Depuis plusieurs mois, des informations sur un projet d’implantation de Tesla au Maroc circulaient dans les milieux économiques. En avril 2025, plusieurs publications, dont L’Économiste et Walaw, évoquaient un investissement industriel d’envergure, sans qu’aucune confirmation officielle n’émanant du constructeur américain ne vienne appuyer ces affirmations. Des médias étrangers, comme Reuters, avaient alors relativisé ces annonces, allant jusqu’à les qualifier de spéculations ou de fausses nouvelles.
Mais la situation a évolué début juin. Le site Medias24 a révélé, documents à l’appui, la création d’une SARL au nom de “Tesla Morocco”, enregistrée à Casablanca. Ce développement confirme l’existence d’une entité juridique locale, étape préalable à la mise en œuvre du projet.
Une implantation programmée à Kénitra
Selon les informations publiées par L’Économiste, l’usine de production sera située dans la zone franche de Kénitra, sur un terrain de 300 hectares. Elle devrait produire le Model Y, ainsi qu’un modèle électrique compact à 25 000 dollars, destiné aux marchés émergents. Tesla envisage une capacité annuelle de 400 000 véhicules.
Les travaux de construction sont annoncés pour septembre 2025, avec une entrée en production prévue fin 2027. Les premières Tesla fabriquées au Maroc pourraient être disponibles à l’export en 2028. Ces éléments, relayés par plusieurs titres de la presse économique marocaine, viennent structurer un calendrier industriel sur trois ans.
Un positionnement géographique et logistique cohérent
Le choix du site de Kénitra s’inscrit dans une logique de continuité avec le développement de la filière automobile marocaine. Déjà dotée d’un tissu industriel structuré, la région bénéficie de la proximité du port Tanger Med, régulièrement classé parmi les plus performants au monde en termes de connectivité maritime.
La plateforme de Kénitra est également reliée aux grandes infrastructures autoroutières et ferroviaires du pays, ce qui facilite l’approvisionnement en pièces et la distribution vers les marchés cibles. Le Maroc exporte déjà près de 700 000 véhicules par an, principalement vers l’Europe. L’arrivée de Tesla pourrait renforcer cette orientation exportatrice, avec une composante technologique plus marquée.
25 000 emplois directs et indirects : un enjeu RH structurant
La construction et l’exploitation de l’usine devraient générer 25 000 emplois directs et indirects, selon les chiffres avancés par la presse spécialisée. Ces postes concerneront plusieurs niveaux de qualification, allant des métiers de la production à ceux de la logistique, de l’ingénierie à la maintenance, en passant par l’électronique embarquée, les batteries, ou encore les fonctions support.
Le défi pour les acteurs RH résidera dans l’adéquation entre les besoins de Tesla et les ressources locales disponibles. Les opérateurs de formation – IFMIA, OFPPT, écoles d’ingénieurs et universités – devront adapter leurs programmes à une production hautement automatisée, reposant sur des standards industriels avancés. La maîtrise des logiciels industriels, des systèmes électriques embarqués ou de l’intelligence artificielle appliquée à la conduite seront des compétences particulièrement sollicitées.
Une opportunité de montée en gamme pour l’écosystème local
La filière automobile marocaine est déjà la première industrie exportatrice du pays. Elle repose sur un maillage de sous-traitants locaux et internationaux, organisés autour de Renault à Tanger et Stellantis à Kénitra. L’arrivée de Tesla, dont le modèle industriel repose sur une forte intégration technologique, pourrait entraîner une transformation du tissu existant.
Les fournisseurs devront se conformer à des cahiers des charges exigeants en matière de traçabilité, de connectivité, de fiabilité électronique et de durabilité. Ce mouvement pourrait renforcer l’expertise nationale dans la fabrication de composants à haute valeur ajoutée : batteries, convertisseurs, capteurs, calculateurs, systèmes de recharge.
Certains fournisseurs internationaux de Tesla pourraient également être incités à s’implanter à proximité du site marocain, générant un second effet d’entraînement industriel.
Énergies renouvelables et stockage : une stratégie élargie
Outre la production automobile, la presse marocaine rapporte que Tesla ambitionne également de développer au Maroc des activités liées à l’énergie solaire et au stockage. Cette orientation serait portée par sa filiale Tesla Energy, spécialisée dans les batteries stationnaires et les solutions de gestion intelligente de l’électricité.
Ce positionnement est en phase avec les ambitions marocaines en matière de transition énergétique. Le pays s’est engagé dans un objectif de 52 % de part des énergies renouvelables dans le mix électrique d’ici 2030, et de nombreux projets (centrales solaires, hubs hydrogène, éolien offshore) sont en cours. L’expertise de Tesla en matière de stockage d’énergie pourrait venir compléter ces dispositifs.
Aucune information n’a encore été publiée concernant la localisation exacte ou l’envergure d’un éventuel projet Tesla Energy au Maroc, mais plusieurs sources indiquent que des discussions sont en cours à ce sujet.
Gouvernance du projet et coordination interinstitutionnelle
La réussite du projet repose désormais sur une exécution maîtrisée. La construction d’une usine de cette taille mobilisera de nombreuses parties prenantes : ministère de l’Industrie et du Commerce, agences d’investissement, collectivités locales, opérateurs logistiques, organismes de formation, services de l’État.
Il sera essentiel de coordonner les travaux d’infrastructure, l’accompagnement des sous-traitants, la sécurisation du foncier, l’extension des réseaux électriques, la mise à niveau des compétences, ainsi que l’appui au recrutement. La régularité du suivi, la stabilité réglementaire et la transparence des processus seront des éléments déterminants pour respecter le calendrier industriel annoncé.