La valeur de ces nouvelles modalités de travail provient surtout de leurs implications. Bien que leur généralisation ne soit pas toujours viable, leur application peut donner des résultats intéressants, si elle est bien gérée. Un thème qui capte désormais l’intérêt des managers, des RH et des salariés est l’accord idiosyncrasique ; abrégé en I-Deals, est un arrangement de travail personnalisé, négocié entre un employé et son employeur. Il s’agit d’un véritable pas vers un modèle de travail plus flexible et ouvert permettant plus d’autonomie aux employés, il y a néanmoins plusieurs facteurs à considérer.
Denise Rousseau, professeure de comportement organisationnel et de politiques publiques, est reconnue comme la première chercheuse à approfondir sur ce thème. « Les accords idiosyncrasiques se manifestent dans les différentes manières dont un employeur traite un travailleur par rapport aux autres. Ces accords idiosyncrasiques sont liés, mais distincts du « contrat psychologique » que chaque travailleur a avec son employeur », écrit Denise M ; Rousseau dans son article The Idiosyncratic Deal – Flexibility Vs Fairness, « Parce que chaque travailleur a sa propre expérience subjective de la relation de travail, deux personnes faisant ostensiblement le même travail peuvent encore avoir des perspectives quelque peu différentes à ce sujet. »
Les accords idiosyncrasiques restent quelque peu différents des autres modalités de travail flexibles, même s’ils font partie du même module. Les I-Deals sont établis afin d’aménager le quotidien d’un travailleur, en fonction de ses besoins et conditions spécifiques. Par exemple, la charge de travail d’un employé peut être minimisée pour des raisons de santé, ce qui permettrait à l’employé de se remettre sur les rails. Aussi, un parent peut être autorisé de quitter le bureau avant la fin de la journée, ou commencer tôt, afin de pouvoir balancer entre les responsabilités professionnelles et personnelles. Parfois, un employé « hyper-performant » peut même bénéficier d’avantages financiers supplémentaires. Selon plusieurs articles de recherche, un accord idiosyncrasique peut augmenter considérablement l’engagement des employés, leur motivation et leur volonté d’aider d’autres collègues. Ces dispositions rendent l’expérience des employés beaucoup plus personnalisée. Cependant, l’attribution d’accords idiosyncrasiques peut également créer une situation qui semblerait parfois inéquitable.
De telles offres sont généralement informelles et sont attribuées strictement à un employé, ou plusieurs, qui ont des conditions exceptionnelles. Il existe bien sûr différents types d’arrangements (allant de la diminution de la charge de travail ou du temps de bureau, à des arrangements financiers, ou un rapport radicalement différent avec la direction). Pourtant, comment cela affecte-t-il les perspectives des autres membres de l’équipe (qui n’ont pas un accord idiosyncrasique) ? Comment l’équité est-elle mise en œuvre dans ce modèle ? En 2017, une étude menée par Elise Marescaux, professeure de GRH à l’IESEG School of Management, avec d’autres chercheurs, pour examiner les effets des accords idiosyncrasiques sur les perspectives des autres employés, avec un échantillon de près de 2000 employés. L’étude a examiné trois principaux types d’accords idiosyncrasiques: primes financières, flexibilité des heures de travail et réduction de la charge de travail.
Les résultats ont confirmé que les bonus financiers sont souvent considérés comme les moins justes des accords idiosyncrasiques. Les employés étaient plus compréhensifs envers les avantages non financiers fixés pour répondre aux besoins personnels de l’employé. « Les primes financières sont considérées comme les moins équitables, suivies de la flexibilité des heures de travail et des réductions de la charge de travail. » Marescaux écrit : « L’importance de l’argent déclenche un processus de comparaison sociale dans lequel les employés cherchent à maximiser leurs propres résultats et, à cette fin, comparent leurs propres intrants et résultats financiers avec ceux des autres membres de l’équipe. »
Dans le marché du travail moderne, les employés recherchent plus d’autonomie, de flexibilité et une expérience plus ou moins personnalisée. Au fur et à mesure que cela devient plus attendu au travail, les accords idiosyncrasiques peuvent également devenir plus courants, en tant que moyen d’accorder aux employés cette flexibilité souhaitée. Cependant, cela concerne toutes les équipes au sein d’une organisation. Le dilemme est qu’il ne serait pas juste d’accorder des arrangements flexibles à seulement quelques employés par rapport à d’autres, et ils ne peuvent pas non plus être généralisés pour tous les employés. De tels arrangements ne sont pas appliqués juste pour augmenter la productivité, mais plutôt des mesures d’adaptation à certaines conditions. Les questions et le débat autour de la généralisation des I-deals découlent d’un besoin d’établir plus de flexibilité avec les travailleurs.