Le 25 juin 2025, le Maroc a franchi une étape majeure de sa stratégie industrielle et énergétique avec l’inauguration de COBCO à Jorf Lasfar. Fruit d’un partenariat entre le fonds d’investissement Al Mada et le groupe chinois CNGR Advanced Materials, cette gigafactory — la première en Afrique — vise une capacité annuelle de 70 GWh de matériaux pour batteries lithium-ion, soit de quoi alimenter un million de véhicules électriques par an. Le projet, étendu sur 230 hectares au sein du complexe chimique de l’OCP, représente un investissement de 20 milliards de dirhams. Il bénéficie d’une localisation stratégique : accès au port en eaux profondes de Jorf Lasfar, proximité des ressources naturelles marocaines (phosphate, cobalt, manganèse), et raccordement prévu à une alimentation électrique 100 % renouvelable dès 2026.
COBCO ne se contente pas de produire : elle innove. Une unité de recyclage des batteries usagées a été intégrée, afin de valoriser la « black mass », matière précieuse issue des composants récupérés. En anticipant les exigences ESG, notamment la taxe carbone européenne, COBCO positionne le Maroc dans la chaîne de valeur globale de la mobilité électrique. Ce projet, emblématique de la nouvelle politique industrielle du Royaume, illustre également sa capacité à attirer des investissements étrangers stratégiques tout en misant sur le développement local. Il ne s’agit pas uniquement de production, mais de création d’un écosystème compétitif, vert, et résolument tourné vers l’avenir énergétique mondial. Pour les DRH, cette usine ouvre de nouveaux terrains d’intervention : recrutement, gestion des compétences techniques, ancrage territorial et culture industrielle durable.
Une reconfiguration des métiers industriels : montée en compétences, nouveaux profils, enjeux RH
La mise en œuvre de COBCO transforme en profondeur le paysage de l’emploi industriel au Maroc. Déjà, plus de 5 000 personnes ont été mobilisées sur le chantier de construction. À pleine capacité, la gigafactory devrait générer 1 800 emplois directs qualifiés, auxquels s’ajouteront près de 1 800 emplois indirects. Cette dynamique n’est pas uniquement quantitative : elle est surtout qualitative. Les métiers sollicités par COBCO n’existaient que marginalement sur le marché local. Aujourd’hui, l’entreprise recrute des ingénieurs procédés, techniciens en chimie des matériaux, spécialistes en procurement, responsables logistique, experts qualité et environnement, ou encore techniciens de maintenance. Une trentaine de postes sont déjà ouverts à Jorf Lasfar et à Casablanca.
Face à ces nouveaux besoins, COBCO a noué des partenariats avec plusieurs universités marocaines, écoles d’ingénieurs et centres de formation continue. Objectif : bâtir une ingénierie de formation capable de répondre à la complexité des procédés, à la rigueur des normes environnementales, et à l’automatisation des systèmes industriels. Ce modèle de co-développement des compétences pourrait devenir une référence pour d’autres projets industriels au Maroc. Les DRH doivent désormais intégrer cette réalité : les cycles d’adéquation entre formation et emploi s’accélèrent. Ils doivent également anticiper la mobilité intersectorielle, car de nombreux collaborateurs formés chez COBCO auront des opportunités dans d’autres industries émergentes.
Le défi est aussi managérial. L’environnement hautement technologique impose une exigence forte en matière de sécurité, d’agilité opérationnelle et de culture d’amélioration continue. Il s’agit d’attirer des talents capables d’apprendre vite, de collaborer avec des experts internationaux, tout en s’inscrivant dans une dynamique industrielle nationale. COBCO devient ainsi un terrain d’expérimentation RH, où l’innovation organisationnelle est aussi cruciale que l’innovation technologique.
Un levier d’inclusion territoriale et un marqueur pour les politiques RH nationales
COBCO ne transforme pas seulement une filière industrielle, elle reconfigure un territoire. Située à Jorf Lasfar, dans une région où les opportunités qualifiantes restaient limitées, cette gigafactory constitue un puissant levier de développement économique régional. L’accès à des emplois qualifiés, dans un environnement structuré et porteur, a un effet d’attractivité immédiat. Mais il impose aussi de structurer une politique RH inclusive : attirer, intégrer, former, fidéliser dans des bassins d’emploi moins préparés à une industrialisation avancée.
À ce titre, la collaboration entre COBCO, les collectivités locales, les centres de formation régionaux et les établissements universitaires prend une dimension stratégique. Il s’agit d’assurer une montée en compétence durable des jeunes talents, d’aligner les référentiels métiers sur les réalités industrielles, et de construire des passerelles entre le monde académique et les besoins concrets des entreprises. Pour les DRH, cette logique territoriale est appelée à s’amplifier avec la multiplication des projets similaires, comme la future gigafactory de Gotion High-Tech à Kénitra (17 000 emplois attendus).
L’enjeu est national : comment accompagner l’essor d’une industrie verte, compétitive, exportatrice, sans creuser les écarts de qualification ni créer de zones de tension sociale ? La réponse passe par une gouvernance RH partagée, une politique de formation continue ambitieuse, et une capacité à innover dans les parcours professionnels. COBCO cristallise ces défis. Elle incarne une nouvelle ère industrielle où les ressources humaines ne sont plus un simple levier de production, mais un pilier de la souveraineté industrielle, de la compétitivité durable et de l’inclusion sociale.
COBCO ouvre une voie nouvelle pour l’industrie marocaine, mais trace aussi un chemin exigeant pour les ressources humaines. La structuration des compétences, l’adaptation des métiers et la coopération avec les acteurs territoriaux deviennent des piliers indispensables pour réussir cette mutation. Pour les DRH, la gigafactory de Jorf Lasfar n’est pas seulement une usine : c’est un laboratoire d’apprentissage et d’innovation sociale. Les futurs projets industriels du Royaume exigeront la même capacité d’anticipation et de mobilisation RH. COBCO n’est pas une exception : c’est peut-être le premier jalon d’un mouvement qui va redéfinir durablement les priorités des directions des ressources humaines au Maroc.