L’organisation conjointe de la Coupe du Monde 2030 par le Maroc, l’Espagne et le Portugal, confirmée officiellement en janvier 2025, redéfinit déjà les priorités économiques et sociales du Royaume. Avec 48 équipes attendues et 104 matchs répartis sur sept semaines, cette édition marquera un jalon important dans l’histoire du football mondial. Pour le Maroc, il s’agit surtout d’un accélérateur de développement, en particulier sur le terrain de l’emploi et de la structuration du capital humain.
Les chiffres annoncés par Fouzi Lekjaa en janvier dernier, lors d’une rencontre avec la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), illustrent clairement l’ampleur de l’enjeu. Près de 15 millions de spectateurs sont attendus dans les trois pays organisateurs, dont plus de 1,2 million de visiteurs étrangers spécifiquement pour le Maroc. À la clé : un impact touristique estimé à 2,2 milliards d’euros en recettes directes.
Cette dynamique impose une mobilisation immédiate sur les chantiers structurants. Le Maroc prévoit d’investir 322 milliards de dirhams pour répondre aux exigences de la FIFA : rénovation des infrastructures sportives, montée en gamme de l’offre hôtelière, extension de la ligne à grande vitesse, modernisation des aéroports de Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech. La construction du futur grand stade Hassan II à Benslimane, prévue pour 2027, s’ajoute à la réhabilitation des stades de Rabat, Fès, Tanger, Marrakech et Agadir. Ces projets, déjà lancés, mobilisent une main-d’œuvre massive, qualifiée et semi-qualifiée, dans les secteurs de la construction, de l’ingénierie et de la logistique.
En l’absence de précédents nationaux à cette échelle, le Maroc s’inspire des projections élaborées autour de la Coupe du Monde 2026, qui aura lieu en Amérique du Nord. Bien que l’événement ne se soit pas encore tenu, les estimations disponibles évoquent un impact économique global de 80,1 milliards de dollars, la création de 824 000 emplois équivalents temps plein, et un retour social sur investissement (SROI) évalué à 3,64. Ces repères offrent une base méthodologique pour anticiper les effets attendus au Maroc.
Les projections locales font état d’une création potentielle de 70 000 à 120 000 emplois équivalents temps plein d’ici 2030. Ces postes se répartiraient de la manière suivante : environ 40 % dans l’hôtellerie et la restauration, 30 % dans le BTP, 15 % dans les services liés à l’événementiel (logistique, transport, sécurité), et 15 % dans des secteurs transverses tels que le commerce ou les services numériques.
Mais l’enjeu ne se limite pas aux chiffres. Pour répondre aux standards imposés par la FIFA, le Maroc doit livrer 32 camps de base, chacun doté de deux terrains d’entraînement et de deux établissements hôteliers. Cette exigence implique une montée en compétences rapide dans les domaines du tourisme, de l’accueil, des langues étrangères, de la gestion hôtelière et de la conduite de projet.
L’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT) est en première ligne. Déjà engagé dans une transformation de son offre pédagogique vers les métiers du digital et de l’intelligence artificielle, l’établissement devra renforcer ses dispositifs de formation continue et proposer des parcours de reconversion pour accompagner les besoins du marché. L’upskilling et le reskilling ne sont plus des options, mais des priorités immédiates.
En parallèle, le pays devra garantir la durabilité des effets économiques de l’événement. Pour cela, la stratégie nationale prévoit un ensemble de mesures complémentaires : certification des compétences acquises, orientation professionnelle post-Mondial, et intégration des profils formés dans des filières d’avenir. Le but est clair : faire de cette échéance une opportunité à long terme, et non un pic temporaire d’activité.
L’écosystème entrepreneurial est également appelé à se mobiliser. La Coupe du Monde 2030 offre un terrain propice à l’innovation : mobilité intelligente, gestion logistique, technologies immersives, tourisme expérientiel, sécurité numérique… Les start-ups marocaines ont une carte à jouer, à condition d’être accompagnées et intégrées dans les appels d’offres et les chaînes de valeur.
Enfin, cette exposition médiatique planétaire constitue une vitrine inédite pour renforcer l’image du Maroc comme destination attractive pour les talents et les investisseurs. Le soft power national en sortira renforcé, à condition que le capital humain soit reconnu comme un actif stratégique au même titre que les infrastructures physiques.
À cinq ans de l’échéance, les chantiers sont nombreux. La réussite de la Coupe du Monde 2030 dépendra autant de la qualité de son organisation que de la capacité du Maroc à capitaliser sur les compétences mobilisées. Les choix opérés aujourd’hui, en matière de formation, de recrutement, d’orientation professionnelle et de structuration des filières, pèseront durablement sur la trajectoire socio-économique du pays.