Dans la majorité des grandes entreprises, le choix du tuteur se fait sur un critère unique : la compétence technique. Or, un bon expert n’est pas forcément un bon pédagogue. La génération Z, avide de feedback, de sens et de reconnaissance, attend une relation de mentorat plus que de hiérarchie. Pour transformer l’expérience PFE en levier d’engagement et de développement managérial, les DRH doivent créer une véritable « Académie des Tuteurs » : un programme interne de certification et d’accompagnement qui prépare les encadrants à coacher, guider et évaluer les talents de demain.
Le rôle du tuteur : bien plus qu’un accompagnateur administratif
Dans un programme PFE, le tuteur est la première figure d’autorité que rencontre le stagiaire. Il représente à la fois l’entreprise, la culture et la promesse faite par la marque employeur. Son rôle dépasse largement la supervision : il consiste à accueillir, former, accompagner et évaluer.
- Accueillir signifie préparer l’arrivée du stagiaire : anticiper le poste de travail, présenter l’équipe, expliquer la mission et clarifier les attentes. L’accueil conditionne la qualité de la relation.
- Former implique de transmettre les connaissances et les méthodes, mais aussi de favoriser la compréhension du « pourquoi » derrière les tâches.
- Accompagner, c’est soutenir la progression sans infantiliser : poser les bonnes questions, encourager l’autonomie, créer la confiance.
- Évaluer enfin, consiste à mesurer l’acquisition des compétences et à donner un feedback constructif, régulier et argumenté.
Un tuteur performant ne fait pas « faire », il fait grandir. C’est un formateur de terrain, un guide de culture et un coach d’intégration.
Pourquoi vos meilleurs experts sont souvent de mauvais tuteurs
Le réflexe le plus courant consiste à confier le tutorat aux collaborateurs les plus compétents techniquement. C’est une erreur fréquente, car l’expertise ne garantit pas la pédagogie. Un excellent ingénieur, data scientist ou marketeur peut exceller dans son domaine sans savoir expliquer, écouter ou adapter son discours à un jeune en formation.
Le tutorat exige des compétences spécifiques : patience, empathie, capacité à vulgariser, aptitude à formuler des feedbacks et sens de l’écoute. Ces qualités relèvent du savoir-être, pas du savoir-faire. Sans formation, un expert risque de reproduire des comportements hiérarchiques : donner des ordres, corriger sans expliquer, exiger sans accompagner.
Résultat : le stagiaire se démotive, l’expérience perd son sens, et le potentiel de fidélisation s’éteint. C’est tout le programme PFE qui s’en trouve affaibli.
Former les tuteurs n’est donc pas une option : c’est une condition de réussite stratégique.
Construire une « Académie des Tuteurs » : la nouvelle école du leadership
Les entreprises les plus avancées ont compris que le tutorat n’est pas un acte ponctuel, mais un parcours de développement. La mise en place d’une Académie des Tuteurs permet de structurer cette fonction autour de modules de formation certifiants, accessibles à tous les encadrants de stagiaires.
Module 1 : Le cadre légal et la charte interne
Ce premier module rappelle les obligations réglementaires liées au stage : convention, durée maximale, nature pédagogique des missions, droits et devoirs du tuteur. Il présente également la charte interne des stages, qui définit les standards de qualité et les valeurs d’accompagnement de l’entreprise.
Module 2 : Comprendre la Génération Z
Les jeunes stagiaires n’ont pas les mêmes codes ni les mêmes attentes que leurs aînés. Ils recherchent du sens, du feedback immédiat, un équilibre vie pro/perso, et des interactions horizontales. Ce module aide le tuteur à décoder leurs comportements : besoin d’autonomie, exigence de reconnaissance, sensibilité à l’authenticité. Comprendre la Gen Z, c’est savoir parler leur langage managérial.
Module 3 : Le coaching managérial
Ici, le tuteur apprend à passer d’un rôle d’expert à un rôle de coach. L’objectif : poser des questions plutôt que donner des réponses, accompagner les réflexions, encourager les initiatives. L’approche repose sur la méthode du questionnement socratique : « Que proposes-tu ? », « Qu’as-tu appris ? », « Comment ferais-tu différemment ? ». Cette posture favorise la responsabilisation du stagiaire et sa montée en compétence progressive.
Module 4 : L’art du feedback
Savoir donner un feedback est une compétence clé. Il ne s’agit ni de complimenter à vide, ni de critiquer frontalement. Le feedback efficace est précis, bienveillant et orienté solutions. Ce module enseigne les techniques structurées : la méthode « SBI » (Situation – Behavior – Impact) ou « Feed-forward » (centrée sur le futur). Il apprend aussi à évaluer les soft skills : communication, adaptabilité, collaboration.
Valoriser le rôle : faire du tutorat un tremplin managérial
Le tutorat ne doit pas être perçu comme une charge supplémentaire, mais comme un honneur et une étape dans le parcours professionnel. Le DRH peut valoriser ce rôle à travers plusieurs leviers :
- Reconnaissance formelle : mention du tutorat dans les évaluations annuelles et prise en compte dans les objectifs RH.
- Certification interne : délivrance d’un badge ou d’un diplôme « Tuteur certifié », valorisable dans le parcours managérial.
- Visibilité institutionnelle : témoignages dans les newsletters internes, participation aux comités de sélection des stagiaires, reconnaissance symbolique lors d’événements RH.
Cette reconnaissance transforme le tuteur en acteur du développement des talents. Elle positionne le tutorat comme un passage préparatoire à la fonction managériale. Former un stagiaire, c’est apprendre à diriger : planifier, déléguer, motiver, évaluer. C’est une expérience managériale à échelle réduite, mais aux effets concrets.
Le double bénéfice pour le DRH
Mettre en place une Académie des Tuteurs produit un impact mesurable à deux niveaux :
- Un ROI immédiat sur le programme PFE Un stagiaire bien encadré progresse plus vite, s’intègre mieux, et devient un ambassadeur de la marque employeur. Le taux de conversion en embauche augmente, le turnover post-recrutement diminue, et la réputation auprès des écoles partenaires s’améliore.
- Un vivier de futurs managers Le tutorat révèle des profils à haut potentiel managérial : ceux qui savent écouter, coacher et inspirer. Le DRH dispose ainsi d’un outil de détection des leaders de demain. Les collaborateurs qui réussissent dans le rôle de tuteur montrent souvent une maturité relationnelle supérieure, un sens de la pédagogie et une vision collective — autant de qualités essentielles au management moderne.
Former des tuteurs, identifier des leaders
Le tutorat est le premier test de leadership. Confier un stagiaire à un collaborateur, c’est lui donner une opportunité d’exercer le management à taille humaine : motiver, guider, corriger sans dominer.
Pour la génération Z, cette relation d’accompagnement représente la clé de voûte de l’expérience PFE. Pour l’entreprise, c’est un levier stratégique : un tuteur formé, c’est un manager en devenir.
Le DRH ne forme donc pas seulement des tuteurs. Il prépare sa prochaine génération de leaders — capables de transmettre, d’écouter et de faire grandir. Car dans l’entreprise de demain, la compétence la plus rare ne sera pas de savoir faire, mais de savoir faire apprendre.







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