Les premiers antécédents théoriques du management, la GRH et d’autres disciplines académiques liées au business, ont commencé dès l’apogée de la révolution industrielle. Bien qu’ils se positionnent comme une source réputée des futures innovations du le lieu de travail, l’aspect théorique de ces disciplines a rarement récolté autant l’intérêt du monde des affaires autant qu’aujourd’hui. Même les sérieuses innovations dans ces domaines ne sont devenues plus courantes qu’au cours des deux dernières décennies. L’avènement de nouveaux modèles économiques, de nouvelles industries et les différents modes de travail disponibles aujourd’hui ont constitué un champ de recherche riche en possibilités. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises (grandes et petites) tentent de progresser par l’expérimentation, la rationalisation des processus, et même la mise en place d’essais pour tester l’efficacité de mesures nouvellement développées.
Ces expérimentations s’appuient principalement sur des recherches et des études sur la théorie de la gestion, la GRH et la psychologie organisationnelle. Ce qu’il faut noter, c’est que la GRH en tant que domaine académique, et de recherche « scientifique », est relativement nouvelle.
Cet effort de recherche remonte à l’avènement de la gestion scientifique, telle qu’elle a été développée par Frederick Winslow Taylor, ingénieur en mécanique et consultant en gestion. Il développa sa grande idée de gestion scientifique (connue plus tard sous l’appellation de Taylorisme) au cours de son travail en tant que consultant pour Bethlehem Steel à la fin des années 1890. Ce nouveau domaine a été défini comme un ensemble de connaissances sur la gestion d’entreprise qui analyse et synthétise les flux de travail dans le but d’augmenter la productivité, et donc le rendement.
Son idée principale était d’augmenter la productivité des ouvriers chargeant du fer dans un camion. Sa méthode était simple: déterminer la quantité de fer que les travailleurs peuvent charger dans un court laps de temps, puis calculer ce taux pour une journée de travail entière ; le total c’est la quantité que les travailleurs seront amenés à charger dans la journée ; leur objectif. Les résultats étaient presque trop beaux pour être vrais. Plus tard, de nombreuses expériences de Taylor ont été considérées comme incontrôlées, donnant beaucoup moins de crédibilité à ses découvertes. De nos jours, la théorie de la gestion et la GRH citent rarement, voire jamais, Taylor. Il est plutôt considéré l’histoire ancienne ; une note de bas de page presque hors de propos, dans une histoire par ailleurs riche et prospère. Par contre, comme l’écrit Matthew Stewart, philosophe américain, auteur et ancien consultant en gestion, dans son article The Myth of Management : « Au cours du dernier siècle, les successeurs de Taylor ont développé une puissante batterie de méthodes statistiques et d’approches analytiques aux problèmes commerciaux. Et pourtant le monde du management reste profondément tayloriste dans ses fondements. »
Une grande partie des articles et études publiés récemment sur la gestion et la GRH peuvent être caractérisés de la même manière ; la plupart s’appuient sur une analyse corrélationnelle, et tentent de déterminer une seule et unique méthode de recherche quantitative avec des tailles d’échantillons parfois modestes. Dans son étude Scientific Research on HRM and The Threat to Critical Scholarship, Bill Harley écrit : « Il est certain que les recherches quantitatives, la vérification des hypothèses, la recherche fondée sur des enquêtes a été la forme dominante du travail dans ce domaine. Ce qui est nouveau, cependant, c’est la mesure dans laquelle le domaine a réduit son champ d’action et la mesure dans laquelle cette approche, de plus en plus étroite, semble devenir la bonne façon pour mener des recherches et les études de performance. »
Les raisons pour lesquelles la théorie et la recherche en gestion sont souvent critiquées sonnent comme celles contre le taylorisme. Dans le contexte des travaux de Taylor, l’expression « one best way » est un thème récurrent et caractérise souvent les impératifs sous-jacents de la gestion scientifique. Ces impératifs pointent souvent vers l’augmentation de la productivité. Outre le fait que ces principes ne sont pas adaptés à la réalité contemporaine du travail, une augmentation de la productivité sur la valeur nominale est plus contre-productive qu’il n’y paraît. Dans notre perspective moderne, cette approche pose des questions sur la durabilité de ce focus monolithique.
Le problème se pose lorsque des organisations ou des gestionnaires tentent d’appliquer les résultats de la recherche sur le lieu de travail, dans le but de générer de meilleurs résultats. Dans cette phase, le défaut de la méthode unique de Taylor devient plus ou moins évident. Il n’existe pas de mesure efficace dans toutes les situations. Cela est particulièrement vrai si l’on considère que la plupart des articles de recherche sur la gestion et la GRH sont principalement basés sur des théories corrélationnelles et les effets médiateurs. Cela désigne une étude de la relation entre deux éléments distincts, et la manière dont elle est affectée par un autre élément. Puisque la plupart des données collectées reposent sur des auto-questionnaires, les résultats spécifiques, d’une étude sur les effets médiateurs d’un certain élément, reposent sur de nombreux autres facteurs qui ne sont pas toujours pris en compte dans la méthodologie de recherche.
« En tant que moyen de faire progresser les connaissances sur la façon dont l’association entre les RH et la performance semblait émerger, des études détaillées sur les voies causales apparentes étaient sans aucun doute opportunes. Il existe cependant un éventail de méthodologies de recherches », écrit Bill Harley dans le même article « Par exemple, un travail qualitatif détaillé est clairement approprié pour développer une compréhension des processus causaux – mais la recherche dominante a été plus ou moins exclusivement quantitative et basée sur des sondages ». Cela ne veut pas dire que les études sont fausses, plutôt plusieurs sont toujours dans une phase initiale (la GRH elle-même est un sujet de recherche relativement récent), explorant les relations corrélationnelles, et ouvrant ainsi la voie à de nouvelles recherches.
Un autre problème qui se pose souvent est que ces études fondent souvent leurs arguments sur l’analyse statistique des recherches quantitatives. Bien qu’il soit impératif que la gestion, les RH et la plupart des domaines de recherche liés aux entreprises tentent d’obtenir des résultats mesurables, ce qui nécessite un certain degré de calcul et de mesures, mais l’application d’une méthodologie de recherche unique s’apparente presque à une étroitesse académique. Bien que ce modèle de test d’hypothèses /d’enquêtes ait certainement ses mérites, il ne peut pas être invoqué à fond, car il implique souvent une question sur la généralisation des résultats de l’étude au-delà de l’échantillon sélectionné.
Bien que la GRH et le management soient aujourd’hui abondants en concepts abstraits et théoriques, que les chercheurs tentent de mesurer. Au-delà du fait que la définition exacte de certains concepts, ainsi que les normes de mesure sont quelque peu discutables, ces domaines sont aussi parmi les plus sujets aux changements de paradigme. Ce sont par essence des domaines d’étude de la réalité du travail et des organisations, qui sont aujourd’hui radicalement différentes. Si les récents changements de paradigme ont transformé presque tous les aspects du travail et de la réalité organisationnelle, la méthodologie et l’orientation des recherches ne devraient-elles pas changer par conséquent ?
Compte tenu de l’état de la plupart des organisations, des entreprises et des travailleurs aujourd’hui, on peut affirmer que le paradigme du meilleur moyen de Taylor n’est plus viable. Même l’avènement des solutions personnalisées en RH en témoigne. Le fait que la recherche en GRH et en gestion se présente comme une interprétation de statistiques et de mesures calculées, donc objective, neutre et scientifique. Cet accent mis sur les données empiriques est ce qui bloque la plupart des critiques de la recherche en GRH. Bill Harley propose cependant quelques problèmes avec cela dans son article. Le premier problème qu’il déclare concerne la prise en compte d’autres variables que les caractéristiques du lieu de travail et le style de gestion. « L’accent est porté principalement sur l’impact de la gestion RH et les autres caractéristiques du lieu de travail sur les attitudes et les comportements des personnes (par exemple, l’engagement, la satisfaction et la motivation). » il écrit, « ces explications tournent autour des attitudes et des comportements des individus (même s’ils sont parfois agrégés au niveau du groupe) et ne prennent donc pas en compte des phénomènes qui existent au-delà des individus, mais qui sont susceptibles d’être fondamentaux pour l’interprétation des phénomènes » .
La GRH et la gestion ne sont pas entièrement fausses ou non scientifiques, mais des domaines en devenir. À l’heure actuelle, soit par choix de la plupart des chercheurs, soit par quels efforts de recherche sont financés, les articles publiés ont tendance à être plus théoriques et initiaux que prêts à être appliqués. C’est le problème de la représentation scientifique de la recherche en GRH, affirme Harley, « [la recherche] est ensuite présentée sous une forme qui cherche à imiter les conventions des sciences physiques et à présenter les résultats en termes mathématiques et à mettre en évidence la neutralité et la précision ». Autant les changements de paradigme et les bouleversements sont désormais salués par les revues RH et les publications de gestion, autant la classe universitaire en gestion devrait le faire. L’objectif de la recherche est de développer à terme les processus quotidiens des organisations et de la gestion, qui, au-delà des chiffres et des mesures, nécessitent une compréhension plus précise et une approche inclusive de la littérature sélectionnée.