À première vue, il semble que la pandémie de Covid, avec ses nombreuses conséquences, et les transformations qu’elle a provoquées dans le monde des affaires et de la gestion, a été la cause d’une grande partie des phénomènes liés au travail au cours de ces dernières années. Ce qui est sûr, c’est que les conditions sont devenues très inhabituelles, volatiles et de plus en plus difficiles. Entre les réductions massives d’effectifs et l’arrêt presque complet de certains secteurs économiques, de nombreux salariés ont été soit contraints de se reconvertir professionnellement (changer de poste dans une autre entreprise, voire un autre domaine), soit par choix. Selon l’enquête réalisée par le job-board, et cabinet de recrutement, Rekrute, près de 60 % des personnes interrogées (un échantillon de 1311 cadres dans les entreprises marocaines) envisagent une reconversion.
Il est juste d’affirmer que le marché du travail marocain a été marqué par la reconversion professionnelle même avant la pandémie. De nombreuses conditions du marché du travail, du lieu de travail et de l’économie nationale ont été plus ou moins propices à la reconversion. Cette dernière vague n’est que le résultat d’une accélération du phénomène, et l’exacerbation des conditions sous-jacentes. C’est pourtant un sujet assez nuancé, qui fait l’actualité au Maroc depuis quelques années. Premièrement, l’économie nationale a connu plusieurs défis et récessions au cours de la dernière décennie, avec une lente croissance lente et des défis encore plus importants durant la période de récupération. Le marché d’emploi national souffre notamment de la croissance unilatérale de certaines industries et secteurs par rapport à d’autres, et la concentration des opportunités de travail dans quelques villes métropolitaines. C’est déjà le paysage parfait pour un taux de reconversion professionnelle élevé.
Il existe une dualité quant à la manière dont ce sujet est abordé au Maroc. D’une part, il est révélateur de ces nombreux défis auxquels l’économie et le marché du travail sont confrontés, la dominance d’une culture managériale peut-être néfaste, entre autres, mais il y a aussi des aspects positifs à considérer. Selon la même enquête de Rekrute, le pourcentage de personnes interrogées (cadres) qui ont initié un plan de reconversion dans le but de créer leur propre entreprise s’élève à 72 %. Peu avant la pandémie, il y avait plusieurs initiatives, des programmes de financement par le gouvernement ou certaines banques, ainsi que des programmes de formation, dans le but de développer et d’aider à la croissance des petites entreprises et des porteurs de projets. Ces initiatives ont certainement aidé les professionnels à mener leurs projets de reconversion.
Il est intéressant de noter que dans certains cas, la reconversion n’est pas un simple plan d’urgence, mais plutôt une mesure d’adaptation à l’évolution des tendances économiques ; une nécessité. La disruption technologique de plusieurs secteurs économiques a provoqué la disparition de certains emplois, mais aussi et la création de nouveaux. Plusieurs emplois et fonctions ont été fragmentés davantage, créant ainsi plusieurs nouvelles spécialités. Le Maroc tente actuellement de capitaliser sur les « emplois de l’avenir » ; une expression récurrente dans la plupart des discours autour de l’entreprise et du marché du travail qui comprend principalement des fonctions numériques, informatiques ou orientées Web.
Il faut quand même mettre en lumière le fait que les facteurs de reconversion ne sont pas toujours positifs. La crise de réduction des effectifs et des recrutements, après la pandémie, n’a laissé aux professionnels d’autre choix que de se reconvertir (vers des domaines ou des secteurs qui se sont développés au cours de la même période). D’autres étaient insatisfaits de leur emploi actuel, de leurs conditions de travail, de leur employeur ou de leur domaine d’expertise. Selon la même enquête de Rekrute, les réponses quant à ce qui a motivé les choix de reconversions professionnelles étaient assez diverses, allant du manque de sentiment d’évolution et d’épanouissement au travail, à l’équilibre travail-vie au sentiment d’avoir atteint la fin du cycle de vie d’un employé. Cependant, il y avait un désir écrasant de changement, exprimé par la plupart des professionnels interrogés.
Les facteurs aboutissant à une hausse des taux de reconversion professionnelle après la pandémie sont multiples et, collectivement, ils créent un effet plus large. Il n’y a pas un seul thème ou phénomène spécifique guidant le développement de ces conditions. Pourtant, ces facteurs sont conformes aux découvertes induites par la pandémie ; les divers aspects du lieu de travail nécessitant un réexamen.