Longtemps considérées comme l’apanage des directions RSE ou des investisseurs, les évaluations de durabilité s’invitent désormais au cœur des politiques RH. Elles influencent la manière dont les entreprises recrutent, forment, fidélisent et évaluent leurs collaborateurs. Cette évolution n’est pas seulement symbolique : elle traduit une mutation profonde du rôle stratégique de la fonction RH.
Selon une enquête de PwC publiée en 2023, 82 % des dirigeants d’entreprise dans le monde affirment que la durabilité est désormais un critère clé dans la planification RH. Ce chiffre monte à 91 % dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. Au Maroc, si l’intégration ESG en RH reste émergente, elle gagne du terrain dans les grands groupes bancaires, industriels et télécoms, notamment dans le cadre des notations extra-financières ou de l’accès à certains marchés internationaux.
Marque employeur : la durabilité comme facteur différenciant
L’un des impacts les plus visibles des évaluations de durabilité concerne l’attractivité RH. Pour les talents les plus recherchés – notamment les jeunes diplômés et les cadres mobiles – la réputation d’une entreprise sur les enjeux ESG devient un critère de décision.
Une étude mondiale de Deloitte (2023) indique que 70 % des millennials et 77 % de la génération Z privilégient des employeurs ayant des politiques environnementales et sociales claires. Ce chiffre reflète une tendance de fond : la quête de sens au travail ne se limite plus au contenu des missions, elle s’étend à la posture globale de l’entreprise sur les grands enjeux sociétaux.
Dans un marché du travail marocain marqué par la pénurie de profils qualifiés dans certains secteurs (ingénierie, IT, supply chain), les DRH qui investissent dans les politiques ESG se dotent d’un avantage concurrentiel fort pour attirer et retenir les meilleurs profils.
Former aux compétences vertes et éthiques : une urgence
Les critères ESG influencent aussi le contenu même des programmes de formation. Loin d’être anecdotiques, ces évolutions répondent à un double impératif : équiper les collaborateurs pour intégrer les pratiques durables au quotidien, et aligner les compétences internes avec les engagements stratégiques de l’entreprise.
Au niveau international, le Forum économique mondial estime que plus de 100 millions d’emplois “verts” devront être créés ou transformés d’ici 2030. Sur le continent africain, la transition énergétique, la gestion durable des ressources et les normes de conformité imposent déjà de nouvelles compétences aux fonctions RH, achats, production ou logistique.
Pour les DRH, cela implique de :
- Revoir les référentiels métiers et compétences.
- Déployer des formations sur les thématiques ESG (éthique, gestion de l’énergie, diversité, etc.).
- Évaluer l’impact de ces formations sur la performance individuelle et collective.
Diversité, équité, inclusion : des exigences désormais mesurées
Le pilier “Social” des évaluations ESG intègre des indicateurs précis sur la diversité et l’inclusion. Cela va bien au-delà de la simple parité homme-femme. Il s’agit désormais d’évaluer la représentation des minorités, l’égalité salariale réelle, l’accès équitable aux opportunités de carrière, et la prévention des discriminations.
De nombreuses grilles ESG (comme celles de MSCI ou Sustainalytics) incluent des scores spécifiques sur la gouvernance RH, la qualité du dialogue social, ou encore la sécurité au travail.
Au Maroc, plusieurs entreprises cotées intègrent déjà ces critères dans leur reporting extra-financier. C’est le cas notamment de groupes opérant dans les secteurs bancaire, minier et agro-industriel, qui font face à une pression accrue des investisseurs étrangers et des régulateurs internationaux.
Culture organisationnelle : passer de l’adhésion à l’alignement
Au-delà des indicateurs chiffrés, les évaluations de durabilité poussent les entreprises à aligner leurs pratiques internes sur leurs engagements déclarés. Ce que les experts appellent l’“ESG-washing” – l’écart entre le discours et les pratiques – est de plus en plus sanctionné par les agences de notation, les partenaires et même les candidats.
Pour les DRH, le défi est clair : créer une culture d’entreprise réellement cohérente avec les ambitions ESG. Cela suppose :
- Une gouvernance managériale exemplaire.
- Des dispositifs RH qui valorisent les comportements responsables.
- Une communication interne transparente et participative.
Ce changement culturel ne peut venir que de l’intérieur. Il repose sur l’exemplarité des dirigeants, mais aussi sur la capacitation des collaborateurs, à travers des objectifs clairs, des feedbacks réguliers, et une reconnaissance des initiatives alignées sur les objectifs de durabilité.
Alignement stratégique : intégrer les ESG aux indicateurs RH
Enfin, l’impact le plus structurant des évaluations de durabilité réside dans leur capacité à transformer les processus RH eux-mêmes. De plus en plus d’entreprises intègrent des indicateurs ESG dans les évaluations de performance, dans les systèmes de rémunération variable, ou encore dans les tableaux de bord RH.
Quelques exemples d’indicateurs ESG intégrés :
- Taux de féminisation des instances dirigeantes.
- Émissions de CO₂ par salarié.
- Pourcentage de salariés formés aux pratiques durables.
- Indice de bien-être au travail et taux de satisfaction.
Ce type d’alignement permet non seulement de mobiliser les collaborateurs autour d’objectifs partagés, mais aussi de renforcer la cohérence entre les fonctions RH, RSE et stratégie d’entreprise.
La durabilité impose une transformation de fond de la gestion des ressources humaines. Ce qui était autrefois perçu comme une responsabilité périphérique devient un axe central de performance. Pour les DRH marocains et africains, il ne s’agit plus simplement de cocher des cases, mais de faire des critères ESG un véritable levier d’action — au service de l’attractivité, de la performance et de la résilience organisationnelle.







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