L’absentéisme ne baisse pas en France, il s’installe. En 2024, selon les données compilées par Mercer sur plus de 575 000 assurés, 31 % des salariés français ont été absents au moins une fois dans l’année. La durée moyenne d’un arrêt de travail a progressé pour atteindre 19 jours (contre 18 jours en 2023), confirmant une tendance de fond : celle d’une organisation du travail fragilisée par des facteurs multiples, allant des troubles musculosquelettiques à l’explosion des risques psychosociaux. Le taux d’absentéisme s’établit à 5,8 %, contre 5,3 % un an plus tôt.
Derrière ces données, ce sont autant de journées de travail perdues, de désorganisations internes, de coûts invisibles et d’enjeux de santé publique que les DRH doivent désormais anticiper. En France, ce baromètre constitue un outil de pilotage incontournable. En revanche, le Maroc ne dispose aujourd’hui d’aucune étude équivalente, ni sectorielle ni nationale, laissant les décideurs RH sans repères consolidés pour élaborer des politiques de prévention adaptées.
Santé mentale, vieillissement, précarité : des causes qui s’additionnent
Les chiffres français permettent de documenter des dynamiques fines, souvent invisibles dans les tableaux de bord classiques. Les arrêts courts de moins de 6 jours, souvent liés à la maladie ordinaire ou à une désorganisation ponctuelle, représentent la moitié des absences. Mais ce sont les arrêts longs de plus de 15 jours – dus aux maladies chroniques, aux troubles musculosquelettiques (TMS) ou à des affections mentales – qui progressent le plus (+6 % en un an), au point d’en représenter près de 30 %.
Le baromètre distingue aussi l’origine des arrêts : 73 % sont liés à la maladie, 14 % à la maternité ou paternité, 13 % aux accidents du travail ou maladies professionnelles. Sur ce dernier segment, la hausse est marquée (0,8 % contre 0,6 % en 2023), confirmant une recrudescence des risques professionnels dans certains environnements.
Mais la donnée la plus significative de l’étude reste l’ancrage durable de la santé mentale comme cause majeure d’absentéisme. En France, 2025 a été déclarée “Grande cause nationale” de la santé mentale. Selon Mercer, les arrêts intermédiaires de 6 à 15 jours, souvent corrélés à des épisodes dépressifs ou anxieux, sont répartis uniformément sur toutes les tranches d’âge. Ce signal met en évidence un phénomène transgénérationnel, qui dépasse la simple lecture par catégorie professionnelle.
Les femmes, les seniors et les non-cadres plus exposés
En analysant les données par sexe, l’étude révèle un écart préoccupant : le taux d’absentéisme des femmes atteint 7,9 % en 2024 contre 4,4 % pour les hommes. Cette surreprésentation s’explique à la fois par la fréquence plus élevée des arrêts et par leur durée plus longue. La parentalité joue un rôle, mais elle n’est pas seule en cause. Même hors congés maternité/paternité, les femmes restent plus exposées aux arrêts longs, notamment dans les métiers du soin et des services à la personne.
L’âge est un autre facteur aggravant. Le taux d’absentéisme grimpe à 7,4 % chez les salariés de plus de 55 ans. Les arrêts y sont plus longs (jusqu’à 36 jours en moyenne chez les femmes seniors), en lien avec des pathologies chroniques, un état de santé général plus fragile ou des responsabilités d’aidants familiaux. L’étude rappelle qu’à 60 ans, une personne sur quatre soutient un proche dépendant – un facteur souvent ignoré dans les politiques RH.
Enfin, la distinction cadres / non-cadres est déterminante. Le taux d’absentéisme des non-cadres est systématiquement supérieur, quel que soit le secteur. Dans les centres d’appels, il dépasse 12 %. Les non-cadres cumulent davantage d’arrêts, même si les cadres, lorsqu’ils s’absentent, le font pour une durée plus longue. Cette fracture pose la question des conditions de travail, de l’autonomie, et du rapport à la santé dans les métiers dits d’exécution.
En croisant ces données avec le secteur d’activité, Mercer dresse une cartographie précise des zones de tension. Les services à la personne affichent le taux d’absentéisme le plus élevé (10,7 %), suivis des centres d’appel (9,8 %) et des métiers du nettoyage/sécurité. Ces domaines concentrent souvent des emplois peu qualifiés, à forte pénibilité physique ou émotionnelle, avec peu de marge de manœuvre pour l’employé.
À l’inverse, les sociétés d’ingénierie informatique (Syntec, SSII) ou le secteur banque/assurance sont moins touchés, avec des taux autour de 3,6 % à 4,1 %. Les écarts se creusent encore lorsqu’on distingue les collèges : dans tous les secteurs, les non-cadres ont un taux d’absentéisme de 2 à 3 fois supérieur à celui des cadres. L’étude recommande une approche différenciée, intégrant la réalité de chaque métier dans les politiques de santé au travail.
Et au Maroc ? L’urgence d’un outil de mesure structurant
Aujourd’hui, aucun équivalent du baromètre Mercer n’existe au Maroc. Les entreprises les mieux structurées disposent certes de leurs propres indicateurs internes, mais aucune consolidation nationale ou sectorielle n’est disponible. Le Code du Travail marocain encadre les arrêts maladie (article 32 et suivants), mais sans données exhaustives centralisées, il est impossible d’identifier les causes profondes, les métiers les plus exposés ou les disparités de genre et d’âge.
Cette lacune prive les DRH marocains d’un outil de pilotage stratégique. Comment bâtir une politique de prévention sans savoir si l’absentéisme est lié à des troubles physiques, à des conditions de travail ou à des facteurs psychologiques ? Comment convaincre les directions générales d’investir dans la qualité de vie au travail (QVT) sans indicateurs tangibles ?
Dans un contexte où le vieillissement de la population active, la féminisation du travail, la montée des risques psychosociaux et la quête d’équilibre vie pro/perso sont autant de réalités partagées avec la France, mettre en place un baromètre national de l’absentéisme au Maroc devient une nécessité. Il permettrait aux DRH de comparer, de contextualiser, d’agir – et de convaincre.
Plus qu’un tableau de bord, le baromètre Mercer est devenu un levier de mobilisation pour les entreprises françaises. Il documente les effets concrets des transformations sociétales sur le monde du travail. Il alimente les politiques publiques, les stratégies RH, les programmes de prévention. Il objectivise ce que les DRH perçoivent au quotidien.
Le Maroc dispose aujourd’hui des outils pour bâtir une démarche similaire : la DSN marocaine est en développement, l’AMO couvre une large partie des actifs, la CNSS dispose de données exploitables, et de nombreuses entreprises partenaires (OFPPT, ANAPEC, mutuelles, assureurs) peuvent être mobilisées. À l’heure où les directions RH marocaines investissent dans la marque employeur, la santé mentale et la QVT, la production régulière d’un baromètre national de l’absentéisme serait un marqueur de maturité stratégique.
Consultez l’étude complète ci-après :
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