Transformer chaque collaborateur en ambassadeur de l’entreprise : un pari audacieux que Daher Maroc a relevé avec brio. À la tête de cette initiative, Abdelbasset ESSOUFI, Directeur des Ressources Humaines, qui cumule plus de 20 ans d’expérience dans le domaine. Dans une interview exclusive, il nous ouvre les portes de cette stratégie innovante d’employee advocacy mise en place au sein de l’entreprise.
Abdelbasset ESSOUFI partage comment, malgré une moyenne d’âge de 43 ans de l’effectif permanent et une familiarité variable avec les réseaux sociaux, il a su mobiliser ses équipes autour d’un projet commun. En misant sur l’engagement, la transparence et une politique sociale solide, Daher Maroc a réussi à transformer ses employés en véritables porte-parole de la marque. Des actions comme la création de pages LinkedIn et Instagram dédiées, l’organisation de « Family Days » impliquant les enfants des collaborateurs, ou encore la mise en place de chartes de communication, ont été des clés de ce succès.
Découvrez dans cette interview comment une stratégie bien orchestrée d’employee advocacy peut non seulement améliorer la marque employeur, mais aussi créer un cercle vertueux d’engagement et de performance au sein de l’entreprise.
Pouvez-vous nous présenter Daher, son histoire et ses activités au Maroc ?
Abdelbasset ESSOUFI : DAHER est une entreprise française fondée en 1863 et reprise en 1898 par Paul DAHER qui est d’origine syrienne. À l’origine, c’était une affaire de transport maritime. Au fil des années, l’entreprise s’est diversifiée en intégrant la construction d’avions, l’industrie aéronautique, les services industriels et le nucléaire. Aujourd’hui, Daher est non seulement un fournisseur de pièces pour des géants comme Airbus, Boeing, Dassault, … etc, mais aussi un constructeur d’avions à part entière, avec des modèles comme le TBM et le KODIAK. Il est le plus ancien constructeur d’avion toujours en activité.
Au Maroc, Daher s’est implanté en 2001 avec une première usine dans la zone franche de Tanger. Cette implantation stratégique nous permet de servir efficacement nos clients internationaux. En 2018, une deuxième usine a vu le jour, également à Tanger, renforçant ainsi notre présence industrielle. Nous avons également un centre d’études et d’ingénierie situé au cœur de la ville, dédié à fournir des travaux opérationnels, d’études et d’engineering. Daher Maroc compte aujourd’hui plus de 500 collaborateurs engagés, qui contribuent au rayonnement de l’entreprise à l’échelle mondiale. »
Quels sont les principaux indicateurs RH de Daher Maroc ?
Abdelbasset ESSOUFI : Actuellement, nous comptons 565 collaborateurs, avec un taux de cadres et d’agents de maîtrise de 27 %. L’ancienneté moyenne est de 11 ans, ce qui témoigne de la fidélité et de l’engagement de nos employés. L’âge moyen des CDI est 43 ans, reflétant une grande expérience au sein de nos équipes.
Notre équipe RH est composée de six professionnels dédiés En dehors de 3 formateurs, sans recours à des prestataires externes. Nous avons mis en place une politique sociale basée sur trois piliers essentiels : l’équité, l’égalité des droits et une communication transparente. Cette approche a permis d’instaurer un climat de confiance et de réduire le turnover à quasiment zéro parmi les CDI. Nous sommes fiers de cette stabilité, qui est le fruit d’une gestion humaine et respectueuse de nos collaborateurs. »
Comment avez-vous abordé le concept d’employee advocacy au sein de Daher Maroc ?
Abdelbasset ESSOUFI : L’employee advocacy est un concept déjà bien implanté au sein du groupe Daher, notamment en Europe. À mon arrivée chez Daher Maroc en 2021, j’ai constaté que cette pratique était peu développée localement. La moyenne d’âge élevée et la faible familiarité de nos collaborateurs avec les réseaux sociaux étaient des défis majeurs. Nous avons donc adopté une approche progressive.
Nous avons d’abord renforcé l’engagement et le sentiment d’appartenance de nos employés. Sans cet engagement, il est difficile de les encourager à devenir des ambassadeurs de l’entreprise. Nous avons instauré des réunions semestrielles pour partager de manière transparente les réalisations, les défis et les perspectives de l’entreprise. Les délégués du personnel sont devenus de véritables partenaires, participant activement à cette communication.
Ensuite, nous avons créé une page LinkedIn pour Daher Maroc, en encourageant les collaborateurs à la suivre et à partager nos publications. Nous avons simplifié le concept d’employee advocacy pour le rendre accessible à tous, évitant le jargon technique. Cette démarche a porté ses fruits, avec une augmentation notable de l’engagement sur les réseaux sociaux. Nos employés sont désormais plus enclins à partager les succès de l’entreprise, contribuant ainsi à améliorer notre image de marque. »
Quels dispositifs avez-vous mis en place pour accompagner les collaborateurs dans ce processus, notamment avec une moyenne d’âge élevée ?
Abdelbasset ESSOUFI : Conscients que la technologie pouvait être un frein pour certains de nos collaborateurs, nous avons cherché des solutions innovantes pour les impliquer. Nous avons encouragé l’implication de leurs proches, notamment leurs enfants. L’idée est d’organiser des « Family Days » ou des « Kid Days » où les enfants visitent l’entreprise, découvrent le travail de leurs parents et deviennent, à leur tour, des ambassadeurs de Daher. Cette approche crée un lien intergénérationnel et facilite l’adoption des outils numériques.
Par ailleurs, nous avons mis l’accent sur la formation et l’accompagnement. Nous prévoyons d’organiser des sessions pour aider les collaborateurs à se familiariser avec les réseaux sociaux, en leur montrant comment partager des contenus de manière sécurisée et efficace. L’objectif est de les rendre à l’aise avec ces outils, afin qu’ils puissent s’exprimer librement et contribuer à la promotion de l’entreprise. Nous pensons, également, à mettre en place un système de « cooptation » pour faire de nos salariés des intermédiaires dans l’acquisition de nouvelles compétences avec des récompenses intéressantes à l’instar de ce qui se fait dans le groupe DAHER. Nous croyons fermement que chacun peut jouer un rôle, quel que soit son âge ou son niveau de familiarité avec la technologie. »
Comment mesurez-vous l’engagement et les retombées de l’employee advocacy ?
Abdelbasset ESSOUFI : La mesure de l’engagement est essentielle pour évaluer l’efficacité de notre démarche. Nous utilisons plusieurs indicateurs. D’abord, nous suivons les statistiques de notre page LinkedIn : le nombre de vues, de partages, de commentaires. Cela nous donne une idée précise de la portée de nos publications et de l’implication de nos collaborateurs.
Ensuite, le groupe Daher mène chaque année une enquête sociale anonyme. L’un des volets de cette enquête porte sur la volonté des employés de recommander l’entreprise. Nous sommes fiers d’afficher un taux de 90 % de collaborateurs prêts à recommander Daher Maroc. Cela témoigne de leur satisfaction et de leur engagement.
Enfin, lors des recrutements, nous demandons systématiquement aux candidats comment ils ont entendu parler de nous. De plus en plus mentionnent les réseaux sociaux ou le bouche-à-oreille via des employés actuels. C’est un indicateur concret que l’employee advocacy a un impact positif sur notre attractivité en tant qu’employeur. Nous envisageons également d’investir dans des outils plus sophistiqués pour affiner notre analyse et optimiser nos stratégies à l’avenir. »
Quel est l’impact de l’employee advocacy sur l’engagement des collaborateurs ?
Abdelbasset ESSOUFI : L’employee advocacy crée un cercle vertueux entre l’engagement des collaborateurs et la promotion de l’entreprise. En les impliquant dans la communication, nous renforçons leur sentiment d’appartenance et de valorisation. Ils ne se sentent plus seulement comme des employés, mais comme des membres actifs de la « famille » Daher.
Cette démarche favorise également le développement de nouvelles compétences. En apprenant à utiliser les réseaux sociaux de manière professionnelle, les collaborateurs développent leur expertise numérique, ce qui est bénéfique pour eux et pour l’entreprise. De plus, en partageant des contenus pertinents, ils deviennent des porte-parole crédibles, ce qui peut stimuler leur motivation et leur engagement.
Enfin, l’employee advocacy contribue à créer une identité collective forte. Nous avons commencé à nous appeler les « Dahériens » et les « Dahériennes », ce qui renforce la cohésion et l’esprit d’équipe. Les employés sont fiers de faire partie de l’entreprise et cela se ressent dans leur travail quotidien. L’engagement n’est plus une contrainte, mais une volonté naturelle de contribuer au succès collectif. »
Quels conseils donneriez-vous aux DRH souhaitant mettre en place un programme d’employee advocacy ?
Abdelbasset ESSOUFI : Mon premier conseil serait de s’assurer que les bases sont solides avant de lancer un tel programme. Il est essentiel d’avoir une politique sociale juste, basée sur l’équité, l’égalité des droits et une communication transparente. Les collaborateurs doivent avoir confiance en l’entreprise pour devenir des ambassadeurs efficaces.
Ensuite, il est crucial de standardiser et de contrôler la communication. Mettre en place une charte de communication permet de définir clairement ce qui peut être partagé, comment et par qui. Cela évite les dérapages et assure une cohérence dans les messages diffusés.
Enfin, il faut accompagner les collaborateurs. Proposez des formations, des ateliers, des supports pour les aider à s’approprier les outils et les bonnes pratiques. Encouragez-les en valorisant leurs contributions et en reconnaissant leurs efforts. L’employee advocacy est un investissement sur le long terme qui nécessite patience et engagement, mais les retombées en valent largement la peine. »