Les premières alertes sont tombées dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 juin 2025. Peu après minuit, le site Maroc Hebdo publiait un article annonçant le licenciement d’Imane Belmaati pour « objectifs non atteints ». Moins de dix heures plus tard, Hespress confirmait la nouvelle, avançant que la directrice générale de l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC) avait été remerciée 14 mois après sa nomination officielle par le Conseil de gouvernement.
Au fil de la matinée, d’autres supports comme Médias24 et LeNew.ma relayaient l’information, évoquant cette fois un limogeage motivé par des retards dans la mise en œuvre de la feuille de route stratégique de l’ANAPEC. Les articles, publiés à quelques heures d’intervalle, présentaient un contenu convergent et des formulations proches, laissant apparaître un possible effort de synchronisation.
Une diffusion médiatique visiblement orchestrée
L’enchaînement rapide de ces publications, toutes datées du 21 juin, interpelle. D’autant qu’à aucun moment, ni le ministère de tutelle ni le secrétariat général du gouvernement n’ont validé ou commenté ces informations. Le Conseil de gouvernement, qui s’est pourtant réuni le même jour, ne mentionne aucune décision relative à la direction générale de l’ANAPEC dans son communiqué officiel [source : cg.gov.ma].
Cette absence de confirmation jette le doute sur la véracité des faits rapportés et suggère une fuite organisée. Ce type de scénario n’est pas inédit dans le paysage institutionnel marocain. La multiplication de fuites ciblées et de rumeurs coordonnées constitue parfois une forme de pression politique, voire un ballon d’essai pour tester la réaction de l’opinion publique avant toute décision formelle.
Nomination et révocation : un cadre juridique strict
En tant qu’établissement public administratif, l’ANAPEC est régie par la loi 51-99 et placée sous la tutelle de l’État. La désignation ou le retrait de son directeur général ne relèvent pas d’un simple arbitrage ministériel. Seul le Conseil de gouvernement, sur proposition du ministère de l’Inclusion économique, peut valider une telle décision.
Imane Belmaati avait été nommée le 25 avril 2024 par décret. Sa prise de fonction marquait alors une volonté de refondation stratégique de l’agence, dans un contexte de forte pression sur les politiques d’emploi et de qualification. À ce stade, et en l’absence de toute communication officielle, son statut administratif n’a pas changé.
Ce formalisme n’est pas accessoire : il constitue une garantie de stabilité pour les dirigeants des établissements publics et un garde-fou contre les décisions arbitraires.
Antécédent : le cas Abdelmounaim Madani en 2021
Le cas Madani en 2021 illustre le chemin réglementaire attendu. Le départ de l’ancien directeur général avait été acté par décret et communiqué dans les formes requises par les autorités. L’opinion publique et les parties prenantes avaient alors été informées sans ambiguïté, évitant les spéculations.
Ce précédent rappelle qu’une révocation ne peut être considérée comme effective tant qu’elle n’a pas été entérinée par un acte formel du Conseil de gouvernement.
Derrière la rumeur, quels enjeux ?
La stratégie de fuite pourrait répondre à plusieurs objectifs. Première hypothèse : créer un climat d’instabilité interne et médiatique pour fragiliser la direction actuelle. Seconde lecture : alimenter une dynamique de pression politique en interne, dans un contexte où l’ANAPEC est au cœur de plusieurs réformes sensibles, notamment la généralisation du service public de l’emploi et les projets de digitalisation.
Autre scénario possible : un test médiatique destiné à évaluer les réactions avant une éventuelle décision officielle. Ces pratiques, bien qu’informelles, existent dans l’arène institutionnelle, où l’influence se joue aussi dans les perceptions publiques et les chroniques de presse.
Le traitement réservé à cette affaire invite à une vigilance redoublée de la part des professionnels des ressources humaines, des acteurs publics et des observateurs du secteur. Toute information concernant la gouvernance d’un établissement stratégique comme l’ANAPEC doit être examinée à l’aune de documents officiels et d’annonces validées par les canaux institutionnels.
En attendant une prise de position claire de la part du ministère de tutelle ou du secrétariat général du gouvernement, la prudence reste de mise. La stabilité des directions exécutives est un pilier de la conduite des politiques publiques, notamment en matière d’emploi, où l’action de l’ANAPEC impacte directement les trajectoires de centaines de milliers de chercheurs d’emploi et d’entreprises.