce point est fondamental : une grande partie de nos managers, qu’il s’agisse du retail, de l’encadrement intermédiaire ou même de certaines fonctions marketing, sont issus de cette logique de fidélisation. Nous ne leur offrons pas seulement un premier job ; nous leur construisons de véritables trajectoires professionnelles, structurées par la formation, les responsabilités progressives et la confiance. Beaucoup voient leur avenir professionnel transformé grâce à ce modèle.
Vous soulignez l’importance des sorties d’école. Pourriez-vous préciser les métiers et les volumes de recrutement pour lesquels vous sollicitez ces jeunes ? Quel rôle jouent ces postes dans le parcours professionnel que propose Décathlon ?
Imad BOUZZROUD : Nos deux métiers d’entrée sont le poste de Vendeur et celui de Responsable de Rayon. Ce dernier est notre véritable porte d’accès à une carrière complète dans le retail : près de 100 % de nos responsables de rayon sont des jeunes diplômés qui n’avaient aucune expérience professionnelle avant d’intégrer Décathlon. Nous assumons pleinement ce modèle, car nous préférons les former nous-mêmes à nos standards, à notre culture et à nos pratiques de gestion.
Le poste de Vendeur, quant à lui, est accessible à des étudiants ou jeunes actifs sans expérience, car la formation est intégralement assurée en interne. Ces deux positions constituent le socle de notre dispositif de renouvellement des talents. À l’échelle nationale, nous comptons entre 70 et 80 responsables de rayon, et chaque année, nous en recrutons une vingtaine pour accompagner les mobilités internes. En incluant les vendeurs, nous intégrons annuellement environ 120 jeunes entre ces deux métiers. Ce volume alimente ensuite toutes les autres trajectoires possibles, qu’il s’agisse de direction de magasin, de fonctions régionales, de logistique ou même de postes stratégiques dans la supply chain.
Ce volume de recrutement suggère une forte mobilité. Comment Décathlon Maroc gère-t-il l’évolution de carrière de ces jeunes recrues, et quelle est la place de l’évolution interne dans votre culture d’entreprise ?
Imad BOUZZROUD : L’évolution interne est la pierre angulaire de notre modèle RH. Nous nous appuyons sur un principe simple : développer les talents que nous avons formés et qui connaissent déjà nos métiers. Cela se traduit par un fait exceptionnel dans le secteur : 100 % de nos directeurs de magasin sont issus de l’interne, et une part significative de nos managers dans d’autres fonctions — opérations, performance magasin, communication ou marketing — ont démarré sur des postes de terrain avant de progresser.
Pour accompagner cette dynamique, nous avons construit des parcours structurés qui permettent à un jeune vendeur ou responsable de rayon d’évoluer vers des responsabilités managériales, puis vers la direction d’un magasin ou des postes transverses en logistique et supply chain. Cet accompagnement repose sur un plan de formation robuste, un suivi régulier par les équipes RH régionales et des outils d’évaluation continue. La mobilité n’est pas un hasard : elle est programmée, anticipée et encouragée.
Vous mentionnez également la stratégie du temps partiel. Comment s’articule-t-elle avec votre dispositif de recrutement des jeunes, et quel est son impact, au-delà du simple besoin de flexibilité opérationnelle ?
Imad BOUZZROUD : Le temps partiel constitue un pilier stratégique. Nous employons aujourd’hui entre 300 et 350 étudiants en contrat CDI à temps partiel. Ce choix est assumé : offrir à un étudiant un contrat permanent, avec les mêmes droits qu’un temps plein – couverture médicale complémentaire, CNSS, avantages internes – est une manière de lui montrer qu’il est un collaborateur à part entière.
Sur le plan opérationnel, ce modèle nous apporte la flexibilité nécessaire pour répondre aux pics d’affluence en magasin. Mais son impact va bien au-delà : c’est une véritable forme d’inclusion financière et professionnelle. Nous offrons à ces jeunes une source de revenu, un apprentissage structuré du métier, une première immersion dans le monde professionnel et une montée en compétences progressive. Certains se découvrent même une vocation pour le retail et poursuivent leur parcours chez nous. Pour d’autres, c’est une étape qui améliore leur employabilité future. Dans tous les cas, c’est un dispositif gagnant pour eux comme pour nous.
Vous évoquez l’analogie avec l’alternance. Quel est le parcours idéal pour ces jeunes, depuis le temps partiel jusqu’à une conversion en temps plein, et quelle place donnez-vous aux stages de fin d’études dans ce schéma ?
Imad BOUZZROUD : Le temps partiel constitue la base de notre modèle d’intégration. Il permet à un étudiant de découvrir le métier, de développer ses premiers réflexes professionnels et de bâtir une relation durable avec l’entreprise. Lorsqu’un temps partiel arrive en fin d’études, il peut réaliser son stage de fin d’études dans nos magasins ou services, à condition que la problématique soit pertinente et que nous disposions d’un tuteur capable de l’accompagner.
Nous ne proposons pas des stages à tous les temps partiels, car chaque stage doit être associé à un sujet clair, à un besoin opérationnel et à un dispositif d’encadrement solide. Mais pour les profils que nous identifions comme ayant du potentiel, la conversion peut être rapide. L’exemple concret d’un collaborateur à Marrakech, passé du temps partiel au stage, puis embauché en CDI comme responsable de rayon, illustre bien cette progression. Lorsque le parcours est bien construit, l’évolution est naturelle et cohérente.
Avec un tel volume de recrutement et d’intégration, comment organisez-vous le processus de sourcing et de recrutement pour les temps partiels ? Quel rôle jouent les partenariats universitaires dans cette démarche ?
Imad BOUZZROUD : Le recrutement est piloté directement par les directeurs de magasin. Ce sont eux les premiers recruteurs, car ce sont eux qui travailleront au quotidien avec les nouveaux collaborateurs. Les équipes RH interviennent en support pour organiser les campagnes, assurer le sourcing et superviser le processus. Nous disposons d’un outil digital qui centralise l’ensemble des candidatures, du dépôt jusqu’à la décision finale, ce qui nous permet de suivre précisément les délais de traitement et le taux de conversion des périodes d’essai.
Les partenariats académiques occupent une place importante pour alimenter notre vivier. Nous collaborons avec plusieurs établissements d’enseignement supérieur, publics et privés, et entretenons des relations continues avec de nombreuses autres institutions à travers différentes villes. L’objectif est d’aligner nos dispositifs d’insertion professionnelle avec les besoins des étudiants et la réalité de leur parcours.
Une fois le recrutement effectué, comment assurez-vous une intégration et un accompagnement de qualité pour que chaque recrue, y compris les Directeurs de Magasin qui deviennent recruteurs, soit au même niveau d’exigence ?
Imad BOUZZROUD : Nous avons construit un dispositif d’intégration extrêmement structuré. Aucun collaborateur n’arrive en magasin sans avoir suivi une journée complète d’intégration dédiée à la culture Décathlon, aux valeurs de l’entreprise et à la sécurité. Pour les temps pleins, un second temps fort est prévu : le « Décathlon Discovery Day », où les nouvelles recrues rencontrent la direction et participent à des ateliers collectifs.
Chaque métier est associé à un plan de formation détaillé, avec des compétences clés et des modules adaptés. Les équipes RH régionales, qui sont de véritables HR Business Partners, assurent un accompagnement terrain permanent. Elles visitent leurs magasins au moins une fois par mois et accompagnent les directeurs pour garantir que les pratiques RH sont appliquées, que les recrutements sont cohérents et que les parcours de formation produisent les effets attendus. Plusieurs de nos HRBP sont d’anciens directeurs de magasin, ce qui renforce la qualité de cet accompagnement.
Pour conclure, en tant que DRH au contact de cette jeunesse, quelle est votre perception de la Génération Z et de ses exigences, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ? Cela pourrait-il mener à une évolution du contrat de travail, notamment vers une généralisation du temps partiel ?
Imad BOUZZROUD : La Génération Z exprime des attentes fortes : équilibre entre vie privée et vie professionnelle, flexibilité, sens et reconnaissance. Nous avons démarré ce processus d’écoute et d’intégration des jeunes depuis plusieurs décennies. À chaque période, nous avons adapté notre modèle en tenant compte de leurs besoins spécifiques, de leurs contraintes et des nouvelles manières d’apprendre ou de s’engager. Les attentes actuelles ne représentent donc pas une rupture mais une continuité : elles sont une opportunité d’affiner, d’enrichir et de renforcer l’offre RH que nous leur adressons.
Notre modèle de temps partiel en CDI répond précisément à ces besoins. Nous proposons des contrats à 16, 20 ou 22 heures hebdomadaires, avec les mêmes droits que les temps pleins. Nous avons été parmi les premiers au Maroc à assumer cette approche. Je pense que le temps partiel a vocation à se développer. Il répond à une réalité générationnelle, mais aussi à un modèle économique qui nécessite de la flexibilité maîtrisée. Cela dit, je crois aussi que pour se construire professionnellement, il faut accepter un déséquilibre temporaire. À 18 ou 20 ans, le seul capital dont on dispose réellement, c’est le temps. Celui qui l’investit intelligemment en apprentissage, en engagement et en progression personnelle récolte des résultats solides à long terme. Notre rôle est de créer un environnement où cet investissement a du sens et produit de la valeur, pour l’entreprise comme pour le collaborateur.



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