Pour un grand groupe comme le Crédit Agricole du Maroc, les entretiens annuels restent un moment privilégié. Comment avez-vous pu les gérer ?
Le Crédit Agricole du Maroc a dû, rapidement et efficacement, revoir ses modèles de fonctionnement et de travail, mettre en télétravail partiel ou total, lorsque cela aura été possible, les équipes qui pouvaient l’être en fonction bien évidemment des métiers et activités exercées. Il aura également été primordial de veiller à la santé de nos salariés en mettant en place tous les dispositifs nécessaires en matière d’hygiène et de sécurité.
Tout cela pour dire que 2020 et 2021 auront été deux années inédites. Les femmes et les hommes du Crédit Agricole du Maroc auront, quant à eux, fait preuve de beaucoup de sagesse, de patience, de persévérance et d’engagement tant sociétal que social pour maintenir une qualité du service au client.
Durant cette période, les entretiens annuels d’appréciation des performances se sont déroulées tant bien que mal, qu’il s’agisse des équipes commerciales ou des équipes support. Il faut être franc : la priorité était, avant toute chose, de maintenir une cohésion d’entreprise, un climat social serein, de donner du sens au travail quotidien réalisé par les collaborateurs. Le management de proximité a d’ailleurs fait preuve de beaucoup d’habilité pour « mobiliser les troupes ».
Comment allez-vous procéder actuellement ?
Aujourd’hui, la situation est tout autre. Nous allons organiser nos entretiens annuels comme à l’accoutumé. Il s’agit d’un moment privilégié où le salarié et son manager évaluent ensemble les performances réalisées, les contraintes rencontrées et les challenges à venir. La grande majorité des entretiens devraient se faire en face à face. Rien ne saurait remplacer le contact humain. Nous insistons d’ailleurs chaque année pour que les deux parties prennent le temps de préparer comme il se doit cette rencontre importante. Les supports dédiés sont à la disposition des salariés sur notre portail intranet et les nouveaux managers sont formés à l’organisation et à la gestion de l’entretien annuel.
Hasard ou coïncidence, notre système d’appréciation a connu une évolution à la veille de la pandémie. L’entretien annuel au CAM, version antérieure à 2019, permettait de mesurer la réalisation des objectifs, d’évaluer l’écart de compétences, d’identifier les besoins de formation, de formaliser les souhaits de mobilité et d’impacter de ce fait la prime annuelle, le rythme et d’alimenter les processus formation et de mobilité. Le nouveau dispositif d’appréciation, qui devrait entrer en vigueur dès 2022, consistera à séparer l’évaluation des performances de l’évolution professionnelle. Aussi, l’entretien annuel devait être consacré à l’évaluation des performances et à la tenue du poste alors que l’entretien de carrière organisé tous les deux à trois ans serait dédié aux opportunités de développement professionnel du collaborateur.
Le télétravail a bousculé les organisations mais aussi les modes de management. Cela impacte les entretiens annuels ?
Il convient de garder à l’esprit que l’entretien annuel d’évaluation est un outil managérial et RH essentiel dans l’expérience collaborateur. Si le manager en a besoin pour faire un bilan d’étape, de performances, de compétences etc., et pouvoir ainsi envisager l’avenir sur de nouvelles bases, le collaborateur est souvent dans l’attente du JOUR J avec une grande impatience. C’est le moment tant attendu où il peut exprimer ses ressentis, s’expliquer sur ses actions, ses comportements, ses réalisations, ses victoires mais aussi sur attentes, ses points d’amélioration voire ce qu’il considère comme des échecs professionnels ou personnels.
Il me semble que cette impatience est d’autant plus forte avec cette crise sanitaire où certains ont assimilé le télétravail à un sorte d’« Invisibilité » sociétale et peut-être même sociale. L’entretien annuel a réellement été bouleversé par la crise sanitaire. L’adaptation de l’entretien annuel à cette crise est à considérer davantage sur le fond que sur la forme.
Certes, sur la forme, l’entretien physique laisse place, de plus en plus, à l’entretien virtuel, moins impactant, moins efficace, moins interactif et moins valorisant.
Mais sur le fond, les changements sont plus importants. La pratique de l’entretien d’évaluation « classique » et dirigée performance n’est plus pertinente. Celle-ci devra être orientée vers une relation davantage fondée sur l’entraide, le collaboratif et l’éveil du potentiel en intégrant des composantes de l’environnement du travail en entreprise telles que la Qualité de Vie au Travail, les envies professionnelles à court et moyen terme, la quête de sens au travail et la projection individuelle dans l’organisation.
Il s’agira d’amener plus de fluidité et de proximité entre le manager et son collaborateur, de déceler le potentiel plus que la performance et de privilégier la motivation et l’accompagnement.
Je pense, d’ailleurs, que même après la fin de cette pandémie, que j’espère proche, ce changement de paradigme demeurera.
D’ailleurs, au-delà de l’entretien annuel, la démocratisation de la culture du feed-back dans les entreprises marocaines pourra également traduire de manière concrète la véritable volonté de l’employeur et du manager de prêter une attention continue et grandissante aux collaborateurs. Le feed-back est un outil intéressant de développement individuel et collectif et aussi un levier pour améliorer la performance et l’engagement des collaborateurs.
Comme il y a eu de nouvelles façons de travailler, il y a et il y aura de nouvelles façons d’évaluer, de valoriser et d’épanouir sa RH – Richesse Humaine.