Le gouvernement marocain a récemment annoncé une mesure exceptionnelle à l’occasion de l’Aïd Al-Adha 2025 : un jour férié supplémentaire le lundi 9 juin pour les administrations publiques et les collectivités locales. Si cette décision est accueillie avec enthousiasme dans le secteur public, elle engendre des interrogations légitimes pour les DRH du secteur privé, confrontés à des contraintes opérationnelles, juridiques et humaines.
La décision gouvernementale, prise conformément au décret n° 2.05.916 modifié, répond à une volonté louable de permettre aux agents publics de bénéficier pleinement de cette fête majeure en étendant leur repos à trois jours consécutifs. Toutefois, cette générosité soulève une véritable problématique pour les entreprises privées, contraintes d’arbitrer entre leur organisation interne et les attentes légitimes de leurs collaborateurs.
En effet, dans le secteur privé, le cadre légal demeure clair : les jours fériés sont fixés par le Code du travail et les conventions collectives. L’instauration d’un jour supplémentaire, telle que celle du 9 juin, n’est nullement une obligation légale. Cependant, la pression sociale, renforcée par la portée religieuse et culturelle de l’Aïd Al-Adha, pourrait inciter nombre d’entreprises à accorder ce jour additionnel pour préserver un climat social apaisé.
Pour les DRH, la gestion de cette situation exceptionnelle exige anticipation et finesse stratégique. Tout d’abord, la question de la continuité opérationnelle se pose avec acuité dans des secteurs tels que l’industrie manufacturière, les services essentiels, ou encore la grande distribution, où l’arrêt total des activités est difficilement envisageable sans répercussions significatives.
Ainsi, les responsables RH doivent impérativement identifier en amont les postes clés qui ne peuvent connaître aucune interruption, établir un système de rotation ou d’astreintes clair, tout en s’assurant du respect scrupuleux des règles de compensation et de récupération des heures travaillées.
Par ailleurs, la communication interne joue un rôle crucial dans la réussite de cette démarche. Une transparence totale sur les modalités retenues par l’entreprise est indispensable afin d’éviter tout malentendu et prévenir les frustrations éventuelles. En ce sens, l’ouverture du dialogue social avec les représentants du personnel se révèle essentielle pour déterminer, par consensus, les modalités optimales d’organisation du travail et de repos en cette période particulière.
D’un point de vue strictement juridique, le Code du travail marocain, en son article 217, stipule clairement que les jours fériés légaux doivent être respectés, sous peine de sanctions financières significatives. Or, le caractère exceptionnel du 9 juin 2025, non prévu par les textes officiels, offre aux entreprises une marge de manœuvre certaine. Il revient donc aux DRH d’assurer une veille juridique rigoureuse afin de clarifier les obligations réelles des employeurs et éviter tout risque de contentieux.
Au-delà des contraintes, cette décision exceptionnelle pourrait aussi être saisie comme une opportunité de renforcer la politique RH des entreprises. En accordant ce jour de repos supplémentaire, les entreprises adressent un message fort de reconnaissance et de valorisation des traditions culturelles. Cela peut positivement influencer le sentiment d’appartenance des collaborateurs et contribuer à une amélioration sensible de leur engagement et de leur motivation.
Cette mesure peut aussi être l’occasion pour les DRH de réévaluer certaines pratiques internes, comme l’attribution de primes spéciales liées aux fêtes religieuses ou la mise en place de programmes d’accompagnement et de sensibilisation autour de la diversité culturelle au sein de l’entreprise.
Cependant, la décision gouvernementale met aussi en lumière une certaine difficulté récurrente : le décalage parfois existant entre les mesures prises pour le secteur public et les réalités opérationnelles du secteur privé. De nombreuses entreprises, notamment des PME, pourraient rencontrer des difficultés à ajuster leur organisation en un délai relativement court, exacerbant ainsi les tensions organisationnelles et humaines.
Par conséquent, certains DRH s’interrogent sur la pertinence de telles annonces unilatérales, appelant plutôt à une meilleure concertation préalable avec le secteur privé pour anticiper les impacts et faciliter une mise en œuvre plus harmonieuse et moins perturbatrice.
Finalement, si la décision d’octroyer ce jour férié exceptionnel demeure salutaire dans son intention sociale, elle impose une vigilance accrue et une proactivité exemplaire aux DRH du secteur privé. Ces derniers doivent impérativement mobiliser toutes leurs compétences stratégiques pour équilibrer respect des traditions culturelles, conformité juridique, continuité opérationnelle, et préservation du climat social.
Ainsi, la gestion de ce jour férié exceptionnel du 9 juin 2025 constitue un test grandeur nature pour la capacité des DRH marocains à concilier avec finesse les exigences économiques, sociales et culturelles propres à leur environnement professionnel.