Bien que le concept de RSE existe peut-être depuis les années 1950, il a gagné beaucoup de terrain au cours des dernières années. En effet, il s’agit de la dernière tendance en matière de communication d’entreprise et RH. La logique derrière cela -outre le fait que les entreprises ont un impact fort sur les communautés qui les entourent, donc elles ont par conséquent un certain sens des responsabilités- est que cela attirera un nombre croissant d’investisseurs, de clients et d’employés socialement conscients et responsables. Cette tendance n’est cependant plus propre aux marchés mondiaux, plusieurs pays ont déjà mis en place des politiques pour promouvoir et appliquer les RSE.
À ce jour, plus de 12 000 entreprises dans le monde ont signé le Pacte mondial des Nations Unies et plus des deux tiers des entreprises du Fortune 500 publient chaque année des rapports sur la RSE. Lorsque la plupart des chercheurs et des auteurs tentent de présenter la RSE sous un jour favorable, l’argument le plus courant est sa corrélation avec une meilleure performance financière. À quel point cette idée est-elle vraie ?
En 1970, Milton Friedman, économiste américain de renom, publie dans le New York Times un article intitulé « La responsabilité sociale de l’entreprise consiste à accroître ses profits ». Dans ce dernier, Friedman définit les RSE exclusivement en tant que pratiques non rentables destinées à créer des avantages sociaux et des impacts positifs sur l’environnement. Comparé aux arguments de plusieurs recherches sur le bénéfice financier résultant des investissements en RSE, Friedman affirme dans le même article qu’il s’agirait d’une « façade hypocrite ». Au-delà de la question de la vertu des entreprises, Friedman affirme que l’objectif principal d’une entreprise ou d’une société est d’accroître ses bénéfices et de mener les affaires conformément à la vision de la direction.
La RSE, comme tout autre élément lié à l’image publique d’une entreprise, peut rapidement devenir juste une composante de charte, c’est-à-dire une mesure commerciale qui a été prise pour sa nécessité, mais qui ne change rien au regard des principaux processus, objectifs et les visions de l’organisation. L’écart entre l’image, la théorie et la pratique réelle est un mal connu de l’entreprise, et bien que les organisations aient généralement fait de multiples avancées en matière d’engagement, les conditions de travail, le bien-être et la sensibilisation sociale. Pourtant, les RSE, par exemple, est un investissement. Il y a des dépenses qui entrent dans le développement d’une stratégie et d’initiatives RSE décentes.
Auteurs, chercheurs et chefs d’entreprise débattent encore pour savoir si un investissement en RSE peut être financièrement lucratif (ou du moins générer des résultats financiers positifs). Compte tenu de la nature d’investissement des RSE et de ses dépenses, cela se fait-il au détriment d’autres choses. Plusieurs articles ont été publiés ces dernières années sur la corrélation au sein des entreprises avec un certain niveau de stratégie RSE (donner une partie des bénéfices à des associations caritatives, adopter des mesures respectueuses de l’environnement et financer des initiatives sociales entre autres), entre ce dernier et les salaires plus bas. Selon une étude menée par Guglielmo Briscese et d’autres chercheurs, la RSE peut être un volet utile pour les entreprises, car elle ajoute un sens au travail qu’elle propose aux candidats (entre autres), mais en même temps, les travailleurs sont plus susceptibles d’accepter un salaire inférieur pour un travail « significatif ». Ce n’est pas tout à fait concluant, il y a des entreprises sans RSE qui sont moins performantes que les entreprises avec une stratégie RSE exhaustive et vice versa.
Si la RSE peut souvent laisser une certaine ambiguïté éthique quant aux déclarations d’une entité ou organisation contrastant avec sa pratique réelle, elle comporte également d’autres dimensions. Les entreprises, et les organisations en général, ont des responsabilités concrètes dans le sens où leurs actions, individuelles ou collectives, ont des conséquences tangibles au-delà de leurs cours boursiers. Par exemple, en 2017, les PDG de plusieurs sociétés multinationales et américaines comme Coca Cola, Corning et Dow Chemicals ont publié une lettre ouverte dans le Wall Street Journal exhortant l’administration politique à se conformer aux Accords de Paris sur le changement climatique. Ces mêmes entreprises ont également soutenu le lobby IECA (Industrial Energy Consumers of America) qui a ouvert la voie au retrait de l’administration américaine de ces accords. Ce que montre cet événement, c’est que la RSE peut souvent être réduite à des relations publiques. Les stratégies RSE doivent être complétées par des pratiques concrètes, dans le sens où une entreprise s’aligne réellement avec les valeurs qu’elle défend. Dans presque tous les aspects de leur fonctionnement, les entreprises ont la capacité d’influencer l’opinion publique, les marchés et les processus politiques. La question en jeu ici est celle d’une croissance exponentielle en contradiction avec la durabilité. Étant donné que la RSE n’est devenue que récemment un aspect important de l’image d’une entreprise, les organisations ont besoin de différentes méthodes pour s’y adapter.