Le marché du travail marocain fait face à des défis majeurs, notamment un taux de chômage élevé, une faible participation des femmes et des jeunes, ainsi qu’une inadéquation persistante entre les compétences des travailleurs et les besoins du marché. Ces déséquilibres sont exacerbés par la transition démographique rapide et les mutations économiques profondes que traverse le Maroc. Face à ces réalités, l’État marocain, à travers l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi et des Compétences (ANAPEC), a mis en place plusieurs Politiques Actives du Marché du Travail (PAMT). Ces initiatives visent à promouvoir l’emploi, améliorer l’employabilité des jeunes diplômés et encourager l’entrepreneuriat.
Dans cet article, nous allons examiner les principaux programmes de promotion de l’emploi au Maroc, analyser leurs réalisations, leurs défis et formuler des recommandations pour optimiser leur efficacité.
Les politiques actives du Marché du Travail : un levier face aux défis du marché marocain
Les Politiques Actives du Marché du Travail sont des mesures gouvernementales visant à encourager l’embauche et à améliorer les compétences des travailleurs. Elles incluent divers programmes destinés à augmenter les opportunités d’emploi, à améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, et à favoriser l’auto-emploi.
- Programme Idmaj : faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés
Le programme Idmaj, lancé en 2006, est l’un des plus emblématiques des politiques d’emploi au Maroc. Il vise à améliorer l’employabilité des jeunes en leur offrant une première expérience professionnelle à travers des stages en entreprise. Les entreprises participant au programme bénéficient d’exonérations fiscales et sociales pendant deux ans.
Entre 2016 et 2022, plus de 663 500 jeunes chercheurs d’emploi ont été insérés dans le marché du travail via Idmaj, avec un taux de réussite particulièrement élevé chez les jeunes diplômés des secteurs industriels et des services. Toutefois, le programme a montré certaines limites, notamment en termes de pérennité des emplois créés, beaucoup de bénéficiaires se retrouvant sans emploi à la fin de leur période de stage. De plus, la majorité des insertions se concentrent dans les grandes villes, laissant les régions rurales sous-représentées.
- Programme Tahfiz : Encourager l’embauche dans les nouvelles entreprises
Le programme Tahfiz, créé en 2016, vise à promouvoir l’emploi dans les entreprises nouvellement créées, en prenant en charge les cotisations sociales et la taxe de formation professionnelle pour une période de deux ans. Ce programme a principalement ciblé les très petites entreprises (TPE), qui représentent 78,6 % des bénéficiaires, et les jeunes diplômés.
D’ici 2022, 65 600 salariés ont bénéficié de Tahfiz, permettant de renforcer la compétitivité des nouvelles entreprises. Cependant, la majorité des bénéficiaires sont des hommes (68,7 %), et la couverture géographique reste limitée à l’axe Tanger-Casablanca, ce qui renforce la concentration des opportunités d’emploi dans les grandes villes, au détriment des zones rurales.
- Programme Taehil : Améliorer l’employabilité par la formation qualifiante
Le programme Taehil a été mis en place pour améliorer l’employabilité des chercheurs d’emploi à travers des formations adaptées aux besoins des secteurs porteurs, tels que l’industrie automobile, l’aéronautique et l’offshoring. Le programme comprend deux volets principaux : la Formation Contractualisée pour l’Emploi (FCE), axée sur les besoins immédiats des entreprises, et la Formation Qualifiante ou de Reconversion (FQR), destinée à former les chercheurs d’emploi dans des métiers à forte demande.
Entre 2016 et 2022, près de 51 100 personnes ont bénéficié de ces formations, contribuant à améliorer leur employabilité. Cependant, la baisse du nombre de participants en 2022, en partie liée à la pandémie de Covid-19, a mis en lumière les limites d’adaptabilité de ces formations en période de crise. De plus, une concentration géographique des bénéficiaires dans certaines régions comme Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan reflète une disparité régionale persistante.
- Auto-emploi et Forsa : Encourager l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat est perçu comme une voie prometteuse pour lutter contre le chômage au Maroc. Le programme Auto-emploi, lancé en 2006 sous le nom de Moukawalati, et son successeur Forsa, visent à soutenir les porteurs de projets à travers des formations, un accompagnement et des financements. Ces initiatives sont destinées à encourager la création de petites entreprises, avec un focus sur les jeunes et les femmes.
Entre 2016 et 2022, 28 700 porteurs de projets ont été accompagnés, créant ainsi plus de 11 500 entreprises, principalement des très petites entreprises (TPE). Ces entreprises ont généré plus de 21 700 emplois directs, mais la durabilité de ces emplois reste un défi majeur, avec un taux de survie des nouvelles entreprises encore limité.
L’initiative Forsa, lancée en 2022, a également connu un succès notable en finançant 10 000 projets. Ce programme a élargi son impact géographique en intégrant davantage de zones rurales et en augmentant la participation des femmes, qui représentent désormais 45 % des bénéficiaires.
Bilan et défis persistants
Malgré les succès des PAMT, plusieurs défis demeurent. Tout d’abord, la couverture géographique des programmes est inégale, avec une forte concentration dans les grandes villes, alors que les zones rurales, où les taux de chômage sont souvent plus élevés, ne bénéficient pas suffisamment de ces initiatives. De plus, la pérennité des emplois créés est une question centrale, beaucoup de bénéficiaires de programmes comme Idmaj retournant au chômage à la fin de leurs contrats d’insertion.
Par ailleurs, les disparités de genre restent marquées, avec une participation des femmes plus faible, notamment dans les programmes d’auto-emploi et de formation qualifiante. L’inclusion des femmes et des jeunes dans le marché du travail, bien qu’encouragée par ces politiques, reste un défi majeur pour atteindre une croissance inclusive.
Pistes d’amélioration
Pour maximiser l’impact des Politiques Actives du Marché du Travail, plusieurs pistes d’amélioration peuvent être envisagées :
- Élargir la cible des bénéficiaires : Les PAMT doivent inclure les jeunes non diplômés, les personnes en situation de handicap, ainsi que les chômeurs de longue durée. Cela permettrait de rendre ces programmes plus inclusifs et mieux adaptés aux besoins diversifiés de la population active marocaine.
- Améliorer le ciblage et l’accompagnement : Un suivi personnalisé des bénéficiaires, notamment pour les programmes d’auto-emploi et de formation, est essentiel pour assurer la durabilité des emplois créés. Cet accompagnement doit s’étendre au-delà de la simple formation pour inclure un mentorat, des conseils en gestion, et un soutien à la commercialisation des produits et services.
- Renforcer la coordination entre les acteurs : Une meilleure collaboration entre les institutions publiques, les entreprises et les associations locales est nécessaire pour optimiser l’impact des programmes. La décentralisation des services de l’emploi pourrait également permettre d’adapter les programmes aux spécificités régionales.
- Intégrer les nouvelles technologies : Le digital offre des opportunités pour améliorer l’accès à la formation et à l’emploi. Les technologies numériques peuvent faciliter la mise en relation entre employeurs et demandeurs d’emploi, et offrir des solutions de formation à distance, particulièrement utiles pour les régions rurales.
Les Politiques Actives du Marché du Travail jouent un rôle crucial dans la promotion de l’emploi au Maroc. Toutefois, pour qu’elles soient réellement efficaces, elles doivent être mieux adaptées aux réalités locales, plus inclusives et accompagner les bénéficiaires de manière plus personnalisée. Les réformes recommandées, telles que l’élargissement des cibles et l’intégration des technologies, contribueront à rendre le marché du travail marocain plus dynamique et plus équitable, capable de répondre aux aspirations d’une population jeune et ambitieuse.
Pour accéder au rapport complet, vous pouvez télécharger le document via ce lien : Politiques actives du marché du travail au Maroc : bilan des programmes phares, défis et pistes d’amélioration.