Dévoiler l’importance des tests psychométriques n’est plus chose à faire, surtout quand, au sein des RH ou du management, l’aspect psychologique des collaborateurs ou futurs collaborateurs (ou des personnes qui auraient pu l’être) est pris en compte dans certaines décisions, comme le recrutement, le partage des tâches, les évolutions de collaborateur à manager, ou la gestion des performances. Car qu’est-ce qui remplace les tests psychologiques au sein d’une entreprise particulière, hors l’intuition ? Définitivement rien (c’est d’ailleurs assez effrayant). C’est donc soit tests psychologiques soit s’en remettre à l’intuition des RRH et des managers. Et cela fait se poser une question : que vaut donc l’intuition ? Pouvons-nous nous y fier ? Et nous tenterons d’y répondre dans cet article, en commençant par le commencement :
Déjà, il faut expliquer deux choses !
La première est que les décisions basées sur l’intuition procurent une certaine satisfaction, et même un certain sentiment de certitude qu’elles sont le bon choix. Quand on ne « sent » pas quelqu’un pour quelque chose de précis, rien ne semble pouvoir nous faire dévier de cette… conviction. On ne le sent pas, et puis c’est tout. Et nous voilà en train de défendre nos positions (et nos conseils) avec une ferveur sans pareille, seulement à cause d’un appui émotionnel, très certainement « douteux ». Car les émotions, la plupart du temps, sont loin de toute rationalité. Mais elles sont bien là, et elles influencent le jugement, de sorte que la certitude soit là, quasiment sans aucun fondement logique pour la soutenir. L’humain ne peut être jugé sur un moment (entretien) ni même sur le long terme, dans la même condition, financière, familiale ou de statut. Pour vulgariser la chose, un candidat peut avoir des problèmes familiaux ou avoir gagné au tiercé (ou à l’amour) la veille…, ou même ne pas être à l’aise la première fois et devenir énergique après une semaine, donc que vaut l’intuition dans le recrutement ? D’un autre côté, un salarié occupant un poste X peut être grincheux, jusqu’à ce qu’il occupe un poste X et devenir le plus aimable, le plus ouvert et le plus « ce qu’on veut » de tous. Et l’inverse est tout aussi possible. Ne voit-on pas un peu partout que les conditions changent les Hommes ? Ce sont des choses qu’on oublie… Que vaut donc l’intuition dans les changements de fonction ? Pas grand-chose, malheureusement.
La seconde chose est, étrangement, que la hiérarchie apprécie la plupart du temps plus les choix basés sur l’intuition, au lieu de ceux ayant pour fondation des « mesures » plus objectives, comme celles de tests psychométriques et des évaluations plus structurées. Certes, c’est peut-être une marque de confiance à l’égard du collaborateur décisionnaire ; mais ce ne peut être un gage d’efficience, surtout quand des méthodes plus précises existent. Cela ressemble d’ailleurs plus à un manque de foi à l’égard des process professionnels d’évaluation psychologiques qu’autre chose. D’où l’intérêt de ce dossier.
Failles psychologiques de l’intuition
C’est un beau sujet que celui-là, et nous tenterons au maximum de vulgariser : l’intuition est chose qui échappe, pourrait-on dire, à l’évaluation d’un individu précis. Elle est là, mais on ne peut que difficilement jauger son efficacité prédicatrice, et peut-être même pas du tout. Elle-même d’ailleurs procède d’un biais de supériorité fort critiquable. Les individus qui ont une confiance quasi-totale en leur intuition dévoilent, sans même s’en rendre compte, une tendance à se surestimer et à penser leur intelligence et leurs capacités comme étant au moins supérieures à la norme ; et le plus souvent ils se considèrent comme des génies. Et c’est le dévoilement qui est inconscient, pas la certitude de la supériorité. Cette dernière, pour cet individu, est indubitable. Nous avons donc un être qui se pense supérieur (peut-être a-t-il raison mais a-t-il le droit d’en être certain) s’autorisant à donner à l’intuition, au sujet de quelqu’un ou quelque chose, valeur de données, de vérités, dans la prédiction d’un contexte futur.
Pas si génial que ça, nous en conviendrons
Pourquoi ? Parce que l’intuition n’a rien de magique (bien que sa force de persuasion soit énorme). Elle est le reflet d’un banal processus psychologique du cerveau faisant appel à la mémoire (des paramètres ayant des similitudes –ou un caractère d’opposition- avec la situation présente, la situation nécessitant décision ou jugement), en vue d’une nouvelle décision ou d’un nouveau jugement, le tout parsemé –et peut-être même « bourré »- d’émotions réclamant engendrement de certitude totale ou partielle (« Je pense que… mais qui sait ? »).
Inutile d’être un génie pour voir ô combien cette chose, l’intuition, est si peu digne de confiance. Pour qu’elle ait un sens, l’expérience passée doit être parfaite, ou au moins suffisamment exhaustive. Et même là cette expérience sollicitée peut n’être basée, en partie ou en totalité, que sur l’intuition, c’est-à-dire une intuition faisant appel aux décisions provenant de l’intuition. Et il faut également, et surtout, que l’identification des données importantes dans une situation donnée soit optimale. Incompréhensible ? Vulgarisons : Quelqu’un qui remarque trois nuances n’en est pas un autre qui en remarque cent mille. Et même alors cette identification de données importantes doit être juste. L’identification doit être correcte, c’est-à-dire que si l’on prend quelqu’un ayant une intuition se basant sur « X est une mauvaise chose ! » il soit alors indubitable que X est réellement une mauvaise chose. Cela alors que l’on se base souvent sur le nœud de cravate (inconsciemment), ou des choses comme l’indécision (qui peut refléter non pas la peur de faire des choix mais le perfectionnisme, Saint Graal de bon nombre de métiers).
Alternative
Pour faire bref, compter sur l’intuition sans être un spécialiste (et même un coach ne saurait faire l’affaire) c’est compter sur rien du tout. Il faut de grandes qualifications pour parvenir à cerner à quel type de personnalité on a affaire. Engager un psychologue peut d’ailleurs sembler une assez bonne idée, mais il faut pour cela qu’il ait un temps suffisant (plusieurs sessions ou rencontres) avant de rendre un « verdict ». Un verdict concernant seulement et très généralement la personnalité, et les rapports que peut entretenir une personne avec son domaine professionnel, encore une fois très généralement. Cela car même un spécialiste aura sans doute du mal pour juger l’adéquation d’un profil avec un environnement de travail particulier ou une tâche précise. Alors pourquoi ne pas opter pour un bon test de personnalité et seulement là penser à se faire assister ou non par un spécialiste de la psychologie ? Ce ne sera jamais de l’argent jeté par les fenêtres, bien au contraire, car un collaborateur heureux dans son travail c’est comme un poisson dans l’eau, performance et fidélité seront au rendez-vous. Et, à l’opposé, un collaborateur malheureux dans son travail en est un hors de l’eau. Il ne peut que suffoquer, ce pauvre poisson… Et cette gravité des choses à elle seule dévoile le caractère insensé de l’intervention de l’intuition d’un non professionnel dans la sélection « psychologique » de qui pourrait ou devrait faire quoi dans une entreprise particulière.
Que vous dit votre intuition à présent, au sujet de l’intuition ? Ne ressemble-t-elle pas à des expériences passées de constatation de la naïveté des jugements des enfants. Comme cet enfant qui, pointant du doigt la lune, demanda : pourquoi ce ballon de foot ne retombe-t-il pas ? C’est beau, oui… Mais c’est faux !