– Beaucoup d’entreprises, notamment des grands groupes, ont mis en place des programmes ou des parcours sur mesure d’upskilling et de reskilling. S’agit-il d’un virage forcé dû à la crise sanitaire ou d’une démarche volontaire des entreprises ?
– Il est plus qu’évident que la crise sanitaire a accouché d’une crise économique et que cette dernière a donné naissance à des déformations structurelles au niveau de plusieurs secteurs d’activités. Ces transformations impactent les entreprises, leurs tailles, positionnement, besoins en effectifs, orientations stratégiques, business model, procédures et flux internes, pour ne citer que certains aspects.
De telles transformations nécessitent un remodelage des besoins en ressources humaines (entre autres) et une réadaptation de son capital humain.
Le reskilling porte sur la requalification d’un collaborateur pour apprendre un nouveau métier ou carrément une nouvelle fonction. Par exemple, une entreprise peut se retrouver avec un sureffectif concernant la population des techniciens alors qu’elle a besoin de plus de commerciaux afin de booster ses ventes. Ainsi, l’entreprise peut inviter les techniciens à considérer la possibilité de se reconvertir en technico-commerciaux. Ce virage professionnel illustre un type de reskilling. Ce dernier peut également émaner d’une pure volonté du collaborateur qui souhaite explorer d’autres cieux de métiers tout en restant au sein de son entreprise.
L’upskilling quant à lui opère dans la verticalité du métier. Le collaborateur ne change pas de métier ni de fonction forcément. Il change son niveau de maîtrise via le développement de ses compétences (déjà existantes) ou bien via l’acquisition de nouvelles compétences en cohérence avec son métier vu les évolutions des exigences du poste (technologiques ou autres) dans le contexte de son entreprise ou bien dans le contexte global.
Qu’il s’agisse de reskilling ou bien d’upskilling, l’entreprise doit initier des programmes et/ou parcours de formation et de (re)qualification.
La crise sanitaire n’est qu’un facteur parmi d’autres qui induisent de tels besoins et programmes vu les vagues de changement qu’elle déclenche naturellement.
– Peut-on parler de véritable révolution dans la façon de penser la formation en entreprise ?
– Il ne s’agit pas d’une révolution mais plutôt d’une ré-évolution. Le re-skilling comme l’upskilling existe depuis plusieurs décennies. Ceci dit, nous constatons leur structuration sous la forme de programmes ou bien des parcours liés à la gestion de carrières (ou les plans de succession) ou bien liés aux business contnuity plans.
L’upskilling comme le re-skilling sont des mesures adaptatives qui essayent de réajuster les qualifications du capital humain d’une part et les besoins évolutifs de l’entreprise d’autre part. Il s’agit de mécanismes d’ajustement qui permettent à l’entreprise de faire son rééquilibrage en interne. Sans ces deux démarches, l’agilité de l’entreprise serait sévèrement compromise.
– Comment orchestrer ces deux démarches de manière cohérente ? Comment accompagner les changements internes et les accorder avec les aspirations salariales ?
– Ayant mis en place des dispositifs similaires au Maroc, comme à l’international, je recommande de lier ces deux démarches aux diagnostics stratégiques, ingénierie de formation, évaluation des performances annuelles, talent reviews, gestion de carrières et plans de succession ainsi que la GPEC.
D’autre part, l’implication du collaborateur est un must. Le top-down est incontestablement à proscrire. Le ‘raccordement’ entre les aspirations de l’entreprise (souvent basées sur la performance et l’agilité) et celles du collaborateur (souvent basées sur l’évolution de carrière et du salaire) est crucial. Sans cette synergie, l’approche du re-skilling ou upskilling risque d’être handicapée.
– A quels besoins devaient-ils répondre ?
Naturellement, les deux approches (re-skilling et upskilling) doivent répondre aux besoins de l’entreprise ainsi que ceux du salarié. Sans interfaçage bien étudié entre ces deux parties prenantes, il n’y rien à prendre.
– Quels métiers/quels types de compétences retrouve-t-on le plus dans des programmes de reskilling / upskilling ?
– Pour être bref et succinct, on y retrouve tous types de métiers et à tous les niveaux hiérarchiques. La réalité du contexte interne comme externe de l’entreprise est dynamique. Ce dynamisme requiert des adaptations, autrement dit une agilité. Cette dernière doit souvent être accompagnée par des programmes de (re)qualification.
Les programmes d’upskilling sont d’ordre vertical (plus précisément ascendant). Ceux du re-skilling sont d’ordre circulaire car il s’agit d’un redéploiement qui peut même être à 360°.
Pour répondre à la deuxième partie de la question, je préciserai que les compétences interpellées pas le reskilling ou bien upskilling, contrairement à ce que plusieurs penseraient, sont de tous types. Ces compétences peuvent être de nature technique comme de nature comportementale.
La cartographie des compétences mobilisables dans le cadre du reskilling et/ou l’upskilling n’exclue aucune famille de compétences.