Beaucoup de DRH se demandent comment s’adapter à la Génération Z au Maroc, née après 1995, souvent décrite comme la « génération zappeuse ». Cette population bouscule les pratiques RH traditionnelles par sa recherche de flexibilité et son besoin d’expériences multiples. Le CDI n’est plus leur but ultime : ces jeunes priorisent le sens, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi qu’un environnement de travail qui valorise la convivialité et l’innovation. Plus que jamais, ils attendent des employeurs la possibilité de « slasher » – cumuler plusieurs activités – et de travailler autrement, quitte à délaisser la fidélité traditionnelle. Pourtant, loin de condamner l’entreprise à un turn-over permanent, la Génération Z propose une nouvelle vision de la fidélité, plus choisie et collaborative.
Des slashers en quête de sens et d’équilibre
Le marché de l’emploi marocain n’échappe pas aux défis soulevés par la Génération Z. Chez ces jeunes professionnels, le dynamisme et la curiosité peuvent se traduire par la création de micro-entreprises, le freelancing ou la participation à divers projets en parallèle. Cette approche du travail est souvent perçue, à tort, comme de l’infidélité. En réalité, les « slashers » cherchent à enrichir leurs compétences tout en conservant une certaine liberté. À leurs yeux, multiplier les expériences est une réponse aux difficultés d’insertion professionnelle (chômage, contrats précaires, concurrence accrue), mais aussi une façon de trouver un meilleur équilibre entre leurs aspirations personnelles et professionnelles.
La fidélité à une organisation n’est plus dictée par la crainte de perdre un emploi, mais dépend d’éléments concrets : sentiment d’appartenance, esprit d’équipe, intérêt des missions, perspectives d’évolution et reconnaissance de la personne au-delà de ses simples performances chiffrées. Ainsi, une politique RH rigide, qui se limite à des avantages financiers ou à l’ancienneté, suscitera peu d’engouement auprès de cette génération.
Une fidélité sociale et collaborative
La Génération Z privilégie la dimension collective : le sentiment d’appartenance et la cohésion avec les collègues influent fortement sur sa volonté de rester. Différentes études montrent que l’esprit d’équipe figure parmi les tout premiers leviers de fidélisation chez les moins de 30 ans, devant le salaire ou la mobilité internationale. Le manager, quant à lui, est perçu comme un coach ou un mentor : sa capacité à motiver, à écouter et à fédérer devient essentielle.
Les entreprises qui l’ont compris misent sur des actions de groupe : séminaires de team building, sorties sportives, événements caritatifs ou encore projets transversaux. Ces activités créent du lien et renforcent la « fidélité sociale ». Par ailleurs, des missions fondées sur l’engagement communautaire, telles que le mentoring ou l’implication dans des initiatives locales, peuvent devenir de véritables vecteurs de motivation et de cohésion.
Dans le même esprit, il est devenu courant d’investir dans des programmes de cooptation ou de récompense basés sur la recommandation en ligne. À l’image des marques qui s’appuient sur les réseaux sociaux pour fidéliser leurs clients, certaines entreprises encouragent leurs salariés à promouvoir la marque employeur via des plateformes internes ou externes.
Du feedback continu plutôt qu’un entretien annuel
Un autre élément essentiel pour retenir la Génération Z concerne la reconnaissance. Les entretiens d’évaluation annuels, souvent jugés trop formels et décalés par rapport au rythme quotidien, ne suffisent plus. Les jeunes talents souhaitent un feedback régulier, qu’il vienne du manager ou des collègues.
Les solutions digitales (applications internes, réseaux collaboratifs) se multiplient pour répondre à ce besoin de réactivité et de transparence. Plutôt que de se focaliser uniquement sur le résultat financier, l’entreprise a tout intérêt à valoriser la qualité du travail, l’effort fourni, l’implication sociale ou la capacité à innover. Dans ce cadre, l’évaluation collective – où l’équipe juge la performance globale – gagne du terrain et renforce l’esprit de solidarité.
Des politiques RH innovantes : de la flexibilité à la personnalisation
De plus en plus de DRH adoptent des approches sur mesure pour s’adapter à la Génération Z :
- Horaires aménagés et télétravail : Autant que possible, proposer une organisation flexible permet aux jeunes collaborateurs de mieux gérer leurs contraintes personnelles et de se sentir responsabilisés.
- Formations internes et développement des soft skills : L’accent est mis sur la créativité, l’empathie, la communication ou l’intelligence émotionnelle. Ces compétences, qui ne sont pas strictement techniques, s’avèrent pourtant essentielles pour innover et travailler collectivement.
- Nouvelles fonctions dédiées au bien-être : Certains groupes désignent des « Chief Happiness Officers » ou « Feel Good Managers » pour organiser la vie d’équipe et s’assurer que chacun se sente valorisé.
Ces mesures créent un cercle vertueux : les salariés se sentent intégrés, développent leur potentiel et deviennent les meilleurs ambassadeurs de l’entreprise, au-delà des simples obligations contractuelles.
La fidélité choisie : un atout pour l’avenir
Contrairement aux idées reçues, la Génération Z au Maroc ne se désintéresse pas de l’entreprise. Au contraire, elle l’examine sous un angle nouveau : celui de l’adhésion volontaire et non plus de l’engagement contraint. Les structures qui parviennent à instaurer un climat de confiance, à encourager la prise d’initiatives et à entretenir l’esprit d’équipe ont toutes les chances de transformer ces « zappeurs » en collaborateurs fidèles.
En fin de compte, la clé réside dans la reconnaissance existentielle : considérer le jeune talent comme une personne à part entière et non comme un simple numéro dans l’organigramme. Au Maroc, cette prise de conscience grandit dans le paysage RH, et l’on voit de plus en plus d’entreprises s’adapter pour capter l’intérêt des candidats issus de la Génération Z. Les DRH doivent prendre le virage de la modernisation et de la flexibilité pour réussir à transformer cette nouvelle donne en avantage compétitif. La fidélité ne disparaît pas : elle se réinvente, sous une forme plus collaborative, plus humaine et, surtout, plus librement consentie.