Les entreprises marocaines font aujourd’hui face à un environnement de plus en plus complexe, où les équilibres sont fragiles et les rapports de force mouvants. Dans ce contexte, la négociation devient une compétence stratégique, omniprésente dans toutes les strates de l’organisation : achats, ressources humaines, commerce, finance, ou encore gestion des conflits. Pourtant, cette fonction reste souvent mal structurée et peu professionnalisée. Une question se pose alors : et si l’heure était venue pour les entreprises marocaines de nommer un Chief Negotiation Officer (CNO) ?
La négociation : une compétence vitale, mais encore sous-estimée
Dans les entreprises, le temps passé à négocier est considérable. Que ce soit pour fixer les termes d’un contrat, résoudre un désaccord social ou préparer une fusion, les managers sont en première ligne. Or, ces négociations sont de plus en plus qualifiées de « complexes » par ceux qui les mènent. À cela s’ajoute un paradoxe : si la négociation est pratiquée quotidiennement, rares sont ceux qui y ont été véritablement formés. Ce manque de structuration freine l’efficacité et expose les entreprises à des erreurs coûteuses.
Au Maroc, ce constat est d’autant plus marqué que la culture managériale reste très hiérarchique. La préparation des négociations repose souvent sur quelques cadres expérimentés ou sur l’intuition, sans réelle méthode partagée. La transversalité, pourtant essentielle à toute bonne négociation, est difficile à mettre en œuvre. Dès lors, pourquoi ne pas envisager la création d’un poste dédié à cette mission : celui de Chief Negotiation Officer ?
Le CNO : un profil stratégique au service de toutes les directions
Le CNO serait un professionnel interne formé aux meilleures méthodes de négociation, capable de conseiller, de structurer et de professionnaliser les pratiques de l’ensemble des départements. À la croisée des RH, de la stratégie, des achats et du juridique, il agirait comme un chef d’orchestre des négociations à fort enjeu, en gardant la tête froide et un recul indispensable.
Dans un environnement économique marocain marqué par la montée en puissance des relations contractuelles, la réforme du dialogue social et la pression sur les marges, ce profil prend tout son sens. Plutôt que de faire appel à des cabinets de conseil externes — souvent coûteux et peu au fait des réalités internes — un CNO connaît les rouages de l’entreprise, ses circuits de décision et ses points de tension.
Des bénéfices multiples pour l’organisation
Disposer d’un Chief Negotiation Officer, c’est avant tout professionnaliser une fonction jusque-là dispersée. Le CNO apporte une méthodologie éprouvée, des outils opérationnels, et une approche neutre. Son rôle ne serait pas de prendre la main sur les dossiers, mais d’accompagner les équipes, de structurer la préparation, et de garantir la cohérence des positions défendues.
Son positionnement transversal est aussi un atout. Il peut détecter des convergences, éviter les doublons, capitaliser sur les expériences passées, et construire une culture commune de la négociation au sein de l’entreprise. Ce rôle de catalyseur est d’autant plus crucial dans les groupes marocains multisites ou pluridisciplinaires, où la coordination fait souvent défaut.
Une opportunité pour les DRH marocains
Pour les directions des ressources humaines, le CNO représente une opportunité stratégique. Les DRH sont déjà au cœur des négociations sociales et savent à quel point les tensions peuvent dégénérer si elles sont mal encadrées. En intégrant un CNO dans leur équipe, elles gagneraient en sérénité, en efficacité, et en anticipation. De plus, elles pourraient initier un véritable centre d’excellence en négociation, où les managers seraient formés, accompagnés et outillés.
Face à la montée des enjeux sociaux, à la complexité des nouvelles formes de travail et à la nécessité de concilier performance économique et climat interne apaisé, la négociation ne peut plus être improvisée. Il est temps d’en faire une compétence stratégique pilotée avec la même rigueur qu’un plan commercial ou un budget RH.
Le Maroc peut prendre de l’avance
Peu d’entreprises à l’échelle mondiale ont encore structuré cette fonction, ce qui laisse une marge de manœuvre intéressante pour les groupes marocains désireux d’innover. Dans un pays où l’agilité managériale devient une nécessité, miser sur un CNO serait un signal fort de modernité et d’efficacité. Un pari audacieux, certes, mais qui pourrait bien s’avérer payant.