La plupart des grandes entreprises marocaines, à l’image d’OCP ou d’Attijariwafa bank, concentrent leurs efforts de recrutement de stagiaires sur quelques établissements privés ou écoles d’ingénieurs réputées. Cette stratégie d’élitisme académique, efficace à court terme, crée une forme de reproduction sociale et appauvrit la diversité des talents. En élargissant leurs partenariats à des universités publiques, à l’ANAPEC et à des organismes régionaux, les DRH peuvent non seulement diversifier leurs viviers, mais aussi contribuer concrètement à la mobilité sociale et à la mixité.
Le constat : une relation école-entreprise encore trop exclusive
Le lien entre le monde universitaire et les entreprises reste fragile au Maroc. Plusieurs études le soulignent : la « relation université-monde socioéconomique » demeure rare, fragmentée et souvent déséquilibrée. Les grandes entreprises se tournent massivement vers un petit nombre d’écoles partenaires, souvent privées ou appartenant à des réseaux sélectifs.
Ce modèle de « partenariats d’élite », s’il garantit une certaine homogénéité de profils, exclut une large part des jeunes talents issus des universités publiques, des écoles régionales et des filières techniques. Il crée une pénurie artificielle, alors que des milliers d’étudiants compétents peinent à accéder à des stages simplement faute de réseaux ou de notoriété d’établissement.
Pour les entreprises, cette dépendance à un vivier restreint accroît le coût d’acquisition des stagiaires et limite la diversité des idées, des expériences et des origines sociales.
Le risque de la « pensée unique » : quand le recrutement en cercle fermé étouffe l’innovation
Recruter toujours les mêmes profils, issus des mêmes écoles et formés aux mêmes méthodes, conduit à un effet miroir : les collaborateurs se ressemblent, pensent de la même façon et reproduisent les mêmes schémas. Ce recrutement « clone » est l’un des freins majeurs à la créativité organisationnelle.
La diversité — qu’elle soit sociale, géographique, académique ou cognitive — est pourtant un levier d’innovation avéré. Des équipes hétérogènes produisent plus d’idées, anticipent mieux les besoins clients et résolvent les problèmes plus rapidement.
Pour un DRH, limiter les partenariats à quelques écoles revient à s’enfermer dans une bulle de conformité. Ouvrir le sourcing, au contraire, permet d’introduire de nouveaux points de vue, d’enrichir la culture d’entreprise et d’attirer des profils atypiques capables de questionner les habitudes.
Élargir le sourcing PFE : une stratégie gagnant-gagnant
Passer d’une logique de « chasse ciblée » à une logique d’écosystème ouvert nécessite une stratégie structurée. Les entreprises qui souhaitent diversifier leurs recrutements PFE peuvent s’appuyer sur trois leviers concrets :
- S’associer avec les acteurs publics et mixtes : L’ANAPEC, les académies régionales de formation, ou encore les centres de formation professionnelle offrent des viviers de talents méconnus. Ces institutions disposent de bases de données d’étudiants et de diplômés à fort potentiel, notamment dans les régions où la présence d’entreprises est encore limitée. En nouant des accords-cadres, les grandes entreprises peuvent sourcer directement ces profils, tout en soutenant la politique d’employabilité nationale.
- Bâtir des ponts avec les universités publiques : Les universités marocaines comme Mohammed V de Rabat, Hassan II de Casablanca ou Abdelmalek Essaâdi de Tétouan regroupent des dizaines de milliers d’étudiants qualifiés. Beaucoup peinent à trouver des stages faute de liens avec le monde économique. Les entreprises ont tout à gagner à y développer des partenariats formalisés : interventions en cours, participation à des jurys, création de clubs étudiants sponsorisés, ou mise en place de cellules « carrières ».
- Cibler les programmes favorisant la mixité et la D&I : Les entreprises peuvent s’inspirer d’initiatives comme la charte #JamaisSansElles adoptée par PwC, qui promeut la parité et la diversité dans les projets d’entreprise. Développer des programmes de stages spécifiques pour les femmes en STEM, les étudiants issus de régions enclavées ou les personnes à mobilité réduite (article 14) constitue un engagement fort et valorisant.
Cas pratique : co-construire un partenariat inclusif
Un partenariat efficace ne se limite pas à la signature d’une convention. Il se construit sur une logique de co-développement. Voici les principales étapes pour bâtir une collaboration durable entre une entreprise et un établissement :
- Diagnostic initial : identifier les filières sous-exposées et les besoins métiers de l’entreprise.
- Ateliers conjoints : co-créer des modules de formation adaptés, animés par des collaborateurs internes.
- Conférences et masterclass : inviter les managers à intervenir dans les écoles pour renforcer la visibilité et inspirer les étudiants.
- Chantiers d’application : transformer certains projets pédagogiques en missions PFE concrètes.
- Évaluation partagée : établir un retour d’expérience annuel sur les résultats du partenariat (taux d’embauche, satisfaction, progression des étudiants).
Cette approche collaborative crée une relation durable, fondée sur la confiance et l’impact mutuel.
Repenser la performance : la diversité comme levier stratégique
Le débat sur les partenariats académiques ne relève pas seulement de la responsabilité sociale : il touche à la performance même de l’entreprise. Une étude de McKinsey montre que les organisations les plus diversifiées affichent jusqu’à 30 % de performance supérieure à celles qui recrutent de manière homogène.
Dans le contexte marocain, l’élargissement du sourcing des PFE permet aussi de réduire la dépendance à un nombre limité d’écoles et d’accroître la résilience du modèle de recrutement. Plus les viviers sont variés, plus les entreprises gagnent en flexibilité et en créativité.
Inclusion sociale : un investissement à impact durable
Diversifier ses partenariats n’est pas un geste philanthropique, mais une stratégie d’investissement socialement rentable.
- À court terme, l’entreprise élargit son vivier de talents et réduit ses coûts de recrutement.
- À moyen terme, elle renforce sa marque employeur en incarnant une image d’équité et d’ouverture.
- À long terme, elle contribue à l’inclusion sociale en donnant une chance réelle à des jeunes issus de parcours moins favorisés.
Le PFE devient alors un outil d’équité : il rapproche l’entreprise de son environnement social et territorial tout en répondant aux attentes d’une génération qui veut travailler pour des organisations engagées.
De l’élitisme à la diversité : un changement de paradigme RH
La question n’est plus de savoir avec quelles écoles travailler, mais pour quelle société recruter. Les partenariats sélectifs assurent la continuité, mais freinent l’innovation et la mixité. Les stratégies inclusives demandent plus d’effort au départ, mais génèrent un capital social et humain bien plus durable.
Pour les DRH, le véritable enjeu n’est pas de collectionner des conventions, mais de construire un écosystème académique ouvert, représentatif de la jeunesse marocaine dans toute sa diversité.
C’est à ce prix que le PFE redeviendra ce qu’il devrait toujours être : un tremplin vers l’emploi, et non un privilège réservé à quelques-uns.







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