Les entreprises investissent massivement dans le recrutement, mais 8 embauches sur 10 échouent pour des raisons comportementales, non techniques. Le stage de fin d’études offre une opportunité unique d’observer les candidats sur plusieurs mois, dans leur environnement réel de travail. Encore faut-il évaluer ce qui compte : les attitudes, la capacité d’adaptation, la communication et le sens des responsabilités. Une grille d’évaluation structurée transforme le PFE en outil prédictif de succès durable, standardisant le langage entre tuteurs, managers et RH.
L’échec du recrutement traditionnel : le PFE comme alternative
Les processus de recrutement classiques reposent sur des entretiens, des tests techniques et des impressions rapides. Ils permettent d’évaluer la connaissance, rarement le comportement. Or, selon plusieurs études internationales relayées par la Harvard Business Review, la majorité des échecs d’intégration proviennent non pas d’un manque de compétences, mais d’un déficit de savoir-être.
Le PFE, lui, offre une évaluation en situation réelle. Il permet d’observer le stagiaire face à la contrainte, à la critique, à la collaboration et à la gestion du temps. Ce laboratoire naturel du comportement révèle les qualités invisibles en entretien : la curiosité, la résilience, la proactivité, la capacité à apprendre.
Bien utilisé, le PFE devient un assessment center intégré, étalé sur plusieurs mois, dans lequel le DRH évalue non seulement la performance, mais aussi le potentiel et le « fit » culturel.
La grille d’évaluation prédictive : mesurer le comportement, pas seulement la production
Pour transformer l’évaluation de stage en outil de recrutement fiable, il faut rompre avec la logique du livrable. Ce n’est pas la qualité du rapport ou du projet final qui compte, mais la manière dont le stagiaire s’y est pris pour y arriver.
Une grille d’évaluation prédictive se concentre sur les comportements observables et les attitudes clés. Elle valorise les soft skills, indicateurs bien plus stables et transférables que les compétences techniques.
Axe 1 : Productivité et autonomie
La première dimension mesure la capacité du stagiaire à s’organiser et à prendre des initiatives. Un bon indicateur n’est pas le nombre d’heures passées, mais la qualité de la planification. Comportements observables : – Planifie son travail de manière autonome ; – Cherche des solutions avant de demander de l’aide ; – Anticipe les besoins de l’équipe ; – Maintient une régularité dans l’effort.
L’autonomie ne s’enseigne pas : elle se détecte. Cette compétence annonce la capacité future à gérer des projets et à évoluer sans supervision constante.
Axe 2 : Sens des responsabilités
Ici, l’évaluation porte sur la fiabilité et l’engagement. La génération Z revendique la liberté, mais apprécie aussi les environnements où la responsabilité est valorisée. Comportements observables : – Respecte les horaires et les délais ; – Assume ses erreurs sans chercher d’excuses ; – Prend soin du matériel et des ressources mises à disposition ; – Se montre transparent sur l’avancement de ses missions.
Cette dimension reflète la maturité professionnelle. Elle distingue un étudiant prometteur d’un futur collaborateur fiable.
Axe 3 : Jugement et adaptabilité
Le monde du travail évolue rapidement ; les stagiaires doivent apprendre à évoluer avec lui. L’adaptabilité mesure la manière dont un individu réagit à la nouveauté, à la critique et à l’imprévu. Comportements observables : – Réagit positivement aux remarques constructives ; – Sait ajuster son comportement selon le contexte ; – Pose les bonnes questions au bon moment ; – Fait preuve de discernement dans ses décisions.
Cette capacité à apprendre de ses erreurs est l’un des meilleurs prédicteurs de réussite à long terme.
Axe 4 : Communication et esprit d’équipe
Les meilleurs stagiaires ne sont pas ceux qui brillent seuls, mais ceux qui s’intègrent dans une dynamique collective. Comportements observables : – Collabore volontiers avec ses collègues ; – Partage ses idées et écoute activement les autres ; – Contribue à une ambiance de travail positive ; – Reformule clairement les consignes pour s’assurer de les comprendre.
Un bon communicant n’est pas nécessairement extraverti. C’est quelqu’un qui sait adapter son message et valoriser la contribution de l’équipe.
Axe 5 : Compétences techniques (l’indispensable, mais pas le tout)
Même si la grille privilégie les comportements, il reste essentiel d’évaluer la capacité du stagiaire à mobiliser ses connaissances académiques dans un cadre professionnel. Comportements observables :
– Transfère efficacement ses acquis théoriques dans la pratique ;
– Utilise les outils et logiciels nécessaires à sa mission ;
– Cherche à approfondir ses compétences techniques de manière autonome.
L’objectif n’est pas de sanctionner le niveau initial, mais d’observer la progression et l’effort d’apprentissage.
Le processus d’évaluation : trois étapes clés
Une grille d’évaluation prédictive n’a de valeur que si elle est intégrée dans un processus structuré et transparent.
- Jour 1 : la présentation de la grille
Le tuteur doit présenter la grille dès le début du stage. C’est le contrat d’objectifs : le stagiaire sait précisément sur quels critères il sera évalué. Cette transparence crée une relation de confiance et donne du sens à ses actions.
- Mi-parcours : l’évaluation intermédiaire
À mi-stage, un entretien formel permet d’analyser la progression. Ce moment de feedback est aussi un exercice de coaching : le tuteur aide le stagiaire à identifier ses points forts et ses axes d’amélioration. C’est un temps d’ajustement, pas de jugement.
- Fin de stage : l’évaluation finale
La dernière étape détermine la décision d’embauche. Le tuteur complète la grille en justifiant chaque note par des exemples précis. Le service RH centralise ces données, les compare et les utilise comme base pour la sélection des futurs jeunes diplômés.
La grille d’évaluation PFE : le langage commun RH-managers
La force d’une grille standardisée réside dans sa capacité à harmoniser les pratiques d’évaluation. En utilisant les mêmes critères pour tous les stagiaires, quel que soit leur domaine — finance, IT, logistique ou marketing —, l’entreprise crée un référentiel commun du potentiel.
Cette approche transforme une opinion subjective (« c’est un bon stagiaire ») en un diagnostic objectif et comparable. Elle facilite les décisions d’embauche, évite les biais individuels et aligne les managers sur les priorités RH.
Tableau : la scorecard PFE – modèle de grille d’évaluation
| Compétence (Soft Skill) | Comportements observables | Évaluation (1 : insuffisant – 5 : exceptionnel) | Exemples / faits observés (obligatoire) |
| Autonomie & initiative | Planifie son travail ; cherche des solutions ; fait preuve de proactivité | 1 – 2 – 3 – 4 – 5 | |
| Sens des responsabilités | Respecte les délais ; assume ses erreurs ; communique sur l’avancement | 1 – 2 – 3 – 4 – 5 | |
| Adaptabilité & jugement | Réagit positivement à la critique ; pose les bonnes questions ; ajuste ses priorités | 1 – 2 – 3 – 4 – 5 | |
| Communication & esprit d’équipe | Collabore ; exprime clairement ses idées ; contribue à la cohésion | 1 – 2 – 3 – 4 – 5 | |
| Compétences techniques | Applique ses acquis ; maîtrise les outils nécessaires ; progresse régulièrement | 1 – 2 – 3 – 4 – 5 |
De l’évaluation à la décision d’embauche
Lorsque la grille est utilisée sur plusieurs promotions de stagiaires, elle devient un outil prédictif : les notes obtenues sur les axes comportementaux se révèlent fortement corrélées à la performance future après embauche.
Le DRH peut ainsi constituer une base de données des talents à fort potentiel, en s’appuyant sur des critères uniformes. Le PFE n’est plus un simple stage d’observation : c’est un test en situation réelle, étalé sur plusieurs mois, et d’une fiabilité incomparable pour anticiper la réussite d’un recrutement.
Vers une culture d’évaluation continue
L’évaluation n’est pas une sanction, mais un dialogue. En formant les tuteurs à cette approche et en utilisant une grille partagée, le DRH ancre dans l’entreprise une culture d’apprentissage et de progression.
Le stage devient ainsi une école du feedback, autant pour le stagiaire que pour le manager. Le PFE cesse d’être une formalité administrative pour devenir un levier stratégique de détection et de fidélisation des talents.
Car évaluer, ce n’est pas juger ce que le stagiaire a fait ; c’est mesurer ce qu’il peut devenir.







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