Les tests psychologiques MBTI, que font passer certaines entreprises à leurs salariés, en déroutent plus d’un. Et même plus de cinq cent millions. Sur le seul site 16personalities.com (et ce n’est ni le site officiel MBTI ni le seul à proposer gratuitement un test MBTI), on peut voir un nombre quasiment effroyable de tests passés jusqu’à présent : plus de 650 millions, c’est-à-dire environ un dixième de la population mondiale. Mentent-ils ? Le test est-il passé plusieurs fois et très périodiquement par la même personne ? Ces questions sont certes intéressantes mais il suffit de faire quelques recherches sur les moteurs de recherches pour voir que les personnalités MBTI déchaînent les passions. On peut trouver des milliers de forums de discussion traitant de la moindre question possible au sujet des personnalités (par exemple quel est le MBTI de Tintin ou de Scherlock Holmes ? ou encore un ISFJ et un ENTP sont-ils compatibles ?). On peut aussi y trouver un nombre infini de mêmes et de vidéos pour une personnalité ou un sujet particulier. Mais ce que l’on voit surtout, c’est que c’est devenu une sorte de science, quelque chose d’à peu près mathématique, et que des milliers d’internautes (hors les internautes novices) en débattent –et donnent des leçons- comme s’ils étaient des maîtres du domaine, avec une logique quasi-scientifique, une logique de celles qui désespéraient Socrate. Ce n’est donc plus seulement un grand intérêt dont on parle : les tests MBTI inspirent la fascination. Pourquoi cet attrait ? Et quel est l’intérêt de test MBTI pour les entreprises ?
Il était une fois…
Tout commence avec les travaux du célèbre psychiatre Carl Jung quand, en 1921, ce dernier dévoile au monde la théorie des « types psychologiques ». Selon cette théorie, il est possible de regrouper les êtres humains en catégories précises, en fonction des constantes de leur caractère.
C’est sur la base de cette théorie que deux dames, mère et fille, en l’occurrence et respectivement Katherine Cook Briggs et Isabel Briggs Myers, créèrent 23 ans après le test MBTI (Myers Briggs Type Indicator). Puisqu’on parle de tests psychologiques, on serait certes en droit de se demander pourquoi ne pas l’avoir plutôt nommé « Cook Briggs Type Indicator ». Ou alors « Cook Myers Briggs TI ». Sagesse maternelle ou caprice de la fille ? Ou alors… rien ne fait donc référence à la mère ?! Passons (et désolé, réflexe d’INTP)…
Bref le Myers Briggs Type Indicator était né et il proposait de définir la catégorie de personnalité d’une personne sur la base de ses réponses à un questionnaire. Quelques dizaines de questions pour définir pour ainsi dire ce que vous êtes, hors identité et expérience de la vie. Un jugement… Et un jugement que même ceux qui détestent être jugés apprécient et défendent. Ça, il faut le faire ! « Ne me juge pas !», est peut-être l’une des phrases qui ont été le plus prononcées depuis l’aube de l’humanité.
Sur quelle formule repose ce fameux MBTI ?
C’est une formule toute simple qui oriente l’individu vers quatre grands axes qui, réunis, définissent son type de personnalité. Ces quatre axes sont :
Energie : ainsi, l’interviewé peut soit être extraverti (E), soit introverti (I). L’extraverti bien entendu aime bien tout ce qui est social, pour se ressourcer, et l’introverti a une tendance à aimer être seul dans le même objectif.
Recueil d’information : ici nous avons les célèbres (S) et (N), exprimant la sensation (S) et l’intuition (N). Le premier privilégierait le sens, le réel, quant au second il serait orienté abstrait et théorique.
Décision : et c’est là que n’importe quel patron se frotterait les mains. La fameuse décision, sur quoi repose-t-elle ? Sur la pensée (T) ou sur le sentiment (F) ? Les T se basent sur l’analyse rationnelle et objective, quant aux F ce serait plutôt sur les émotions et les valeurs. On serait presque tentés de demander aux puissances nucléaires d’éloigner les (F) des boutons rouges, non ?
Et puis nous avons finalement le Mode d’action : selon ce critère, il y a des personnes privilégiant le jugement (J) et étant ainsi orientées vers l’ordre et le contrôle, et le reste du monde, les (P), pour perception, seraient plus spontanés et ouverts au changement.
Le monde des humains serait ainsi divisé ?
C’est un autre sujet qui fera l’objet d’un autre article mais on peut déjà dire que ces choses ne sont pas absolues (que des P ou des J, divisant le monde en deux selon le critère du Mode d’action, ce serait trop tiré par les cheveux). D’ailleurs les réponses des tests offrent des pourcentages. Par exemple 35% Jugement et 65 Perception. Certes, la prédominance est au (P), mais le (J) n’est visiblement pas absent et est même très présent. Et d’ailleurs un 20% de Jugement et 80% de Perception serait également reconnu comme (P), et même plus que l’autre. Mais la différence entre les deux exemples reste visible, extrêmement. On peut donc définir ces lettres qui semblent vouloir nous emprisonner dans un cadre, comme étant simplement une sorte de zone de confort ou d’orientation principale, tout en restant soi-même, à différents degrés, aptes à passer à l’autre camp, sur ce sujet-ci ou celui-là.
Et au boulot, à quoi ça sert ?
A quoi ça ne sert pas, devriez-vous vous demander ! Ça sert quasiment à tout de savoir à quel type de personnalité appartient le collaborateur X ou Y (si toutefois il a répondu sincèrement. On imagine mal quelqu’un répondant « Non » à la question « Appréciez-vous le travail en équipe ? », si le test est fourni par l’entreprise). Mais si les résultats sont corrects, ils peuvent aider côté recrutement et même orientation professionnelle (un commercial introverti, ce n’est pas un peu bizarre ?), ils sont aussi utiles à bien des égards question QVT (et même beaucoup, surtout quand on veut organiser –un introverti dirait « imposer »- des fiestas) ou dans le choix entre travail en hybride ou en présentiel, en négociation de salaire, en matière de promotion, dans le dispatching des tâches (ou à qui donner plus de boulot)… Cela sert à tout, et il suffit de réfléchir pour trouver les énormes potentialités de pareils tests. Ce que nous… ce que nous déconseillons fortement de faire !
Quel est l’intérêt de test MBTI pour les entreprises ?
Nous avons déjà répondu à cette question. Les réponses dépendront de l’entreprise. Une entreprise désirant des créatifs aura des réponses de créatifs, et une entreprise désirant des gens sociables n’aura que des réponses de gens sociables, etc. Parole d’INTP : impossible de s’y fier ! Sauf si on a affaire à des nunuches, qui ne savent pas ce que pourrait en faire le patron et qui prennent ça pour un jeu de société…
Nous déconseillons, très fortement, de s’y fier ! Un test MBTI en entreprise c’est un appel aux caméléons… Et si cela ne suffit pas pour vous décourager, utilisons un autre mot plus parlant : ségrégation !
Que faire alors ?
Demandez plutôt aux collaborateurs de faire le test eux-mêmes pour se définir eux-mêmes et prenez en considération la simple existence de ces 16 personnalités dans vos choix d’entreprise, notamment –et seulement- ceux concernant la QVT. Inutile de savoir qui est quoi quand on sait qu’il y a 16 types de personnalités voyant le monde différemment et ayant donc des préférences différentes. Et puis, s’il y a des personnes qui sont assez stupides (comme moi) pour révéler leur MBTI à tout le monde, c’est leur droit. Elles assument !
Attention ! Nous ne vous demandons pas de ne pas passer ce test à vos collaborateurs, au contraire, faites-le, cela leur fera grandement plaisir de voir qu’on s’intéresse à eux. Mais ne vous basez pas sur ces tests pour de quelconques décisions les affectant, et privilégiez les tests anonymes ou de groupe : par exemple l’entreprise est constituée de XX% d’ISFJ, de XX% d’ENTP… Mais pas de triche ! Si vous optez pour ce genre de tests, anonymes ou de groupe, informez-en vos collaborateurs. Là, vous aurez probablement des réponses presque vraies (ou plutôt presque sincères, et encore pas totalement). Cela est le résumé et –la morale- de cet article.