Réuni les 18 et 19 juin 2025, Maroc Telecom a entériné un changement de gouvernance majeur. Le leader des télécoms au Maroc et en Afrique abandonne son organisation dualiste – jusque-là structurée autour d’un Conseil de Surveillance et d’un Directoire – au profit d’un modèle unifié. Ce choix institutionnel s’est traduit par la mise en place d’un Conseil d’Administration unique, avec la confirmation de Mohamed Benchaâboun au poste de Directeur Général.
Cette réforme s’inscrit dans une séquence plus large : celle de la prise de fonction de Mohamed Benchaâboun en mars 2025. L’ancien ministre et diplomate, reconnu pour sa vision stratégique et sa capacité à conduire des transformations complexes, est arrivé à la tête du groupe avec la volonté de moderniser ses structures de décision. Le changement de gouvernance, adopté trois mois après son arrivée, traduit une orientation claire vers plus d’agilité, de responsabilité et de cohérence dans le pilotage.
Ce basculement vers un modèle moniste, autorisé par le droit marocain des sociétés anonymes, rapproche Maroc Telecom des standards internationaux de gouvernance. Il vise à réduire les frictions entre entités de contrôle et d’exécution, tout en simplifiant les processus d’arbitrage dans un secteur soumis à des évolutions rapides. Le maintien des membres du précédent Conseil de Surveillance dans le nouveau Conseil d’Administration permet d’assurer la continuité institutionnelle, tout en évitant une rupture brutale. Toutefois, cette stabilité devra être contrebalancée, à moyen terme, par un renouvellement progressif des compétences, notamment autour des enjeux digitaux, réglementaires et ESG.
Leadership consolidé, agilité renforcée : un nouveau cadre de gouvernance au service de la transformation
La confirmation de Mohamed Benchaâboun comme Directeur Général incarne une volonté de clarification du leadership. En réunissant les responsabilités de pilotage stratégique et de supervision au sein d’un seul organe, Maroc Telecom renforce la fluidité de ses arbitrages et accélère le lien entre vision et exécution. Cette architecture permet également un dialogue plus direct entre les administrateurs et les dirigeants opérationnels, dans une logique de pilotage intégré.
Ce modèle favorise la réactivité face à des enjeux complexes, en alignant les décisions stratégiques sur les exigences du terrain. Il permet également une meilleure responsabilisation des instances de gouvernance, dans le suivi des performances, la gestion des risques et l’animation des transformations. En supprimant les zones grises entre Conseil de Surveillance et Directoire, l’entreprise gagne en lisibilité et en efficacité.
Au-delà de la structure, cette réforme appelle un changement de culture. Une gouvernance unifiée ne garantit pas automatiquement un fonctionnement performant : elle exige des mécanismes solides de contrôle, des comités spécialisés actifs, une évaluation régulière des administrateurs et une vigilance permanente sur l’éthique des décisions. Elle impose aussi une animation dynamique des débats stratégiques, capable d’anticiper les ruptures à venir plutôt que de simplement les commenter.
La composition du Conseil d’Administration jouera à ce titre un rôle clé. L’enjeu n’est pas seulement institutionnel, il est aussi générationnel et sectoriel. Face à l’évolution rapide des technologies, des réglementations et des attentes sociétales, Maroc Telecom devra s’entourer de profils diversifiés pour éclairer ses choix. Un Conseil d’Administration homogène, même expérimenté, risque à terme de limiter la capacité d’innovation dans la gouvernance.
Cap sur l’Afrique, 5G, innovation : les nouveaux défis à gouverner
Cette évolution organisationnelle intervient alors que Maroc Telecom affronte plusieurs défis simultanés d’envergure. Le déploiement de la 5G d’abord, qui nécessite des investissements massifs dans les infrastructures, une adaptation aux nouveaux usages et une maîtrise fine des réglementations. Ensuite, l’accélération de la digitalisation des services, qui suppose de transformer l’expérience client, de moderniser les systèmes d’information et de faire évoluer les métiers.
Parallèlement, le groupe poursuit son expansion sur le continent africain. Déjà présent dans onze pays, Maroc Telecom cherche à renforcer sa position sur des marchés à fort potentiel, mais aussi à risques multiples : instabilité politique, pression concurrentielle, hétérogénéité réglementaire. Dans ces environnements, le pilotage stratégique demande une capacité d’adaptation renforcée, une lecture fine des contextes locaux et une gouvernance capable de trancher rapidement.
La concurrence, enfin, s’intensifie. Elle ne vient plus seulement des opérateurs historiques, mais aussi des plateformes numériques (OTT) qui captent une part croissante de la valeur ajoutée. Pour résister à ces pressions et continuer à innover, Maroc Telecom ne peut se permettre une gouvernance lente ou segmentée. L’unification de ses instances décisionnelles répond à cet impératif de réactivité.
Mais cette réforme ne portera pleinement ses fruits que si elle s’accompagne d’un renouvellement des pratiques managériales, d’une ouverture à l’intelligence collective et d’un ancrage plus fort de la culture de responsabilité. Le nouveau cadre de gouvernance, s’il est bien mis en œuvre, peut devenir un levier stratégique pour piloter les transitions technologiques, humaines et territoriales qui s’annoncent. Il appartiendra désormais à l’équipe dirigeante de démontrer que cette transformation structurelle est aussi un projet de transformation culturelle.