Alors que l’intelligence artificielle s’invite dans toutes les strates de l’entreprise, des fonctions support aux métiers opérationnels, les DRH se retrouvent à la croisée des chemins. Doivent-ils embrasser les promesses de l’automatisation ou défendre la singularité de l’humain dans un monde de plus en plus rationalisé ? Le livre I, Human de Tomas Chamorro-Premuzic nous invite à une réflexion lucide et urgente : à force de nous calquer sur les machines, ne risquons-nous pas de perdre ce qui nous rend humains ?
Ce que l’IA ne remplacera pas (encore)
Dans l’univers RH, l’IA impressionne. Elle trie des CV à la chaîne, automatise les tâches administratives, prédit les départs volontaires… Pourtant, comme le rappelle Chamorro-Premuzic, les machines restent incapables de ressentir, d’imaginer ou de décider dans l’incertitude avec le même discernement qu’un être humain.
Empathie, créativité, intuition, capacité à donner du sens à des situations complexes… Ces qualités humaines restent difficiles à modéliser. Le rôle du DRH n’est donc pas de singer les algorithmes, mais d’identifier, développer et valoriser ce capital humain irremplaçable.
L’illusion de la rationalité parfaite
Une croyance persiste : l’IA serait plus objective, plus juste, moins biaisée. La réalité est tout autre. Comme le souligne l’auteur, les algorithmes ne font que reproduire – voire amplifier – les biais des données sur lesquelles ils sont entraînés. Le risque est d’intégrer dans les processus RH une « objectivité biaisée », invisible et difficilement contestable.
Cela implique une vigilance accrue de la part des DRH. Chaque outil d’IA utilisé pour le recrutement, la mobilité interne ou l’évaluation doit être questionné, audité, contextualisé. Car derrière l’optimisation, se cache parfois une standardisation appauvrissante, voire discriminante.
Réinventer la valeur humaine au travail
Dans un monde obsédé par la performance, la mesure et la vitesse, la véritable audace consiste peut-être à ralentir. À accepter l’erreur, à cultiver le doute, à valoriser des formes d’intelligence non normées. En d’autres termes : à redonner leur place à la subjectivité et à la complexité humaine.
Le DRH peut jouer un rôle central en défendant des espaces de dialogue, de réflexion et d’apprentissage. Plutôt que de chercher des talents « compatibles IA », il s’agit de créer des environnements où l’humain n’est pas réduit à une variable d’ajustement, mais reconnu dans toute sa richesse.
Le DRH, gardien de l’humanité professionnelle
Face aux pressions technologiques, certains pourraient être tentés de céder à la facilité algorithmique. Pourtant, l’histoire nous montre que les entreprises qui réussissent sont celles qui savent conjuguer performance et humanité, innovation et inclusion.
Le DRH n’est pas un acteur secondaire dans cette transformation : il en est le chef d’orchestre. À lui de poser les bonnes questions, d’arbitrer entre progrès technique et progrès humain, et de rappeler que la finalité de l’entreprise reste et restera profondément humaine.